Par ici, il y a des troquets que l’on sanctionne pour un concert trop bruyant ou un after qui se prolonge un peu trop tard dans la nuit(1). Et puis de l’autre côté de la rocade, il y a le MeM, qui, malgré des nuisances sonores que personne n’ignore, continue tranquillement d’organiser des soirées, parfois privées jusqu’à trois heures du mat’ sans détenir les autorisations nécessaires. De plus, la presse locale révèle, tel un marronnier journalistique, les nombreux passe-droits dont bénéficierait l’association qui gère le lieu. Ce ‘deux poids, deux mesures’ a aiguisé notre curiosité, et nous a convaincu de participer mercredi dernier à une réunion du Comité de Gestion de La Prévalaye. Et pour cause : le déplacement du MeM était à l’ordre du jour !
Voici notre compte-rendu.
Pot d’accueil
Avant que ne débute la séance, on laisse trainer nos guibolles et nos oreilles dans la cour de l’Écocentre de la Taupinais. On discute rapidement avec celles et ceux déjà présent·e·s, dont Julien (prénom d’emprunt, NDLR) qui se confie : « La ville nous écoute. Ça, elle sait le faire, et même très bien (rires…). Mais c’est ensuite que tout se gâte. Aucune action n’est prise », déplore-t-il. Lui, et la trentaine d’habitant·e·s du hameau de Sainte-Foix sont, l’air de rien, à bout de nerfs. Voilà des mois qu’iles dénoncent les nuisances sonores liées au MeM, installé en pleine zone naturelle de la Prévalaye, au bord de la Vilaine. « On est en colère. Depuis un an et demi, on nous baratine pendant que le MeM organise des soirées privées sans autorisation jusqu’à 3h du mat’», insiste Julien qui avoue partir dès qu’il le peut, lui et sa famille, les soirs de concerts. « Nos murs résonnent avec les basses, mes enfants se réveillent plusieurs fois. C’est devenu impossible de rester. Notre voisin, lui, a carrément préféré vendre ! (La maison est acquise par la municipalité, NDLR). »
18h03, la réunion commence.
Dans la salle, il y a des visages connus : Didier Chapellon (EELV), adjoint délégué à la Biodiversité, Ludovic Brossard (PS), adjoint à l’agriculture urbaine et à l’alimentation durable. À sa droite, on retrouve Cégolène Frisque (EELV), conseillère municipale déléguée au Quartier Cleunay, La Courrouze. En retrait, car il n’y a pas assez de places pour accueillir tout le monde autour des tables disposées en U, des personnes se présentent comme faisant partie du Collectif de la Prévalaye. Voilà pour les présentations, la liste n’étant pas exhaustive.
De(MeM)agement
Rapidement, Didier Chapellon qui chapeaute la réunion, évoque l’ordre du jour, distille les dernières infos et laisse la parole au directeur du Pôle étude de Rennes Métropole, Éric Tocquer. Ce dernier rappelle l’historique de l’affaire. Implanté sur un terrain appartenant à Rennes, qui lui a délivré un permis de construire précaire, le MeM doit déménager pour être pérennisé. Voilà pour le contexte. Malheureusement au cours de son introduction, le directeur se mélange légèrement les pinceaux. Forcément, ça énerve. « Comment ? Vous ne vérifiez pas vos informations avant de nous les présenter, mais c’est fou ! », tacle un riverain, bras croisés. Juste à ses côtés, Cégolène Frisque, lève les yeux en l’air. La confrontation semble inévitable.
Sans perdre plus de temps, Éric Tocquer présente les différentes propositions du futur emplacement. Bon, on l’écrit au pluriel mais en vrai, il n’y en a qu’une, puisque la première hypothèse est vite retoquée tellement elle est absurde. Julien s’agace : « Le fait de proposer de rapprocher le chapiteau à moins de 100 mètres des habitations prouve le peu de considération que la ville a pour les riverains du hameau. C’est aberrant, et on tenait à le dire ! »
La deuxième solution (la seule finalement, NDLR) vient déplacer le chapiteau de 140 mètres vers l’est, au plus près de la rocade. Celui-ci sera alors distant de 300 mètres des premières habitations. Pour ce faire, le plan d’urbanisme va être modifié afin de créer un STECAL Loisirs Tourisme, et de passer la zone naturelle « Ne » en zone « Ni ». Une enquête publique sera ouverte du 25 mai au 23 juin. « Le problème sonore a bien été identifié par la collectivité, confirme l’orateur. L’idée est de positionner le Magic Mirror sur ce parking, sur une surface non agricole, afin de gêner le moins possible. » 23 arbres devront quand même être abattus. Il faudrait vérifier si cela est conforme avec la charte de l’arbre signée en décembre dernier.(2)
De la Villette à la Vilaine
De son côté, le CPPC s’engage à construire une salle de spectacle inspirée des caractéristiques du Cabaret sauvage situé dans le parc de la Villette, à Paris. Bien loin de la structure légère faite de bois, de toile et de verre du Magic Mirror actuel et au coût bien plus onéreux (plus de deux millions d’euros, selon Le Mensuel de Rennes). La ville l’assure, croix de bois, croix de terre, si elle ment, elle va au concert : « Cette conception a pour objectif de réduire de 20 décibels les sons qui sortent de l’enceinte par rapport à l’existant. » Stupeur dans la salle, Julien demande des gages : « Une telle isolation phonique pourrait convenir aux habitants du hameau. Le seul problème est que nous n’avons aucune preuve ! » Une idée, largement approuvée par l’assistance, est alors lancée sans qu’elle ne soit attrapée au vol par les services de la ville. « Pourquoi ne pas aller sur place, au parc de La Villette. Mettons-nous à 300 mètres dans les conditions réelles d’un concert, et réalisons des études d’impact. Nous aurons ainsi des données, et là, on pourra discuter. »
En Mem, fais ce qu’il te plaît
Julien connait le dossier par cœur. C’est qu’il en a passé des heures à éplucher des documents, des formulaires, des graphiques, des courbes et des schémas. Alors il se méfie des annonces trop alléchantes. Pour justifier sa circonspection et son attentisme, il énumère la longue liste des fautes commises par le MeM depuis 2019 largement diffusées dans la presse locale : aucune étude d’impact du chapiteau et de la guinguette, aucune autorisation préfectorale pour l’organisation de soirées privées, une seule licence IV pour faire tourner deux débits de boissons distincts, les comptes de l’association non disponibles… Les élu·e·s écoutent. Pas forcément mal à l’aise, on les sent plutôt impuissant·e·s. Julien conclut sa tirade : « Vous voulez pérenniser un projet qui ne respecte rien, et qui est en dehors des clous depuis le début. » Un autre voisin reprend la balle au bond. « Pourquoi aide-t-on, jusqu’à se prendre la tête pour créer un SECTAL, des gens qui trichent ? »
La question fait mouche. Didier Chapellon se défend. « On ne protège personne ! » N’empêche, la Chambre Régionale de la cour des comptes de Bretagne l’écrit noir sur blanc, le résultat comptable de l’association est positif grâce notamment aux concours des collectivités et financeurs publics (1 M€ de subventions par an, mise à disposition gracieuse d’équipement et de matériel, conditions favorables d’occupation du domaine public, loyer modéré dû pour l’occupation d’un terrain municipal, NDLR). « La ville souhaite avoir des lieux où les gens puissent venir se détendre, explique l’élu à la biodiversité. C’est important. Le MeM a toute sa place dans le projet Vallée de la Vilaine. » Loin d’être convaincu, Julien brûle sa dernière cartouche. « Il y a d’autres personnes qui font vivre ce genre de lieux à Rennes. Et dans la légalité. Pourtant ce sont elles qui sont sanctionnées pour 0,2 décibel de dépassement des émergences légales. Le MeM, lui, monte à plus 9 ou 10 décibels, et on ne leur dit rien. » Un ange passe. Peut-être même deux.
Nouveau lieu, nouvelles garanties ?
La tension retombe. La ville en profite pour redire que la nouvelle convention mise en œuvre dans le cadre de ce projet sera « carrée » pour éviter toutes nouvelles nuisances et contestations. Sans engagement ferme, les riverain·e·s ne sont ni dupes, ni rassuré·e·s, et le font savoir. On exige ici et là des garanties, comme cette femme, arrivée un peu en retard : « Monsieur Chapellon, en tant que représentant de la ville de Rennes, vous avez le devoir de nous apporter une réponse. La commission de conciliation ne nous donne plus de nouvelles, on nous laisse dans le flou. On a l’impression que l’on nous mène en bateau, comme si vous usiez de la technique de l’usure pour que nous laissions tomber… » Malgré sa bonhomie et son écoute attentive, Didier Chapellon, avoue « être incompétent pour traiter le sujet des nuisances » et rame pour se dépêtrer de la situation. « Tout sera inscrit dans la nouvelle convention » répète-t-il. Jolie pirouette mais qui lasse vite. En vrai, ça tourne en rond. Car qui sera là pour la faire respecter ? Qui sera là pour intervenir en cas de digression ? « Aujourd’hui, il existe déjà une convention qui interdit les remblais en zones inondables, et pourtant ils l’ont fait ! Vous voulez voir les photos ? », ne décolère pas ce riverain. « Le but de notre présence ce soir est là pour exprimer nos doutes, précise cet habitant. Nous n’avons plus aucune confiance envers la mairie. Il y a trop d’interactions avec le MeM. » Ce dernier va alors raconter avec malice et humour l’annulation de dernière minute d’un concert programmé au Magic Mirror juste le soir où un contrôle phonique allait être effectué. « On se demande bien par qui le MeM a été prévenu. Seule, la mairie détenait également cette information (rires…) » Les sourires en coin ne trompent personne. Tout le monde garde en tête que la municipalité a « elle-même organisé des soirées privées au MeM par le passé ».
Postscriptum : contacté par notre équipe, Didier Chapellon nous confirme que le bail précaire actuel s’applique bien aux 2 équipements, c’est à dire le Magic Mirror et à la Guinguette. Or seul le chapiteau déménagera. La guinguette, elle, restera au même endroit même si des éléments seront déplacés (protection paysagère). Ce qui semble déjà incompatible avec l’obligation de libérer et de remettre en état le terrain au 31 décembre 2022 (date fin du bail)
La première partie de la réunion s’achève. Plus qu’un déplacement d’un chapiteau, le projet du MeM version 2 englobe la construction d’une nouvelle salle de concert à la Prévalaye. Même si chacun·e a pu s’exprimer et s’écouter au cours de l’heure passée, personne n’en ressort satisfait. Des doutes et des zones d’ombre subsistent. Quid de la prochaine réunion de conciliation ? Quid des soirées données à la guinguette, ouverte tous les soirs, sept jours sur sept, jusqu’à minuit et demi, durant cinq mois de l’année ? Quid des échéances à venir ? Mais le temps presse, il faut déjà passer au sujet suivant : l’extension du Stade Rennais.
(1) En 2012, par exemple, 11 cafés rennais ont subi une fermeture administrative.
(2) 70 arbres seront replantés en compensation.
Soutien inconditionnelle des majorités de « gôche » des collectivités à St-Jacques comme à Rennes !
Qui finance ?
À qui » le crime » profite ?