Retour sur … Mythos 2014 et un [Weltanschauung] jubilatoire

Comment grandir dans un monde où tout fout le camp ? un monde où la couche d’ozone se délite, où le sida fait des ravages, où l’explosion atomique finale nous menace tous ? Clément Thirion vous propose sa solution : beaucoup d’humour, des moonboots velues, de la musique New Age et de la dérision XXL. Si le spectacle [Weltanschauung] porte un titre imprononçable, le propos plus que jubilatoire a remporté tous les succès !

Si [Weltanschauung] aborde des notions de philosophie allemande, il le fait toutes zygomatiques dehors. Durant 1h15, Clément Thirion, qui a raté sa vocation de Prix Nobel des Sciences, vous présente, à défaut de carrière scientifique, sa création. Une création jubilatoire, qui nous aura fait rire jusqu’aux larmes.
Et pourtant le propos est sérieux, on ne peut plus sérieux. Comment sauver l’Humanité ? C’est simple : à grands doses d’auto-dérision, de tenues décalées, et de propos scientifiques au service de l’humour et d’un certain regard sur nous-mêmes… Le tout en moonboots velues !

[Weltanschauung]

Mais pour sauver l’Humanité, il faut remonter à ses origines. Clément Thirion, et son assistante Gwen Berrou, se transforment pour cela en animateurs scientifiques déjantés.  Vous saurez donc tout du biface, couteau suisse en silex de la Préhistoire, fort utile pour dépecer le Lion du Paradis perdu d’Adam et Eve et se refaire, les mains pleines de sang,  la grotte de Lascaux sur scène… Vous saurez aussi grâce à une chorégraphie animalière comment le pouce opposable nous a conduit vers une bipédie assurée.
Mais est-il vraiment utile de sauver l’Humanité, cette espèce qui est la seule à faire des collections de coquillage ?

Klaus Nomi le pensait. Et preuve à l’appui, Gwen Berrou et Clément Thirion entament cette fameuse danse destinée à sauver l’Humanité : Total Eclipse pour tout le monde. Avec un dispositif video en miroir qui ressemble de loin à Bisquit et sa haie d’honneur d’ambassadrices blondes… Mais un dispositif qui part en vrille et se déglingue sous les rires du public.

[Weltanschauung]

Qu’importe, les deux protagonistes sur scène continuent d’explorer l’Humanité en remontant au Paradis Perdu. Tel Adam et Ève, ces deux êtres que tout oppose, lui est petit et chauve, elle est grande et chevelue, recomposent le tableau d’Emile Nold, peinte expressionniste allemand.

Emil Nolde, Verlorenes Paradies, 1921, Nolde Stiftung Seebüll, (c) Nolde Stiftung Seebüll
Emil Nolde, Verlorenes Paradies, 1921, Nolde Stiftung Seebüll, (c) Nolde Stiftung Seebüll

Toute ressemblance…blabla…fortuite…blabla… Heureusement que que les outils préhistoriques – biface, tablette velue – sont là pour que nos deux trublions nous aident à comprendre la naissance du langage et les peintures rupestres !

[Weltanschauung]

Pause.

Nos zygomatiques sont en mode ON depuis un moment. Tout ceci vous semble confus et complètement décalé ? certes, mais les acteurs réalisent sous nos yeux une performance des plus troublantes. L’air de rien, ils jouent un double rôle. Ils étaient présents sur scène quand nous sommes entrés dans la salle, comme si de rien n’était. Comme s’ils n’étaient pas acteurs mais techniciens. Leurs hésitations, leurs problèmes techniques justement nous feraient presque croire que tout est improvisé. Et que le spectacle qui se joue sous nos yeux n’est qu’une suite d’approximations. Il n’en est rien (ou alors, nous nous sommes faits doublement bernés !).

[Weltanschauung]

Ce joyeux bordel nous fait oublier les frontières entre acteurs et public, techniciens et public, techniciens et acteurs. Tout s’entremêle et le propos interroge autant la création scientifique qu’artistique et divine sous la dérision ambiante. D’ailleurs, rien de tel qu’une distribution de biscuits, avec ou sans gluten, pour repartir à l’assaut de ce qui fait notre humanité, notre estomac, assurément à ce moment-là !

Et c’est au tour de Gwen Berrou de devenir animateur scientifique, pour un exposé chorégraphié au ruban sur le rapport au mouvement appliqué au serpent. Adam et Eve, la Création, l’Humanité ne sont finalement jamais très loin…

[Weltanschauung]

Où l’on découvre que le python possède 400 vertèbres. Que les serpents n’ont pas de sternum, ce qui facilite grandement leur reptation. Que divers modes de locomotion leur sont possibles : ondulation latérale, mouvement en accordéon, déplacement aquatique, déplacement rectiligne… Et tout le potentiel de dynamique du ruban est ainsi exploité avec un joli clin d’œil au mouvement fractal, titre du second spectacle présenté par Clément Thirion lors du Festival Mythos 2014…

[Weltanschauung]

L’évocation de l’accident vasculaire cérébral d’une neurologue par Gwen Berrou nous fait entrer dans notre cerveau et ses hémisphères, centres de nos humanités rationnelle et émotive. Un cerveau de 1400g dont la vanité n’a pas d’égal… Trophées préhistoriques à l’appui, nos deux bipèdes se dénudent et entament une chorégraphie sur fond d’atomisation finale en noir et blanc. L’Humanité se perdra-t-elle à cause d’un biface en jaspe ?

[Weltanschauung]

Impossible de se quitter sur un tel constat ! La dérision reprend le dessus et Klaus Nomi revient, version Chorus Line. Les bipèdes présente dans la salle se lèvent et viennent sur scène pour entamer cette grande danse de l’Humanité sous la houlette du chef d’orchestre Clément Thirion. Ouf, nous voilà sauvés pour cette soirée !

[Weltanschauung]

Un moment jubilatoire donc, où nos zygomatiques sont restés scotchées en mode ON. Une performance vraiment étonnante où burlesque et naïveté servent des questions vraiment sérieuses. On en redemande ! Et merci Mythos pour ce chouette moment d’humanité pas encore perdue…

Photos : Catherine Gaffiero – La Vie Invisible

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Festival Mythos (15-21 avril 2014)

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