Deux listes ont tenté de tirer leur épingle du jeu sans le soutien des grands partis, lors de ce premier tour des municipales : « Rennes alternative », menée par le centriste Rémy Lescure et « Rennes Bretagne Europe », conduite par l’autonomiste Caroline Ollivro.
Deux vieilles connaissances
Les deux candidats se connaissaient bien : en 2008 , le premier était colistier de la seconde qui se présentait sous l’étiquette « Modem ». Il l’avait même remplacée au conseil, suite à l’invalidation de ses comptes de campagne, alors qu’elle s’était maintenue au second tour avec un score de 10,23 %.
En 2008, Rémy Lescure (à droite) était colistier de Caroline Ollivro (au centre)
Mais depuis 2008, le paysage politique a bien changé au centre. Caroline Ollivro s’est engagée dans une démarche autonomiste affichée en prenant la tête du jeune parti Breizh Europa ; tandis que Rémy Lescure, désavoué par le Modem qui lui a préféré M. Chavanat, a fait le choix de poursuivre avec le Parti pirate et Corinne Lepage pour seuls soutiens. Dans les deux cas, le pari était pour le moins risqué : il s’agissait de passer la barre des 5 % de suffrages exprimés, qui ouvrent droit au remboursement forfaitaire des frais de campagne.
Dimanche soir, les soutiens de Caroline Ollivro étaient réunis au bar « Le Stendhal », près de la route de Lorient
Peu avant la tombée des scores, au bar le Stendhal – tenu par un de ses colistiers – Caroline Ollivro livrait ses impressions :
« On est très heureux d’avoir fait cette campagne. Faire une liste comme la nôtre, avec une ambition pour notre ville mais dans un cadre clairement affirmé d’autonomie des régions et de fédéralisme européen, ce n’était pas facile. »
Un regret, notamment : « On n’a pas pu réunir tous les mouvements bretons avec nous, ce sera peut-être pour les prochaines élections [l’UDB soutient Nathalie Appéré, le Parti breton Bruno Chavanat]. On ne revendique d’ailleurs pas la tête de ce que pourrait être une telle union. Mais si on ne fait pas cette union, y compris avec le mouvement de M. Troadec [porte-parole des bonnets rouges], on a de mauvais moments à passer dans l’avenir ». Pour le reste, la candidate est satisfaite du travail effectué : « On a senti les gens très attentifs, à notre grande surprise. On va voir ce que ça va donner en termes de vote ».
Douche froide et vieilles rancœurs
Quelques minutes plus tard, les scores tombent justement au QG de Rémy Lescure, rue de Saint-Malo : c’est la douche froide. La liste n’obtient que 3,40 % des voix. Pour expliquer son échec, Rémy Lescure met en avant la difficulté d’être visible, ne se revendiquant d’aucun parti ; il souligne également l’obstacle qu’a représenté la scission des forces qui s’étaient rassemblées en 2008 derrière Caroline Ollivro. Le candidat se console en songeant aux 2013 Rennais qui ont fait confiance à sa liste. « C’était pour eux un vrai acte civique, car ils n’ont pas choisi un parti, mais un projet alternatif pour notre ville. ». L’équipe de campagne se réunira dès demain soir pour imaginer la suite à donner. Les membres du parti pirate et de Rennes alternative devraient continuer localement à agir ensemble ; aucune consigne de vote ne sera donnée pour le deuxième tour.
Au bar le Stendhal, chez « Rennes Bretagne Europe », la déception se fait également sentir : Caroline Ollivro fait un score de 3,82%. Son colistier Gwenole Guiomard nous livre ses impressions :
« On aurait aimé un score supérieur. On débute une longue démarche pour développer l’autonomie en Bretagne. On aurait voulu un meilleur début, mais on est là pour longtemps. On veut convaincre nos concitoyens que s’ils votent pour des partis centralisateurs, il n’y aura pas beaucoup de choses qui se développeront à Rennes et en Bretagne. Mais bien sûr on est peu connus, les médias sont soutenus pas des groupes de presse qui ne sont ni fédéralistes, ni autonomistes ». « Et l’histoire de la Bretagne n’est pas enseignée aux Bretons », rajoute-t-il hors micro.
Une consolation toutefois, qu’exprime bruyamment un soutien de Caroline Ollivro au bar : « On a battu Lescure ! ».
Ont participé à la rédaction de cet article: Émeline, Fabien, Jonathan.
Alter1nfo,
Comme promis sur Twitter, et en toute cordialité, quelques remarques sur votre traitement de l’élection municipale : vous souhaitiez traiter l’info de façon différente, vous reproduisez souvent les pires clichés des médias traditionnels.
— des choix malheureux de vocabulaire (« tirer son épingle du jeu », « pari », etc.) qui présentent l’engagement politique municipal uniquement sous un angle de challenge cynique. « Le pari risqué » laisse même penser que le seul but d’une liste est de faire les 5 % . Soit. C’est pour tenir un rôle (fusionner, rejoindre une autre liste ) ?, montrer que leur programme est entendu ? Pas du tout, pour vous, c’est le remboursement des frais qui est le but… Qu’une membre d’une équipe ait tenu un propos du genre « on a battu untel », c’est de son fait ; c’est de votre responsabilité de conclure votre article là-dessus, laissant là encore penser qu’on ne monte pas une liste politique pour défendre un projet, des idées, une attitude.
— Rien n’y fait : on a beau monter des listes en collectif, sans étiquette, vouloir faire autrement, le jeu des médias est de personnaliser : seule la tête de liste compte, hélas, pour Alter1nfo aussi. Les portraits de Rennais avant les élections étaient une bonne idée : ça aurait pu continuer avec des portraits de colistiers (et pas les têtes), ça aurait eu du sens, ça aurait montré l’engagement politique sous un modeste mais vrai jour.
— Le comparateur de programme est l’aboutissement de ces logiques : il ramène les projets politiques, même originaux, à un fichier Excel : des cases simplistes, les mêmes pour tout le monde, où seuls des oui/non ou des chiffres sont permis, la place pour une phrase forcément de bois, dans les colonnes décidées par les médias eux-mêmes.
Tout ceci ne facilite pas, justement, l’émergence d’expressions nouvelles qui pourraient, sans doute, convaincre quelques abstentionnistes. Ce n’est pas les médias installés qui vont faire ce boulot, alors on compte sur les médias alternatifs.Vous souhaitant une bonne continuation,
yv_pic
Bonjour yv_pic,
Un commentaire aussi développé mérite réponse. Nous reprendrons donc point par point les reproches constructifs que vous nous faites :
-On ne niera pas quelques automatismes d’écriture. Ils sont en partie imputables au fait que ces articles d’analyse post-électorale doivent être publiés dans l’urgence, sous peine de perdre une grande partie de leur intérêt. Ça ne laisse pas beaucoup de place à la littérature, on vous l’accorde, de même qu’on vous accorde que ces expressions passe-partout ne sont pas sans conséquence dans la vision qu’on donne des situations.
-La barre des 5% est symbolique à bien des égards, ce sont les « petits » candidats eux-mêmes qui l’évoquent à tout bout de champ. Elle l’est notamment du point de vue financier, surtout pour des mouvements politiques débutants qui sont fragiles financièrement ; du moins pouvait-on le penser.
-Concernant la mise en avant des têtes de liste : toute la communication d’absolument toute les listes n’était-elle pas centrée sur leur premier candidat ? Il n’était qu’à voir les visuels, les biographies détaillées, etc. C’était peut-être moins vrai chez EELV/FG ou du côté POI & LO.
-Vous êtes injustes quand vous dites que nous ne laissons aucune place aux idées en nous centrant sur des considérations « sportives » : 13 minutes d’interview cumulées ont été intégrées dans cet article, qui ne portent quasiment que là-dessus. Pour autant, la vie politique n’est pas faite que d’idées, la matière humaine y a bonne place, Dieu merci. C’est bien pratique, on vous l’accorde, pour la part de narration indispensable à chaque article… Mais on vous assure qu’on avait la matière pour en faire bien plus dans ce domaine. On est restés très sobres, on ne s’est pas attardés sur le « off » et les petits calculs boutiquiers de chaque camp.
-En ce qui concerne le comparateur de programmes, nous vous trouvons également assez injuste : nous avons tenté d’aider ceux qui désirent voter à le faire sur la base justement du projet défendu, et non de la tête du candidat ou de sa couleur politique. Il fallait pour cela un support ergonomique et efficace pour les 98% d’électeurs qui n’ont pas 5 heures à consacrer à la lecture des 150 pages d’EELV/FG ou des 411 propositions de N. Appéré. Nous avons donc entrepris une synthèse des programmes de chaque candidat et nous sommes heurtés à un obstacle majeur : il nous est apparu que la grande majorité des candidats avaient fait du projet rennais un élément accessoire de cette campagne. Le programme de certains était vide sur des pans entiers de la vie locale, pour d’autres il était un support de communication portant peu à conséquence et masquant la vacuité par la profusion. Comment, dès lors, en faire une synthèse qui nous semble honnête sans avoir l’air de prendre parti? Nous avons choisi de laisser aux candidats qui le désiraient la responsabilité de présenter leur programme, dans un format qui soit appréhendable pour l’internaute et qui ne donne pas libre cours, justement, à la langue de bois. C’est un choix discutable et le comparateur était certes loin d’être parfait : c’était néanmoins le meilleur qu’on puisse trouver (allez voir celui de France 3…). Il a été réalisé par des bénévoles, sur leur temps libre (comme tout ce qui se fait sur alter1fo).
-Pour conclure, on voudrait vous rassurer : ces municipales n’ont été pour nous qu’une expérimentation, une manière de tester des dispositifs, de fédérer une équipe de rédacteurs/photographes bénévoles. Le petit commentaire politique n’a aucune vocation à devenir notre fond de commerce (d’ailleurs on ne vend rien…) ; la course à l’info chaude, encore moins. C’est là un jeu auquel nous ne nous plions que tous les 6 ans, avec -il est vrai- un certain amusement.
L’info locale est en développement sur alter1fo, et notre parti pris sur la durée est celui que vous semblez préconiser : celui qui consiste à prendre le temps de faire un pas de côté – en toute indépendance.
Cordialement,
@gael_t