Quartier du Blosne au sud de Rennes. ©Steph35
C’était au centre culturel de Cesson-Sévigné, le jeudi 16 mai 2013 : à la fin de la présentation du projet ViaSilva, un habitant inquiet prend le micro. « Est-ce que vous allez faire des tours ? On ne veut pas d’un nouveau Blosne ! »
LA MAUVAISE RÉPUTATION
Voilà le genre de réflexion qui aurait fait bien de la peine à M. Marty, l’architecte en chef des opérations de la ZUP Sud débutées en 1967. Cette fois encore, comme à chaque fois qu’ il est question de hauteur dans une réunion publique rennaise, le Blosne aura servi de mètre-étalon de l’ignominie architecturale. Qu’importe si l’épouvantail est souvent brandi par les habitants d’un de ces lotissements pavillonnaires que les promoteurs sèment aujourd’hui à tous vents, avec un à-propos qui ferait passer l’époque de la ZUP pour un âge d’or urbanistique : comme toujours, les formes urbaines sont jugées à l’aulne de leur destin social (1).
Or à la fin des années 70, le destin social du Blosne a basculé. « Avec la loi Barre de 1977, on est passé de l’aide à la pierre à l’aide à la personne ; un petit codicille, qui a eu de grosses conséquences, prévoyait que tout ménage dépassant un plafond de ressources était soumis à un ajustement de loyer » explique M. André Sauvage, sociologue à l’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme de Rennes (IAUR) (2). C’est le début d’un long processus de fuite des classes moyennes au terme duquel, dans ces quartiers emblématiques des habitations HLM, le logement social devient lui-même l’emblème de la précarité économique.
Le Blosne, vu du sud. ©Steph35
L’opprobre de leurs concitoyens n’empêche heureusement pas les habitants du Blosne de dormir : 82% d’entre eux trouvaient leur quartier agréable à vivre, lors d’une enquête réalisée par l’INSEE en 2002 (3). Des problèmes existent (la trop grande sonorité des logements était citée par 37 % des sondés) mais au regard des situations cauchemardesques relevées dans les banlieues de plusieurs villes de France, la plus grande ex-ZUP bretonne faisait – fait encore – figure de cité heureuse.
LES JUSTIFICATIONS D’UNE MUE PROGRAMMÉE
Pourquoi alors avoir progressivement engagé, depuis 2003, un projet urbain destiné à transfigurer le Blosne en le densifiant ? S’agit-il, en y construisant 2000 logements supplémentaires, de faire peser sur les épaules de ce quartier peu dense une grande part des engagements métropolitains en matière de logement ? Le Programme Local de l’Habitat (PLH) en cours, prolongé jusqu’en 2014, prévoit ainsi la construction de 8000 logements dans la commune rennaise en 9 ans ; il n’est pas prévu que le rythme ralentisse après 2014.
M. Frédéric Bourcier, élu de quartier du Blosne et adjoint à l’urbanisme de la ville de Rennes, l’assure pourtant :« Il doit y avoir 25 ZAC (4) dans toute la ville pour contribuer à la réalisation du PLH. Ce n’est pas la motivation première de ce projet» (5).
Quel rapport alors entre le projet urbain et les besoins exprimés par les gens du quartier ? « Un habitant, c’est aussi un citoyen » répond M. Bourcier, « il y a le fait de se soucier de son espace privé, ce qui est légitime ; il y a aussi la capacité de se projeter, de ne pas s’endormir sur ses lauriers, de se poser les bonnes questions ». Et l’élu d’exposer ses motivations :
« Il s’agit de faire rentrer ce quartier dans une dynamique d’avenir. On n’y a construit quasiment aucun logement depuis les années 70. Conséquence : on a perdu 30 % de la population en 30 ans (6), par un phénomène très classique de décohabitation (réduction de la taille des ménages, notamment à cause du départ des enfants, NDLR). Avec 30 % de la population en moins, ce sont toutes les fonctions urbaines qui sont fragilisées : les commerces périclitent, des classes ferment, il y a moins de dynamisme dans les clubs de sport. L’autre élément, c’est que le quartier compte 55 % (7) de logements sociaux qui concentrent les gens en difficulté. Il s’agit de créer une diversification sociale et fonctionnelle ».
Îlots au nord de la place de Zagreb. ©GoogleEarth
M. Sauvage, de l’IAUR, ajoute à cela des considérations urbanistique : « Ce quartier a été conçu pour accueillir des ruraux, qui venaient notamment travailler à l’usine Citroën. On a donc créé des petits villages au sein de la ZUP. Des carrés de 400x400m approximativement, des unités de voisinage de 1200 logements au sein desquels on trouvait les équipements élémentaires : groupe scolaire, commerces. Cette organisation n’est plus en rapport avec les usages de la ville d’aujourd’hui : ce sont des urbains qui vivent désormais dans ce quartier. Ils exigent d’être dans la ville et non plus à la campagne dans la ville ».
Qu’ils l’exigent ou non, la mue est belle et bien entamée. La réflexion urbanistique, à laquelle participent quelques dizaines d’habitants, avance ; une ZAC est créée depuis le mois de mars 2012 à l’est du quartier, où les premiers permis de construire devraient être accordés l’an prochain (8) – la ZAC ouest interviendra plus tard.
LE BLOSNE DE DEMAIN : LES GRANDES ORIENTATIONS
Cette opération de requalification de belle envergure suit des options assez classiques dans ce genre de projet(9):
Il s’agit d’abord de « banaliser » un urbanisme trop typé, dont on estime qu’il nuit à l’attractivité du quartier ; on recrée par exemple un front bâti – autrement dit, une rue plus proche des formes traditionnelles de la ville- le long des axes de circulation, là où les bâtiments actuels sont placés en retrait.
Création d’un front bâti en bordure de voirie (projet). ©Ville de Rennes/Grumbach/Desormeaux
Il s’agit également de créer des centralités à la mesure d’un quartier de ville, autour du pôle Zagreb/Yougoslavie (entre la place du marché et le centre culturel du Triangle) ; notamment, par la création d’une rambla (large avenue piétonne sur le modèle barcelonais) et l’installation sur la place de Zagreb du Conservatoire de Rennes.
Place de Zagreb, station Le Blosne (projet). ©Ville de Rennes/Grumbach/Desormeaux
Il est aussi prévu de créer un « parc en réseau » au travers du quartier, pour favoriser l’appropriation par les passants des grands espaces verts et, mieux que les actuelles pelouses, inciter à la déambulation.
Perspective Banat Prague Volga (projet). ©Ville de Rennes/Grumbach/Desormeaux
Tous ces dispositifs visent bien sûr à améliorer l’attractivité du quartier pour y nourrir une offre immobilière susceptible de créer de la mixité sociale : les constructions neuves seront essentiellement des logements en accession à la propriété, libre ou aidée.
On remarquera enfin que deux points donnent à ce projet une certaine originalité : d’abord le choix, rarissime au sein des opérations soutenues par l’Agence Nationale de Rénovation Urbaine (ANRU), de ne rien détruire mais de densifier en utilisant l’emprise des parkings pour de nouvelles constructions. Ensuite, une démarche « participative » dont on discutera plus tard la portée mais dont on peut au moins reconnaître le caractère imposant, par la quantité des initiatives prises et par l’importance des efforts déployés.
UN PROJET SANS HISTOIRE ?
À première vue donc, le dossier paraît tellement solide et raisonnable qu’il peine à susciter l’intérêt des commentateurs : la presse locale se concentre sur les projets autrement plus clinquants de La Courrouze et ViaSilva et même M. Bruno Chavanat, leader de l’opposition municipale, reste à court d’arguments : « La démarche présentée est intéressante sur les différents aspects qu’elle privilégie, densification et mixité sociale (…). C’est un projet qui, à ce stade, présente beaucoup d’intérêt et je tenais à le dire » déclarait-il devant le conseil municipal en septembre 2009 (10). Devant une telle unanimité, l’observateur s’étiole et croit mourir d’ennui…
Vue sur la station Triangle (projet). ©Ville de Rennes/Grumbach/Desormeaux
Pourquoi alors consacrer un dossier à ce projet sans problème, comme Alter1fo s’apprête à le faire ? Parce qu’au-delà du silence des commentateurs habituels, de réelles inquiétudes existent au sein du quartier. Prise entre rumeurs catastrophistes, communication lénifiante et indifférence fataliste, une parole publique peine à se constituer chez les habitants divisés, qui ne se retrouvent pas tous dans la démarche de concertation mise en place. Nous nous proposons donc d’apporter, à notre modeste mesure, notre petit verre d’eau fraîche au moulin de la réflexion commune, en abordant les prochaines semaines quelques aspects qui nous semblent décisifs pour l’avenir du quartier. Voici le programme :
À PARAÎTRE SUR ALTER1FO :
Jeudi 6 juin, on causera des répercussions possibles du projet sur l’économie du quartier ; notamment sur l’emploi, les commerces, la filière BTP et les copropriétés.
Jeudi 13 juin, on abordera la question de la mixité sociale. Est-elle un objectif réaliste au regard des moyens déployés ? Et même, est-elle un objectif souhaitable pour le quartier ? Quels sont les risques d’un Blosne à deux vitesses ?
Jeudi 20 juin, on clôturera ce dossier avec le problème de l’implication des habitants. Entre pure communication et véritable démocratie « participative », quelle est la portée de la démarche de concertation engagée ? Les problèmes les plus immédiats des habitants ont-ils été pris en compte ? Ce sera l’occasion d’ouvrir le débat sur ce que peut être une démocratie « à la rennaise »…
Forum du projet urbain animé par l’élu de quartier et adjoint à l’urbanisme Frédéric Bourcier, 06/04/13
À suivre !
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NOTES:
(1) Itw de l’architecte-urbaniste J.-P. FORTIN, « Il ne faut pas juger une forme urbaine sur son destin social », Les Inrocks, 10/05/13. http://www.lesinrocks.com/2013/05/10/actualite/il-ne-faut-pas-juger-une-forme-urbaine-sur-son-destin-social-11393874/ (prélevé le 26/05/13)
(2) Entretien réalisé le 13/05/10. L’IAUR est partie intégrante du projet, notamment en co-organisant la concertation.
(3) INSEE, « Les habitants du Blosne et de Maurepas jugent leur quartier », Octant n°90, juin 2002.
(4) ZAC=Zones d’Aménagement Concerté. Il y en a actuellement 34 dans la commune rennaise.
(5) Entretien réalisé le 16/05/13.
(6) Recensement INSEE 2009 : 17 819 habitants. Le Blosne comptait 24 746 habitants en 1982. Soit une baisse de 28 % en 27 ans.
(7) 53 % des résidences principales du Blosne étaient des logements sociaux en 2008. Soit 4021 logements sur les 7311 résidences principales du quartier. AUDIAR, Démarche prospective exploratoire appliquée au quartier du Blosne, 2009.
(8) Ville de Rennes/GRUMBACH/DESORMAUX, Plan guide V5, 2013
(9) Dossier de création de la ZAC Blosne-Est, 2012.
(10) Délibération du conseil municipal n°2009-0575 – 07/09/09
Boulot nécéssaire, et extrêmement intéréssant,
La concertation publique, pourtant pleine de bonne volonté, peine aujourd’hui à atteindre ses parties prenantes sur de nombreux projets (viasilva, courrouze, eurorennes…).
Merci
Concernant la création d’un front bâti en front de rue, c’est connu que la ville de Rennes préempte toutes les garages à la vente d’un logement mais quid des places de parking en accès libre au dessus quand ils auront construit des bâtiments dessus ? où iront les gens pour garer leurs voitures ?
Sur le schéma, on remarque bien les places en sous sol, et pour qui ? les acheteurs (privés) de ces nouveaux bâtiments ? avec un garage fermé ? c’est intéressant, mais pas forcément pour les « anciens » habitants
Encore une fois une « intelligentsia » porte un regard bien veillant sur ce que doit être un quartier, imaginent l’habitat, je pense que les nouveaux quartiers Rennais à l’ouest de la ville deviendront dans deux ou trois décennies l’endroit d’une autre consultation car les mêmes problèmes existeront. Les 3d qui plaisent tant à nos élus avec les arbres , les enfants qui courent , les belles voitures sont de la poudre aux yeux, il n’y a pas de solution toute faite, mais en tout les cas les délires « urbanistiques » de nos chers architectes qui servent la soupe à des élus assoiffés d’inscrire leur nom dans le béton n’est pas la bonne piste. Bon courage aux générations futures.
Etre libre, c’est refuser jusqu’au bout d’aimer les murs de sa prison.
Appel de Marie-Anne Chapdelaine, députée et au Conseil Général, son édito ‘En ces temps difficiles », « avec la crise est là, » .On y voit un moyen encore de cons piration entre agents promoteurs, et élus, l’argent.
une seule écoleest prévue pour 1200 logements supplémentaires.
les commercants ne sont pas interrogés. Alors qu’ils travaillent de 6H A 21H, comment se rendre au PROJET URBAIN, pour identifier les besoins?
Les ambassadeurs, eux ont recu des invitations, puis aucun compte rendus pour eux; De toute faCon, c’est déjà boucler, ca l’était avant, merci doit on dire à ces protagonistes élus, etc qui n’habitent meme pas dans les quartiers, et quant au impots fonciers enregistrés au maximum au cadaste depuis 1970, rien ne va plus.
Heureusement il nous reste les centres d’activités, qui vont encore sous dotés, subventionnés, il ne restera que des places pour certains, les autres enfants, sans éducateurs, voilà les changements
et on dit que le francais est raleur
n’oublions pas nos maisons médicales et les structures de santé….
Rha wouais !!!… c’est top, ce projet. Des tours, des barres super modernes. Et pis moins de verdure (c’est pour les ploucs, faut pas oublier qu’on est quand même au 21ème siècle, ça te salit quand même bien tes nippes). Je suis content que la société évolue. La Bretagne, c’est bien gentil mais c’est un peu le passé. J’aime bien le Blosne ; y a toutes sortes de gens, des marocains, des algériens, des tunisiens, des maghrébins, des nord africains, des musulmans, des turques… bref, une très belle mixité sociale. Certains disent qu’il y a de l’insécurité quand l’habitat est trop dense : d’abord, si tu vas à la mosquée de temps en temps, tu seras plus emmerdé (ben oui, faut savoir s’ouvrir !). Et pis, il faut être tolérant. Ensuite, c’est pas tout à fait désagréable, cette petite tension. Ca rappelle un peu l’univers fabuleux du polar, la poésie du béton, du sang, des meurtres… on imagine déjà le commissaire Maigret débarquer ou bien Hercule Poirot avec sa petite moustache (trop fun ! Lol !). Ca fait aussi partie de notre culture et faut l’accepter ! Et pis, ceux qui sont pas contents, ils ont qu’à se barrer de Rennes. Delaveau a été élu démocratiquement : il a le droit de faire ce qu’il veut, Rennes est à lui. (PS : ça serait bien qu’il rase le Thabor, ce vieux parc ringard pour retraités).
On ne nous dira pas non plus que ces trous de « forêts » pour les fondations vont bien fragilisés tous les batis existants autour, sans compter les canalisations…. C’est pas un problème, qui devra réparer, ce sont encore les citoyens et citoyennes dans leur chafondations vont bien fragilisés tous les batis rge de travaux. QUI VERRA DU FEU cette population de ce quartier ne doit pas avoir suffisament de connaissances, pour toutes ces retombées.
BRAVO POUR LA MUNICIPALITE QUI N EST PAS NEUTRE ET TRANSPARENT AVEC DES PARTENAIRES A L AFFICHE « BLOT » et COMPAGNIE
bonjour, une rénovation est nécessaire dans ce quartier; bien sur, mais surtout élus vous n’écoutez pas, depuis des années, on vous alerte sur les problèmes de fond et vous nous parlez mesurettes, projets engloutissant nos impôts mal redistribués, avec une satisfaction narcissique,
Voyez les élus de CHANTEPIE, eux sont conscients que l’ARGENT pour LA VOIRIE ne résout pas les problèmes sociaux§§§,