L’hiver fut rude pour les rockandrollers de tout poil. On ne va pas revenir en détail sur l’hécatombe de ce début d’année, mais s’il y a bien eu une nouvelle qu’on n’attendait pas, et qui nous toucha plus que les autres, c’est celle de la disparition de Domi, guitariste d’OTH, nos grands frères rockers de Montpellier.
Par le plus grand des hasards, j’avais acquis quelques jours auparavant, un joli petit livret qui regroupait des interviews du groupe ainsi que l’ensemble des textes de leur chanteur, Spi. Le livre est un petit ouvrage collectif, supervisé par le bassiste d’OTH, Phil Messina. Les interviews sont tirées du documentaire de Joël Jacobi, « Sur des charbons ardents », dans lequel les membres reviennent sur l’épopée du groupe. Le documentaire fut diffusé en avril 2014 sur France 3 Midi-Pyrénées. La préface très pertinente qui résume bien l’esprit de ce que pouvait être OTH est rédigée par l’universitaire Thomas Loué qui semble bien au fait des ces musiques souterraines. Enfin, nous avons les textes de Spi, déclinés par ordre chronologique avec la discographie complète du groupe.
Evidement le livre se lit très, (trop ?) vite. En fait il est à l’image des chansons du groupe, sans fioritures. On ne garde que l’essentiel. Il faut que ça claque, que ça tape fort, que ça joue vite. Le livre n’est pas vraiment une biographie, il est trop succinct, pas assez exhaustif et puis on n’a qu’un son de cloche. Le grand intérêt c’est qu’on rentre dans l’intimité du groupe, on y côtoie son âme. Car 15 ans d’aventures, ce n’est pas rien, surtout quand les membres se sont connus à l’école de la rue, ou en voisin, dans la banlieue de Montpellier, eux, les cow-boys révoltés du Bloc B. Et c’est cette complicité qui donne l’osmose du groupe, leur incroyable cohésion.
OTH (On Tender Hooks/Sur des charbons ardents) va traverser plusieurs époques. Ils débutent à la fin des années 70, et sont logiquement associés au punk, même s’ils sont dans une veine plus rock and rollesque. Au début des années 80, alors que la scène dérive vers la new-wave (maintenant on parle de post-punk), eux, se punkifient, et ramènent de Berlin toute la panoplie : rats et cheveux décolorés. Quand ils attrapent le train alternatif au milieu des années 80, ils ralentissent le tempo et refont pousser leurs cheveux. Ils restent insaisissables pour leurs contemporains, mais sont néanmoins respectés de tous.
Leurs albums ‘Réussite’ (84), ‘Sur des charbons ardents’ (86) et ‘Sauvagerie’ (88), sont des modèles de rock français, car OTH, à l’inverse de son nom, chante exclusivement en français. Mais comme souvent, il est difficile de percer pour un groupe de rock français, et les garçons d’OTH, sont des musiciens qui refusent la moindre discussion d’ordre économique. Ils ne connaissent rien au bizness de la musique et elle le leur rendra bien. Quand viendra l’heure de mettre de l’eau dans son vin pour tenter de percer, le mixage de leur dernier album leur sera imposé par la maison de disque. Le LP tombe à plat et ne ressemble en rien à ce que le groupe fait ou est. C’est le coup de grâce, et le groupe de sépare dans la foulée. Domi résume bien ce naufrage « La catastrophe du dernier album : le public se sentait trahi. OTH a été spolié de son identité. Une fois j’ai vu un mec dans la salle casser ce disque par dépit ».
OTH est mort au début des années 90, laissant un grand vide derrière eux car ils étaient unanimement appréciés et respectés. Ils auraient pu devenir les nouveaux Téléphone, mais comme le disait un rock-critique du siècle dernier, pour devenir grand, il faut drôlement déconner, et OTH déconnait mais pas drôlement. Ce rôle qui leur revenait de droit a été pris par Noir Désir avant que leur chanteur ne se mette lui aussi à salement déconner. Aujourd’hui, nous n’avons plus que nos yeux pour pleurer, mais aussi pour lire l’aventure d’OTH à travers ce mignon petit recueil. Celui ci est publié chez un éditeur alternatif où les livres sont imprimés à la demande. Du pur DIY qui ne pouvait pas mieux coller avec l’esprit d’OTH !
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