Derrière l’image flatteuse d’une capitale bretonne en pleine effervescence économique, tech-afterwork-friendly, une autre réalité s’installe, plus silencieuse : celle d’une ville qui se divise, où les écarts se creusent, et où la fracture sociale devient de plus en plus visible.
Ce n’est pas vraiment nouveau, car on en a déjà parlé ici (articles passés plus ou moins inaperçus, NDLR), tout comme les médias locaux. Aujourd’hui, on remet le couvert même s’il n’y a pas de scoops… c’est toujours utile de le répéter, surtout quand les chiffres continuent de parler d’eux-mêmes.
Un rapport de la Chambre régionale des comptes de Bretagne publié cette semaine (20/05/2025), s’appuyant sur des données de l’Insee, remet sur le devant de la scène ce phénomène de « métropolisation ». Oui, dynamiquement parlant, Rennes cartonne : hyper tertiarisée, elle attire les boîtes, crée des jobs (+1,7 % par an entre 2014 et 2020), et grimpe dans les classements des métropoles où « il fait bon entreprendre ». Sauf que ce dynamisme ne profite pas à tout le monde.
En une décennie, le nombre de cadres et professions intellectuelles supérieures a explosé (+31 %)1, pendant que les employés et les ouvriers perdaient du terrain (-23 % et -32 % respectivement)1.
Le revenu médian des ménages s’élève à 22 000 € par an, juste sous la moyenne nationale. Mais ce chiffre cache une autre réalité plus brute : les plus riches, certes une minorité (moins de 3 % des habitants), ont vu leurs revenus grimper de 15 % en trois ans. Pendant ce temps, les foyers les plus précaires, gagnant moins de 10 000 € par an, sont eux plus pauvres qu’avant (-10 % de revenus en moyenne). Résultat : l’indice de Gini, qui mesure les inégalités, s’affiche à 53 % à Rennes. Cette fois-ci largement au-dessus de la moyenne française (48,8 %). Autrement dit, l’écart entre les hauts et les bas revenus se creuse, et vite (une hausse de 2,56 points en 3 ans).2
Les conséquences sont alors de plus en plus visibles dans l’organisation spatiale de la cité. Les quartiers du centre, prisés par les catégories aisées, continuent de se gentrifier, poussant progressivement hors des murs les ménages modestes. Pendant ce temps, les périphéries et les quartiers populaires concentrent toujours plus de précarité.

1 : Le nombre de cadres et professions intellectuelles supérieures a progressé de 22 653 en 2009 à 29 758 en 2020, le nombre d’employés (27 556 en 2009, 21 309 en 2020) et d’ouvriers (17 772 en 2009, 12 153 en 2020) ayant diminué dans le même temps
2 : L’indice de Gini des inégalités de revenus était de 50,44 % en 2017.
Rennes : la mue discrète des quartiers sous la pression immobilière