C’est avec plaisir que nous avons découvert l’inauguration du projet « 4×3 » porté par Lendroit éditions. Plébiscité et financé dans le cadre du budget participatif #2, celui-ci a pour ambition de faire rencontrer l’art contemporain et le grand public hors du contexte habituel des lieux d’expositions.
Pour cela, des panneaux d’affichage commerciaux 4×3 ont été détournés de leur fonction première pour accueillir des reproductions d’œuvres artistiques. La méthode est malicieuse et à dire vrai, le concept nous satisfaisait parfaitement comme beaucoup au vu des nombreux commentaires laissés sur les réseaux sociaux. L’histoire aurait pu en rester là mais c’était sans compter sur la réaction du groupe rennais de l’association Paysages de France, qu’on ne présente plus ici (sinon lire notre article). Leur argumentaire nous a paru suffisamment pertinent pour que nous en reproduisions ici quelques extraits afin de faire avancer le schmilblick.
L’association qui a pour objectif de lutter contre les atteintes au paysage, au cadre de vie dans les paysages urbains et non urbains et principalement contre l’affichage illégal regrette que « le mode d’exposition […] soit copié sur celui des panneaux publicitaires scellés au sol ». Selon elle, il engendre une confusion des genres et accentue une porosité entre le monde marchand et celui de la culture. « Ce support évoque immanquablement la publicité, qui n’est pas un art contrairement à ce que certains publicitaires veulent nous faire croire », précise-t-elle. Ses membres se questionnent donc sur l’éventualité d’un effet pervers sur le long terme. « L’installation de ces panneaux ′artistiques′ ne viserait-elle pas à prouver que ces panneaux sont beaux ? », s’interrogent les adhérent·e·s tout en imaginant un futur morose « et s’ils sont beaux, qu’on peut en installer partout ? »
Ce n’est pas la première fois que des panneaux grands formats sont ornés d’œuvres dans notre ville. On se rappelle de ceux disposés le long du mail François-Mitterrand, tapissés des travaux de l’artiste malouin Yvan Salomone. Et bien avant, l’artiste Sophie Cardin, invitée par Les Ateliers du vent, avait parodié la communication officielle et les éléments de langage des promoteurs immobilier. La confusion était telle qu’une affiche avait même été recouverte de tags en signe de protestation. (lire article Ouest-France).
Autre grief, le projet initial soumis au vote des rennais·es devait transformer des panneaux déjà existants (voir la description ci-contre). Malheureusement, trois panneaux supplémentaires ont été spécialement déployés sur l’avenue Aristide Briand, distants chacun de 50 mètres en enfilade.
« C’était très compliqué de récupérer des panneaux existants. Notre souhait a donc été d’en rajouter […] » explique Mathieu Renard, directeur artistique de Lendroit Editions dans le Ouest-France. Conséquence directe, la place de la publicité n’a pas diminué. Pire, on impacte une nouvelle fois un paysage rennais déjà saturé. « C’est quand même assez massif et ça bouche l’horizon. Cela ne me paraît pas très écologique », déplore pour sa part un riverain.
Ces éléments nous poussent à regarder avec un autre point de vue les œuvres exposées. Contempler quotidiennement notre horizon défiguré et rétréci par le déploiement de panneaux à vocation commerciale, qu’ils soient numériques, lumineux ou standards ne doit pas plus être la norme. L’association rappelle ainsi par cette critique que le règlement local de publicité intercommunal arrivera à caducité en juillet 2020 et que sa révision pourrait fortement influer sur le cadre de vie des habitant·e·s. Et pas dans le bon sens ! « Les formations politiques peuvent se saisir de cette échéance pour clarifier leurs positions vis-à-vis de la publicité extérieure pendant la campagne des municipales. ll est important de mettre la pression et de multiplier les initiatives afin que les listes qui se présenteront prennent clairement position sur cette question », déclare son correspondant local.
Paysages de France a proposé de remplacer les panneaux publicitaires par des arbres, tel que cela a été réalisé à Grenoble, mais leur projet intitulé « Pas de pubs, des arbres » n’a jamais été soumis aux votes des rennais·es ; les services de la ville l’ayant retoqué car il consistait « principalement en une modification du règlement municipal en vigueur ». Cette décision se justifie par l’existence du contrat liant la ville à un célèbre afficheur mais rappelle cependant que la compétence de police de l’affichage est du ressort de la municipalité. Or, celle-ci ne semble l’exercer que partiellement au vu des nombreuses infractions relevées régulièrement par l’association.
A Rennes, la pub ne s’arrete jamais… au contraire du métro
Sur ces panneaux publicitaires qui cachaient le paysage, des artistes ont posé justement des photos du paysage par-dessus !
Hogre, le street artist qui détourne les panneaux publicitaires
Ces dispositifs, quelle que soit l’affiche qu’il supporte (publicitaire ou pseudo-artistique) sont des monstruosités qui colonisent l’espace public à des fins mercantiles. Comment les riverains peuvent-ils accepter de supporter « ça » devant leurs fenêtres 24 heures sur 24 ?
Avec l’exposition « 4×3 », les panneaux se transforment en publicité pour la publicité. Bravo l’artiste !