Du 26 au 28 juillet 2024 avait lieu la 13ème édition de l’épatant Binic Folks Blues Festival. Le plus australien des festivals bretons nous a encore une fois régalé avec son ambiance de feu et sa programmation aussi rock que diablement maline. Nous y avons passé deux très belles soirées sur les trois proposées. Retour en mots et en images sur une édition particulièrement réussie.
Le Binic Folks Blues Festival est toujours un de nos rendez-vous estivaux favoris. On aime ses deux scènes intimistes et chaleureuses. On aime sa programmation à l’affut mais aussi fidèle en amitiés qu’elles soient d’ici ou de l’autre bout du monde. On aime son public hétéroclite et hautement inflammable composé de jeunes et de moins jeunes réunis par l’ivresse… du soleil breton et du Rock’n’Roll. C’est donc avec un bonheur renouvelé que nous avons retrouvé l’événement concocté avec toujours autant de classe et de passion par La Nef Des Fous et Beast Records. Cette treizième édition avait lieu du 26 au 28 juillet 2024 et les hasards des nos pérégrinations estivales nous y ont mené les premier et dernier jours du festival.
Vendredi 26 juillet : Tour de chauffe
Pour cette journée d’ouverture, nous avons eu droit à une série de concerts de très bonne qualité mais à qui il manquait peut-être un grain de folie ou une touche d’originalité supplémentaire pour nous emballer totalement. A deux exceptions près.
Le trio costarmoriain SBRBS avait le valorisant mais redoutable honneur de démarrer cette édition. Sur scène, Hadrien (guitare chant) et Marie (basse chant) sont accompagnés de Franck Richard (à la batterie). Ils vont ouvrir le bal de fort belle manière avec une énergie et une rage communicatives. Il manque peut-être encore un poil de personnalité dans leurs compos pour nous enflammer mais ce fut tout de même une fort savoureuse mise en bouche.
Nous enchainons ensuite sur la Banche avec le vétéran Jamie Hutchings. L’habitué du festival vient défendre son sixième album solo A New seul avec sa guitare. Il va le faire avec une classe assez folle et son indie folk gracieuse envoute le public même s’il est encore bien tôt dans la soirée. Mention spéciale à son sublime I’m a bird now sur lequel il a conclu son set et qui nous colle encore les poils rien que d’y repenser.
La soirée se prolongeait avec le nouveau projet de Billy Gardner (Ausmuteants, Living Eyes) : The Judges. Si l’attitude scénique du quintet nous évoque un flegme et un je-m’en-foutisme hautement britannique, le quintet est bien australien. Il y a même sur scène un sixième membre qui restera assis à lire durant tout le concert. Pour nous convaincre totalement, il aurait fallu que leur compos punk soient plus affutées et variées. Ce n’était pas désagréable mais on s’ennuyait un peu quand même.
On va heureusement se faire réveiller en beauté avec le heavy metal ultra énergique de C.O.F.F.I.N. Le quatuor de Sydney ne brille pas par son originalité musical et on navigue clairement dans des territoires proches de Motörhead ou du punk à la Saints. Le groupe parvient pourtant sans problème à s’imposer au delà de ses écrasantes références grâce à une redoutable puissance de feu sonore et une maîtrise technique impressionnante. Alors que le public est déjà en ébullition, la bande nous dégaine un classieux cover d’ACDC qui achève de mettre le feu aux poudres. Leur bonne grosse dose de Rock’n’Roll en injection directe nous a fait un bien fou.
Il est alors temps pour nous d’enfin voir sur scène les très attendus Tramhaus. Nous avions loupé ce quintet néerlandais lors de leur venue dans la déclinaison Super Cathédrale du festival en 2022 et nous nous en mordions bien les doigts depuis.
Ils ont en effet beaucoup tourner en Europe comme au Japon et leur réputation scénique de feu n’a fait que grandir depuis. Ils ne vont pas la faire mentir ce soir là. Le post-punk accrocheur et cinématographique du combo de Rotterdam nous accroche d’emblée et ne va plus nous lâcher jusqu’à la dernière note. Base rythmique basse/batterie irrésistible, riffs de guitare affutés, voix profonde et rocailleuse, refrains qui se cramponnent instantanément à votre cervelle, les compositions de la bande sont déjà redoutables de base mais les versions scéniques poussent tous les potards sur douze. Mêlant décontraction et énergie folle avec un sens de l’équilibre rare, le groupe nous offre un set de très haute volée, à la fois rageur et contrasté.
Ce fut donc, haut la main, notre concert préféré de la soirée. Nous n’avons donc plus eu qu’à précommander dès le lendemain leur premier album The First Exit à sortir en septembre chez Subroutine Records et on guettera avec une grande attention leur très probable passage par Rennes.
Pas facile de passer derrière ça. Les Delivery de Melbourne ne vont pourtant pas démériter et leur garage déluré et sautillant s’avère même plutôt agréable. Malgré un super contact avec le public et un final bien débridé, nous restons un peu sur notre faim. Là encore, nous trouvons le set trop homogène et manquant d’une vraie montée en puissance pour totalement nous emporter. Nous repartons cependant ravis de ce premier round et impatients d’en découdre avec le second.
Toutes nos photos de la journée du vendredi :
Dimanche 28 juillet : Soleil Noir
Après une journée de pause, nous retournons sur Binic tôt ce dimanche. L’idée est d’abord de ne pas trop galérer pour se garer mais aussi de profiter du superbe soleil de cette nouvelle journée.
Nous allons tout de suite apprécier d’arriver (relativement) frais pour cette deuxième étape. Les danois de Gob Psychic vont d’emblée nous offrir une superbe leçon de rock’n’roll avec une prestation toute en intensité malgré le fait qu’il soit à peine seize heures. La bande d’Aarhus nous balance sans aucune retenue une musique au chaos joyeusement communicatif pimentée par des paroles à la férocité drolatique. Une bonne dose de garage punk pour le goûter, c’était juste parfait.
Pas de baisse d’énergie ensuite avec Goutlaw sur la grande scène de la Banche. Là encore, le quatuor australien se fout royalement des limitations de vitesse et joue pied au plancher son garage punk mâtiné de swamp rock. Chant hurlé de Marcello Cole avec un jeu de scène de possédé, duo basse/batterie de feu de Joe Orton / Jackson Kite et surtout riffs d’une puissance et d’une classe folles de Jimmie Mcgarry, la formule est redoutable. Dommage que sur la longueur, le set (et surtout le chant) s’avère un peu trop monolithique à notre goût.
Nous revenons ensuite du côté de la scène Pomellec pour ne pas louper la prestation de Pablo X. Ce nouveau projet du français Remy Pablo (The Anomalys, Weird Omen, King Khan Unlimited mais aussi Escobar) nous semblait bien prometteur à l’écoute de leur excellent disque sorti, bien sûr, chez Beast Records. Nous ne nous sommes pas trompés dans notre pronostic. Après avoir distribué de larges doses de téquila aux premiers rangs, le quatuor mélange avec brio et fougue des guitares et un chant psyché à souhait avec des rythmiques obsessionnelles entre indus et kraut rock dans lesquelles nous avons adoré nous perdre.
C’est surement un peu contradictoire d’adorer un groupe faisant tourner une boucle rythmique jusqu’au vertige en reprochant à plein d’autres de manquer de variété mais on ne boude pas le vertige quand il nous est offert avec autant de classe.
Nous sommes de retour à la Banche pour voir les canadiens de Wine Lips. Le quatuor opère lui aussi sur les terres ultra balisées d’un garage rock bien fuzzy et psychédélique. Pourtant, comme pour leurs prédécesseurs de vendredi de C.O.F.F.I.N, la fougue, l’expérience et la solidité technique vont faire la différence. Avec une classe et une énergie folles, la bande enchaine les tubes sans mollir un instant et nous régale en excellant dans les figures imposées du genre. Breaks rythmiques acrobatiques, riffs qui tuent, chant juste braillard comme il faut, c’est un véritable festival de ce que le style peut produire de meilleur. On ressort donc de là des fourmis dans les guiboles et le sourire jusqu’aux oreilles.
Après une petite pause restaurative durant laquelle on a pu apprécier (de loin) le punk groovy des Party Pest, nous campons fermement au premier rang pour ne rien louper de la prestation des très attendus A Place To Bury Strangers.
Nous avions un très bon souvenir de leur prestation à la Route du Rock en 2009 juste après My Bloody Valentine (nos tympans en gardent encore des marques) mais les New Yorkais vont pourtant dépasser toutes nos espérances. On retrouve avec délice le mur de son monstrueux si caractéristique de leur musique le tout sublimé par un jeu de lumières sublimement infernal. Avec le démoniaque Oliver Ackermann (aux pédales plus qu’à la guitare) en chef d’orchestre débridé du chaos et John Fedowitz à la basse très basse mais sans Sandra Fedowitz derrière les futs, la bande va se livrer à une superbe entreprise de construction massive d’une irrésistible tornade sonique emportant tout sur son passage. Destruction de guitare dès le second morceau, aparté tribal interprété au cœur du public après abandon de la scène, final monstrueux qui n’épargne ni les amplis ni les projecteurs… merci infiniment à eux pour cette formidable apothéose d’une journée et d’une édition qui restera dans les annales.
Toutes nos photos de la journée du dimanche :
Pour sa treizième année, le Binic Folks Blues Festival est donc reparti sur les très bonnes bases qui ont fait son succès. On reste donc sur une formule (très) modestement payante. A 25 balles le pass trois jours et 10 balles la journée, on est loin des tarifs des autres événements estivaux. Côté dispositif scénique, on garde aussi les deux scènes : la petite Pomellec et la grande de la Banche en bordure de plage (et de grande roue cette année). Les contrôles accrus des sacs ont rendu un peu moins fluide la circulation entre les deux lieux mais ça s’est nettement amélioré au fil des journées. Côté programmation, La Nef Des Fous et Beast Records ont encore fait parfaitement les choses. 22 groupes étaient invités avec beaucoup d’australien.ne.s comme d’habitude mais aussi 5 autres nationalités et des locaux. Au menu, on retrouvait pas mal d’habitué.e.s mais aussi une belle fournée des pépites de la foisonnante scène rock de Melbourne. Avec 30 000 festivaliers sur les trois jours, le public a de nouveau répondu présent sans faire le plein pour un événement qui reste fragile financièrement mais auquel on souhaite chèrement très longue vie.