Les amateurs de musiques indociles et de transes épileptiques noisy avaient pris rendez-vous à l’Antipode ce jeudi 11 avril pour une soirée à la dantesque affiche concoctée par le festival Roulements de Tambour. Compte-rendu.
Si la soirée de la veille, pourtant passionnante, s’est jouée devant un public plutôt clairsemé au Jardin Moderne, l’affiche de ce soir semble avoir convaincu le public de se déplacer en rangs plus serrés jusqu’à l’Antipode puisque la salle bien remplie le restera jusqu’à la fin de la soirée malgré un dernier horaire de passage (trop ?) tardif pour un soir de semaine (une heure moins vingt pour le début du set des immanquables Electric Electric pour une fin de concert un peu avant deux heures). On croise même plusieurs spectateurs qui ont réussi à cumuler deux propositions le même soir puisqu’une bonne partie du public était au (très bon) concert d’Otto juste avant aux Ateliers du Vent. Ils arrivent néanmoins un peu tard pour ne pas louper le premier concert de la soirée, les Lillois d’Ed Wood Jr.
On l’avait dit, on avait peu entendu parler d’Ed Wood Jr avant ce soir. Pourtant le groupe lillois, membre du collectif A tant rêver du roi, existe depuis 2008. Et a déjà plusieurs disques à son actif (notamment les albums Ruban de Möbius en 2010 et Silence en 2011). Dernière sortie en date, un deux titres disponible depuis février où le duo est accompagné par Asako Fujimoto.
C’est d’ailleurs avec la jeune femme que les Lillois se présentent sur la scène de l’Antipode ce soir. Petite robe courte et collants violets, longs cheveux noirs, la jeune femme s’installe derrière un clavier à la gauche de la scène. Au centre, c’est le guitariste, chemise à carreaux et gibson noire, qui prend place lui aussi derrière des claviers et des pédales d’effets diverses. A sa droite, un batteur qui va très vite nous en coller plein les oreilles.
C’est en effet d’abord sa prestation qu’on retiendra. Ce gars est impressionnant : sans en faire des tonnes sur les roulements et les fioritures en tout genre, il assène chaque coup sur ses toms comme si sa vie en dépendait avec une puissance à vous décoller la plèvre des poumons. Ça frappe fort. Très fort et excessivement juste. Si en plus vous ajoutez à ça des rythmiques retorses et des structures qui vous vrillent le cerveau, vous ne pouvez plus le quitter des yeux et des oreilles.
Malheureusement le groupe semble se heurter à des problèmes techniques qui lui rendent la tâche bien difficile. La guitare est souvent trop lointaine et on ne perçoit pas toutes les (bonnes) idées du guitariste qui peut aussi bien jouer sur les harmoniques que tricoter ses riffs sur le manche avec célérité. Certains retours semblent inaudibles, un clavier joue les retors, les musiciens ne s’entendent parfois pas entre eux. Ils essaient de sauver les meubles tant bien que mal. Mais l’ensemble peine malheureusement à convaincre.
C’est d’autant plus dommage que l’écoute de leurs sorties discographiques nous avait fait belle impression, leur math rock, rehaussé d’électronique, s’avérant à la fois riche et pêchu. On avait également apprécié l’arrivée d’Asako Fujimoto qui donnait une coloration à la Deerhoof à leurs derniers titres. Làs, exit Deerhoof ce soir. Vivement la prochaine fois.
Les Nantais-Rennais-Tourangeaux de Fordamage, on les a déjà vus un bon paquet de fois sur scène (même si jamais à l’Antipode). Et bien autant le dire tout de suite : on ne s’en lasse toujours pas tant la puissance nucléaire assénée par le groupe en live nous percute l’estomac.
Fordamage, ce sont Vincent Dupas à la guitare (Gibson rouge), sur la gauche de la scène, Anthony Fleury à la basse sur la droite, le prolifique et infatigable Pierre Marolleau à la batterie en fond de scène et au milieu, la toujours essentielle Amélie Grosselin se balançant d’avant en arrière au-dessus de sa guitare avec une classe indicible.
En plus de jouer à 200 à l’heure avec une énergie dévastatrice, les quatre hurlent tour à tour comme des beaux diables. Une nouvelle fois, tous les potards sont rapidement dans le rouge. Vincent Dupas doit même changer une corde de sa guitare au bout d’à peine quelques minutes.
Explosions punk et noise sont de mise avec Fordamage qui conjugue énergie brute, chants furieux et compositions racées. Les structures des morceaux peuvent là encore éclater les formats d’un aller-retour de médiator ou d’un roulement de caisse claire.
Mais surtout en live, ça joue vite, fort et avec une furie contagieuse. Les morceaux amples et exaltants de leur dernier album Volta Desviada (Kythibong, juin 2012) sont une nouvelle fois exécutés avec un brio ineffable.
Le dialogue des guitares, entre riffs propulsés dans les amplis à pleine puissance et tricotages des cordes à quatre mains, s’empale sur une basse lourde et robuste, jouée de main de maître par Anthony Fleury. Derrière, Pierre Marolleau ne lâche rien et martèle ses fûts, implacable et impeccable.
Alors quand en plus, les copains batteurs (les mêmes que dimanche dernier aux Champs Libres) Régis Boulard (Chien Vert, Trunks…), Yoann Buffeteau (Montgomery…) , Jérôme Bessout (Fago.Sepia) viennent lui prêter main forte sur un titre à l’énergie dantesque, nos oreilles ricochent de toms en toms (Yoann Buffeteau y brise même l’une de ses baguettes!).
Seule accalmie momentanée dans ce set engagé à pleine vitesse : A man and a dog. Son riff lancinant et cette basse qui joue les grands espaces, posent très momentanément et (très) relativement les esprits avant une reprise des hostilités tout en intensité.
Une nouvelle fois, l’engagement des quatre Fordamage a été total et leur set percutant comme la foudre a frappé le public en pleine face. Grand.
Microfilm
Derrière, le rock de Microfilm qu’on qualifiera rapidement de post pour son amour des étirées dans l’espace et des ambiances instrumentales qui prennent le temps de se développer, ralentit bigrement le tempo.
Leurs épopées instrumentales intègrent des samples de films et de documentaires des années 50 à 75, morceaux de dialogues, bruitages, qui donnent bien souvent une couleur et une direction aux compositions. Depuis désormais 10 ans, et quatre albums au compteur avec notamment AF127, dernier en date (Head records / Consortium Prod., mars 2012) qui gagne encore en ampleur, Microfilm taille la route (Dept 7?) avec une belle cohérence.
Le quintet poitevin accompagne ses prestations d’images qui défilent en fond de scène sur grand écran, mais également (on adore cette trouvaille) sur les façades des amplis de guitare.
Sur leurs longs développements souvent emmenés par une guitare aux notes claires (une fender jaguar, si on a bien vu) défilent les images de vieux films, de documentaires et même un extrait de film avec Serge Gainsbourg et Jane Birkin qui rapidement hypnotise le public.
Car la musique de Microfilm joue sur cette lente hypnose des ambiances qui se meuvent lentement. Les morceaux de Microfilm installent l’auditeur dans un sillon mélodique autour duquel ils tournent sans cesse et qui progressivement monte en intensité.
Élevé à Diabologum, on y trouve bien sûr une parenté avec La maman et la putain et son monologue final qui n’est pas pour nous déplaire. Tout y est parfaitement exécuté et les montées se révèlent parfaitement maîtrisées.
Autour de nous, le public ne boude pas son plaisir. Plus le set avance et plus les applaudissements et les cris se font chaleureux dans la salle. Le groupe a l’air heureux de cet accueil enthousiaste et s’applique encore davantage.
Pour notre part, on trouve le set agréable mais il nous manque quelque chose. On regrette un manque de densité, un certain rapport à la tension et à l’espace que le groupe qui va suivre, nous semble en revanche, totalement incarner.
Et pour cause ! Electric Electric frappe fort et nous a notamment bien mis la tête en vrac avec la sortie de son second album, le bien nommé Discipline (sorti en collaboration par Murailles Music / Africantape / Herzfeld / Kithybong, octobre 2012).
En onze titres haletants, toute batterie dehors et frappe percussive le mors aux dents, le trio Strasbourgeois nous a collé une raclée dont nos oreilles bourdonnent encore.
Ces gars sont des affamés. Qui avec une boulimie gargantuesque digèrent ensemble déflagration noise, rigueur math-rock, puissance tribale, mais aussi structure répétitive de la musique minimaliste ou transe électronique sur un dancefloor plein de sueur.
Leur musique parle immédiatement au corps et vous pouvez sentir jusqu’à votre glotte tressaillir sous les coups de boutoir assénés avec une classe folle par les trois Strasbourgeois.
D’autant que ces bougres-là sont de véritables stakhanovistes du live et électrisent les foules par leur performance données entre 140 bpm et 200 bpm à l’heure, comme ils vont une nouvelle fois nous le prouver.
Juste avant leur entrée en scène, Eric Bentz est venu faire une boucle à la six cordes, qui, lancinante, se répète longuement et sert d’intro au premier titre avant l’arrivée des trois Strasbourgeois derrière leurs instruments.
Dès l’entame du set, on exulte déjà : quel son, mes aïeux, quel son ! Tout est parfaitement équilibré, qu’il s’agisse des claviers ou de la basse et autres machines de Vincent Robert sur la droite de la scène, de cette guitare à la fois massive, tranchante et légère d’Eric Bentz sur la gauche, ou des voix, chantées le plus doucement possible, sur cette déferlante percussive.
Material Boy en première partie de set, lance parfaitement la transe à la fois hypnotique et massive. Et que dire de la puissance de feu de Vincent Redel qui à la fois souligne, ponctue, comprime et percute.
On en prend plein les oreilles. Mais pas simplement de puissance et de déflagration. Que le groupe assène d’ailleurs avec une redoutable classe. Electric Electric est un groupe à la densité incroyable. Ils ne sont que trois et pourtant on a l’impression d’un demi-milliards de trucs qui se passent simultanément entre nos deux lobes cérébraux. Qui parlent tout à la fois en même temps à nos foies et à nos estomacs. A côté de nous, ça pogote et danse sérieusement. Le set est tout bonnement magistral.
Le trio termine sur deux énormes morceaux dont un titanesque The left side en rappel qui fait trembler l’Antipode. Cette batterie qui commence retorse et improbable sur ce riff de guitare immédiatement addictif, avant un martèlement en règle des fûts sur des accords qui râpent et grattent, nous collent au tapis. Oui, ce titre est une arme de destruction massive de dancefloor. Qui laisse le public épuisé (il est 1h45, tout de même), mais euphorique. Electric Electric est un groupe immense.
Photos : Caro, Mr B.
Waow,
Vraiment un super bon compte-rendu de cette folle soirée, et que dire des photos, je suis bluffé une fois de plus par la qualité des clichés pris par des soi-disant amateurs qui valent bien des professionnels, si si 🙂
Merci pour le lien vers les vidéos d’Otto qui booste les vues qui sinon je le crains risquent de rester trop confidentielles eu égard à la qualité de leur prestation.
A l’heure où j’écris, les vidéos des groupes chroniqués plus haut commencent à être visibles à cette adresse:
http://www.youtube.com/user/Apollosmouse2801?feature=mhee
Encore merci et à très bientôt j’espère !
Merci beaucoup David, ça nous fait super plaisir ! Pour nos photos d’amateurs de concerts (la passion compense les réglages parfois aléatoires 😉 ), rendez vous au Jardin Moderne à partir du 19 avril 2013 pour l’expo Photo Scène Rennaise par les altéristes d’Alter1fo !
MERCI ! MERCI ! MERCi !!
c’était vraiment une très chouette soirée.
beh de rien pour les vidéos… Après visionnage, je me suis personnellement mordu les doigts d’avoir manqué Otto. très chouette. heureusement que tu es là pour documenter tout ça… là aussi, le travail abattu est plus qu’impressionnant, je t’assure !!
Merci pour le lien ! on a très hâte de toutes les voir !!