[Report] – Laetitia Shériff à l’Antipode : bonheurs partagés

Retour sur une parenthèse magique dans la nuit de décembre avec le retour tant attendu de Laetitia Shériff sur la (nouvelle) scène de l’Antipode : en version septet avec les cuivres, le groupe a étreint toute une salle. Pour ne pas dire l’inverse. Un moment suspendu. Compte-rendu.

BRNS

Du fait de l’annulation de C’est Karma et de l’avancée de l’horaire de leur concert au dernier moment, BRNS qui ouvre la soirée commence son set devant un public plutôt clairsemé et on en est désolé. Beaucoup (avec étonnement, on doit le dire) ne verront d’ailleurs que la fin du live. Et c’est dommage car les quatre Belges livrent une prestation qui aurait mérité des rangs plus fournis dès le début. Heureusement, le public s’épaissit progressivement d’autant que la belle troupe joue avec autant de cœur et de panache que de sensibilité. On a vu déjà les Belges plusieurs fois à l’Antipode old version (octobre 2012, mars 2013 et novembre 2017, si on en croit nos archives) et à chaque fois les Bruxellois nous ont ravi l’oreille avec leur indie pop inventive et futée.

Ils reviennent ce soir avec un nouvel album paru à l’automne, Celluloid Swamp, à l’artwork flashy et détonnant, qui s’il reste bien un disque estampillé BRNS, part aussi dans une tripotée de nouvelles directions inattendues.

C’est pourtant avec Forest, l’un des morceaux de Sugar High (2017) que les quatre entament le concert de ce soir. Sur une guitare un tantinet maltraitée qui sert de tapis aux incantations quasi a capella de Timothée Philippe, le batteur chanteur donne ses premiers coups sur les toms, tandis que les quelques riffs parcimonieux aux claviers par l’ex Arch Woodman Lucie Marsaud et les notes de la basse d’Antoine Meersseman viennent progressivement gonfler et les rangs et le son qui prennent de l’ampleur.

On est ravi de découvrir l’étonnant Money qui suit (issu de Celluloid Swamp) en live tant ce titre propose de nouvelles sonorités peu habituelles jusque-là dans la musique de BRNS. Des atours plus synthétiques, une touche de RNB trainante dans la voix, une guitare et une basse chaudes, toutes en rondeur, striées régulièrement par un gimmick aigu aux claviers. Le sac à malice indie pop des quatre drilles est toujours aussi plein de petites trouvailles sonores, de bidouille intelligente et de sursauts rythmiques inattendus (derrière les fûts, Timothée Philippe est toujours aussi inventif). Sans œillère, sans frontière les BRNS font ce qui leur plait et sous la chaleur de ce RNB un poil vicié et vicelard, le chant à la vibe inattendue de Timothée Philippe, encore souvent quasi a capella se révèle encore plus bluffant. Le refrain (ou le pont on ne sait pas trop) est tout bonnement mélodiquement imparable et on s’étonne sans discontinuer de tous les tours de passe passe par lesquels se faufile le morceau.

Alors certes, la salle manque encore de la fièvre d’un public trop clairsemé mais les magnifiques lumières bleues et rouges de l’Antipode apportent encore davantage de chaleur à My Head is into you (Patine, 2014) à chanter à gorge déployée ou plus loin aux chœurs à trois voix du très réussi The Rumor (Sugar High). Les nappes de synthé accompagnées d’une batterie sèche rognée à l’os, le refrain chanté par Lucie Marsaud et les voix qui se répondent, tout coule dans l’oreille. Pourtant, chez ces quatre-là, si tout est évident, rien n’est lisse pour autant. BRNS préfère les aspérités lo-fi et l’énergie organique. Des petits arrangements, de ci, de là, ces sursauts rythmiques surprenants : BRNS, sans jamais renier harmonie et mélodie, continue d’éclater sa pop.

Et si le nouveau long format nous avait d’abord surpris par ses parures plus synthétiques, on est complètement rassuré d’entendre le grain âpre que ces quatre-là y mettent en live. Pour preuve, les cot cot de la guitare de Diego Leyder qui accompagnent une basse distordue pleine d’échos, renvoyant constamment les scansions chantées à trois voix dans les cordes sur le tendu Profond Pressure. Puis la seconde partie d’Inverted (chanté lead par Antoine Meersman) dont les riffs de guitare tournoyants font dodeliner la salle de plus en plus crânement, et nous avec.

Même le très soul Suffer passe haut la barre en live d’autant qu’on écarquille une nouvelle fois les oreilles devant la maîtrise vocale de Timothée Philippe qui peut aussi bien crier avec une classe désarmante (le tube des débuts Mexico est pour bientôt) qu’insolemment se balader au cœur d’une soul au groove implacable. L’intro de Hurts (Holidays, ep 4 titres de 2017) pendant laquelle il chante quasi comme Buckley (le fils) sur juste la guitare de Diego Leyder finit de nous convaincre. Et il mérite bien le chant d’anniversaire qu’Antoine Meersseman, aussi goguenard qu’amusé lance juste après, aussitôt repris en chœur par la salle toute aussi amusée.

C’est sûrement l’une des premières dates pour BRNS depuis la sortie de ce nouvel album, et comme beaucoup du fait de la crise sanitaire, ils n’ont pas dû pouvoir vraiment enquiller les concerts ces derniers temps. Aussi cette prestation sonne comme un tour de chauffe. Mais s’il manque encore un petit quelque chose à l’ensemble pour totalement nous emporter, on est quasi certain.e.s qu’il s’agit plutôt simplement de le policer à l’énergie et à la sueur d’un public encore plus fourni tant le groupe a de formidables choses à offrir. BRNS est décidément de ceux qui en ont dans la caboche.

La doublette finale enchaînant l’imparable et fédérateur Mexico au tout neuf Get Something (deux voix à la Pixies et des cris à la Franck Black/Black Francis) jouée à toute allure ne fera que le confirmer. Heureusement devant une salle plus remplie.

Laetitia Shériff

Car Laetitia Shériff suit. Et le public rennais n’en peut plus d’attendre le retour sur scène à la maison de la musicienne dont la sortie en pleine pandémie du merveilleux Stillness (chez les fidèles Yotanka) nous a privé.e.s  D’abord parce qu’on est immensément ravi d’enfin retrouver l’artiste sur une scène rennaise (et dans l’écrin de la grande salle de l’Antipode, qui plus est !), ce dont la crise sanitaire nous a (bien trop !) longuement frustré. D’autre part parce que Stillness, son dernier album en date, intègre, à la fois nerveux et élégant, tout aussi furieusement désespéré que doux et salvateur, nous a retourné et les sangs et le cœur. Enfin parce que pour cette tournée toute chamboulée, les dates avec les cuivres en live se comptent sur les doigts d’une main. On s’en sent donc immensément privilégié. Et au vu des frémissements dans la salle avant que le noir ne se fasse, l’intense attente des retrouvailles est sacrément partagée. Et explose une première fois en cris et applaudissements dès l’entrée de la belle troupe sur scène.

Autant le dire, quand Ashamed (le morceau de clôture de Stillness) commence, la douce exultation de l’impatience enfin comblée étreint totalement la salle. On sent tout autour à quel point le retour de Laetitia Shériff et ses complices était attendu. C’est intensément palpable dans l’air. Et cela l’est tout autant dans la salle où les rangs se sont fortement resserrés, que sur la scène où le septet a pris place. Car c’est donc exceptionnellement en version à sept que joue la formation (seulement deux dates précédemment sur la tournée, une au Palma et l’autre aux Rockomotives). Comme toute la salle comblée, on mesure notre chance, tant ce line-up va nous ravir l’oreille de bout en bout d’un set magique.

Laetitia Shériff bien sûr y tient la guitare, la basse, la baryton et le chant lead. Xavier Rosé alterne avec le même talent entre guitare, basse et même baryton, tandis que l’inébranlable Nicolas Courret assure la puissance de frappe sur les fûts. Thomas Poli (du power trio originel depuis Where’s my I.D. ?) profite de cette date à Rennes pour venir y apporter ses guitares expertes et ses synthés analogiques à la chaleur désarmante. Ajoutez à nos quatre mousquetaires rock une section cuivres époustouflante montée par Clément Lemennicier (dont on adore également le travail), Romain Cadiou et Quentin Mauduit et vous aurez une petite idée de l’émotion démultipliée qui va prendre chacun.e aux tripes.

Laetitia Shériff nous avait soufflé qu’elle se sentait assez à l’aise avec ces musiciens dont la présence la portait pour lâcher la guitare quelques titres. Et on a la surprise qu’elle commence le concert ainsi, juste au chant.

Les premières notes à la guitare ancrent la respiration de la salle sur un temps plein d’un groove lent avant que l’arrivée profonde des cuivres nous prenne immédiatement à la gorge. Des frissons intenses parcourent toute la salle. On écarquille les yeux très grands. On souffle un grand coup dans nos masques et on lâche les amarres. I’m scared, I watch the war (…), I’m ashamed, chante merveilleusement Laetitia Shériff, dont la diction parfaite (et l’accent anglais à tomber) nous fait parfaitement comprendre les paroles. Chanson qu’on entend à la fois (on ne sait pas si c’est ce que la musicienne voulait dire) comme la honte qui nous saisit à se mettre parfois en retrait du monde, d’abandonner l’action pour vivre un pas en arrière loin des tumultes, et en même temps comme la honte acide qui nous remonte dans la gorge pour toutes ces choses dont on voudrait crier si fort, que non, elles ne se font pas en notre nom (au hasard, les blessures causées par le froid des montagnes d’Afghanistan franchies à pied sur les visages des enfants en fuite arrivés dans nos classes, Calais et tous ces corps sur les plages…). Les notes aigues à la guitare déchirent l’espace, tandis que la voix chaude de Laetitia nous prend à l’âme. Le baume au cœur des cuivres étreint la foule entière. Des regards s’échangent. Dans la salle. Sur scène. Les sourires, sous les masques. Comme c’est bon.

Soulignons d’ores et déjà le son exceptionnel (bravo à Dominique Brusson derrière la console) qui nous permet de profiter de tous les instruments, de chaque note, de chaque timbre avec une précision infinie. Sans rien sacrifier à la puissance et à l’intensité. Sans gommer jamais les nuances de l’étendue du spectre musical que proposent Laetitia Shériff et ses merveilleux acolytes. Car bien que directement et jubilatoirement accessible, leur musique, loin d’être simpliste, regorge d’arrangements ciselés avec passion et talent et fait montre d’un songwriting aussi élégamment efficace que désespérément subtil.

Manifestement émus autant que nous les sept enchaînent sur le tubesque et merveilleux People Rise up, appel à s’unir, à se rassembler dont la progressive montée se révèle totalement irrésistible. Laetitia qui ne pensait pas être assez à l’aise pour danser sans sa six ou quatre-cordes, ébauche quelques pas de danse, totalement emportée par la musique. Et nous avec. La justesse et la profondeur de sa voix, qui embrasse merveilleusement tous les registres, des graves chaleureux et profonds aux notes aériennes envoûtantes, du cri de ralliement aux rages contenues, nous saisissent à nouveau. Elle y met une émotion et une intention qui touchent au plus juste. Les cordes de l’album sont ici remplacées par les cuivres, magistraux qui donnent une profondeur encore différente au morceau. Sous le masque, on accompagne à pleins poumons les « ouhouhou » du chant lead qui nous prennent au cœur. Les guitares de plus en plus rock attisent encore davantage le feu qui brûle et la partie finale voit les corps se déchainer devant la scène. Come on, Come on, invite Laetitia Shériff en écho à une première dantesque descente de manche sur la six cordes, Come on, répète-t-elle avec une ferveur qui embrase la salle, d’avance prête à la suivre. A nouveau, les applaudissements et les cris retentissent en une explosion d’amour.

Les cuivres baissent pavillons le temps d’A stirring world tandis que Clément Lemennicier se glisse derrière un synthétiseur. Lent, puissant, rageur, le morceau prend un virage plus mélodique après des guitares martelées, scandées, pour se transformer en un doux appel. « Pour moi, le choix de continuer à faire de la musique et des disques, c’est pour continuer d’injecter un maximum d’amour là où il n’y en a plus » nous disait Laetitia Shériff quelques jours auparavant. Nous devons continuer de nous battre ensemble, chante la musicienne en anglais. “Love is not locked away anywhere, It is there, innate, natural and free, Let’s make it exists” poursuit-elle.

Et autant dire que ce soir, il existe, tant il s’échange, d’un regard complice entre Laetitia et Thomas Poli sur les planches, de la scène à la salle, constamment. Les lumières à la fois caressantes et ardentes, telles un feu qui brûle, qui réchauffe les cœurs, se révèlent un parfait écrin aux braises allumées par la musique du septet. Comme les battements de nos cœurs, les filaments des ampoules et des lampes-baladeuses de garagistes, s’allument, rougissent, scintillent sans vaciller. Audrey Losque-Robert est la responsable de la scénographie, avec pour objectif affiché de « démédicaliser » cette reprise des concerts le masque encore sur le visage et autant dire que son travail époustouflant est à la fois le reflet et le creuset inépuisable de  la tendresse de cette nuit d’hiver passée ensemble.

On a à peine le temps de reprendre notre souffle que les puissants cuivres de We are you emplissent alors la belle salle de l’Antipode, et tandis que les guitares tranchantes découpent l’espace lourd, la foule entière se laisse gagner par le rythme lent et puissant du morceau aux racines profondes et au refrain aérien. We love you crie la salle après ce nouveau moment de bonheur total partagé. Sur scène, manifestement très émus, les musiciens n’en pensent pas moins. Dans les éclats de rires et d’amour, Laetitia nous conjure de faire attention à ne pas lui faire faire des bulles avec le nez. La salle ne l’en aime que davantage et sur scène comme devant, tout le monde se laisse emporter par le si entraînant Deal with this. Nous voilà tous de concert à chanter, de plus en plus fort sous les masques, d’abord les imparables chœurs « ohohoh » lancés par un couple basse/batterie des plus efficaces, puis un break irrésistible plus loin les « papapapa » du final enlevé très Lennon/MCartney qui invite au bonheur, là, maintenant. Les rangs de plus en plus collés serrés dodelinent et dansent joyeusement à qui mieux mieux. Enjoy and take pleasure/ You ‘re gonna to do it great chante Laetitia Shériff. On n’aurait pas mieux dit.

Mais la bande enchaîne déjà pied au plancher pour une montée des plus fracassantes avec un Sign of Shirking d’anthologie. Thomas Poli et Xavier Rosé aux guitares rugissantes, Laetitia Shériff à la basse-pistolet à clous, Thomas Courret aux toms occis à toute berzingue : ça déménage et décolle immédiatement la plèvre des poumons. Derrière, les cuivres restent muets sous ce déferlement de puissance, tandis que devant la foule entière réagit comme un seul homme, prise par ce rock démoniaque à déchainer les corps. Ça danse, ça crie, ça rit de bonheur. Du plaisir, d’enfin laisser le corps parler après ces longs mois de confinement/mesures sanitaires. On se laisse aller aux cris rock de Laetitia Now there are too many noises, to do nothing. Emporté.es, chahuté.es au bonheur des ralentissements des guitares négociés au frein à main et de leurs redémarrages aussi soudains, les deux pieds debout sur les pédales.  On a chaud. Comme la salle entière.

Et pour ne rien gâcher, Laetitia Shériff pose sa guitare et poursuit avec l’un de nos morceaux préférés de ce dernier album, Go to Big Sur avec les cuivres en live s’il vous plait et tous nos poils se redressent d’émotion. Une accalmie déchirante. La nuit, Kerouac, le pont de Big Sur. On aime l’écho que les chansons ont parfois entre elles. « And the bridge sends its link / It’s a link we share /It’s a link we fear » chantaient Shannon Wright et Mansfield.TYA. On a la gorge singulièrement serrée. La chaleur des synthétiseurs analogiques de Thomas Poli étreint doucement les arpèges de la guitare et la voix sublime de Laetitia nous cloue l’âme et le cœur tout ensemble. Stupid Broken Bridge Between Us. Les accents et l’émotion dans sa voix finissent de nous liquéfier et à l’arrivée des cuivres, on a les yeux bien humides. Autant dire que la version live du morceau n’a en rien arrangé nos affaires. Et si l’on en croit la chaleur des applaudissements, on n’est pas les seul.es à être touché.es. Coulé.es.

Les cuivres quittent alors discrètement la scène (« Les cuivres ne vont pas faire des allers retours. Quand ils seront là, ils seront vraiment là avec nous. » nous avait dit Laetitia quelques jours auparavant) et laissent le quatuor seul aux manettes pour quatre titres qui vont se révéler époustouflants de bout en bout, déchainement jubilatoire, montée stratosphérique toute en fougue et en maîtrise qui va finir de laisser la foule exsangue et ravie, le sourire vissé aux oreilles, la sueur ruisselant sous les masques. Ça commence avec deux nouveaux titres de Stillness, l’imparable enchaînement Outside / Stupid March : Laetitia reprend sa basse, la guitare de Xavier Rosé lance des notes aériennes qui s’élèvent d’abord doucement au-dessus des scansions martelées de la quatre cordes avant que progressivement les accords décochés à la guitare retrouvent les futs passés en mode essorage 2000 tours minutes, propulsant la rythmique telles des pales d’hélicoptère tournoyantes. Le mode pachydermique enclenché sur la lourde rythmique toute en disto de Stupid March poursuit le travail de sape des premiers rangs et les têtes martèlent la rythmique de concert avec le même bonheur.

Ça s’arrange encore moins avec une première escapade sur Pandemonium Solace and Stars avec le single The living dead dont le final voit Laetitia Shériff basse à la main danser d’un pied sur l’autre, rebondir du médiator de cordes en cordes, tandis que Xavier Rosé et Thomas Poli se cambrent d’avant en arrière sur leurs guitares. On est complètement happé par les riffs des guitares, la puissance de feu martelée par Nicolas Courret puis par la voix de Laetitia qui appuie sur sa pédale de reverb (ou boucle ?) pour nous cueillir encore, par le chœur mélodique qui s’élève, déchirant l’âme dans cet amas de guitares en colère. Autour de nous, les corps se laissent totalement emporter et l’imparable Solitary Play de Games Over achève impitoyablement le travail. Riffs de guitares de Thomas Poli à se damner, rythmique taillée pour l’emballement cardiaque, le morceau finit de laminer la salle qui danse et crie de plaisir et de cet emballement et de ce lâcher prise. Sur scène, dans la salle. Ça sourit. Fort. Le bonheur d’être là. Ensemble. Enfin. Ça applaudit. Ça crie. Fort encore, pour accompagner les quatre qui quittent la salle.

Le rappel, généreux est une évidence. Tout le monde en veut encore. Sur scène comme dans la foule. Et malgré une quatrième corde rétive à l’accordage. Cela ne pourrait être que le bonheur de retrouvailles immensément attendues, c’est tellement plus que ça. Tant ce soir, les sept musiciens tutoient les hauteurs, tant la version septet avec les cuivres donne d’ampleur aux arrangements et au compos pourtant déjà riches, tant l’engagement et le partage sans faille de ces sept samouraïs touche au cœur.

Pour A Thousand Miles, les trois guitares (Thomas Poli, Xavier Rosé et Laetitia Shériff) donnent une ampleur inattendue au spectre habituel des six cordes. Il faut dire que le glissando en ostinato de Thomas Poli est complètement addictif et que lorsqu’il se saisit d’une baguette de batteur pour triturer encore les cordes sur la partie finale, on en prend plein les yeux et les oreilles. Juste après, The Pachyderm Memories également issu du ep The Anticipation suscite le même engouement du public qui danse, chante et crie avec une insondable ardeur.

Le temps de remercier et de nommer chacun des musiciens et quelques éclats de rires plus tard (Laetitia Shériff a oublié Nicolas Courret), l’un de nos titres favoris ever, Urbanism (Pandemonium, Solace and stars) voit le retour des cuivres sur scène pour le plus grand bonheur de nos oreilles, ainsi qu’un entrelacs des plus efficaces des trois guitares barytons (Laetitia, Thomas, Xavier). La version avec les cuivres, travaillée spécialement pour cette configuration en septet est monumentale et on ne sait plus où donner de l’oreille. Autour de nous, tout le monde est captivé, emporté.

Avec The Anticipation en point d’orgue final, également retravaillée pour l’ajout des cuivres, les frissons gagnent la salle en son entier. La musique nous prend dans ses bras, le public entier prend le groupe dans ses bras. Lætitia Shériff et sa belle équipe sont définitivement de ces artistes rares, dont la sincérité, le talent et la précision forcent le respect. Ces quelques heures merveilleuses gagnées sur l’obscurité en ont été une nouvelle preuve. On l’a dit plus haut. Cela n’aurait pu être que le bonheur de retrouvailles immensément attendues. Ça a été tellement plus que ça.

Photos sous la barbe et le masque : le toujours indispensable Mr. B.

 Lætitia Shériff & BRNS @ Antipode, Rennes


 

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