On vous a souvent dit tout le bien qu’on pensait de My Sleeping Doll et ce quasi depuis son premier concert -le deuxième pour être exact!- On est donc ravi de voir le projet prendre de plus en plus d’ampleur, notamment avec la sortie (sacrément attendue) d’un premier album, le très réussi Inner Waves sur Inmybed. On y retrouve Sandreen et ses formidables acolytes Ronan Bedo (Korkoj, Eshôl Pamtais, Belajo) à la basse et Matthieu Noblet à la batterie (Korkoj, Mermonte), pour onze titres mélangeant une certaine limpidité pop, âpreté rock entre énergie et tension et des compositions nuageuses, promettant l’orage comme les mélancolies pluvieuses. Ce premier long format a également l’immense mérite de mettre en pleine lumière le sacré talent de composition de la dame. Et dire qu’elle aurait préféré rester dans son canapé, à composer pour elle toute seule. On ne la remerciera jamais assez d’avoir fait l’effort d’affronter ses peurs et de nous livrer ici onze perles à la beauté à la fois brute et fragile, qui se révèlent parfois même bouleversantes. Quelques jours avant la Release Party qui aura lieu au Bar’Hic avec Formica et Laetitia Shériff le 17 juin prochain, nous avons eu le plaisir de retrouver Sandreen pour la troisième fois (voir nos précédentes interviews de My Sleeping Doll en 2012 et en 2013), mais accompagnée de Ronan ce soir-là, pour une bien chouette discussion. Rencontre.
Alter1fo : Vous avez pris votre temps pour sortir l’album. A quel moment le disque a commencé à prendre forme ?
Sandreen : J’avais des chantiers depuis longtemps. Et puis, il y a des nouvelles chansons qui sont venues courant 2013, fin 2014. Tout s’est fait en à peu près un an. On a donc fait quelques sessions d’enregistrement à plusieurs et puis j’ai fait des enregistrements d’arrangements supplémentaires toute seule.
Alter1fo : Avais-tu alors une idée d’ensemble de ce que tu voulais ?
Sandreen : J’ai écrit toutes mes chansons seule et puis après on les a re-bossées en groupe. Les arrangements finaux ne sont vraiment venus qu’après ces premiers enregistrements. C’est ça qui m’a inspirée pour des arrangements. Je n’en avais pas une idée très précise avant. Il y avait bien quelques éléments que j’avais, mais la majorité est arrivée après que la base ait été enregistrée.
Ronan : C’est sur cette base de trio rock que Sandreen a pu poser ses petits re-re [technique qui consiste à enregistrer des sons rajoutés à d’autres sons déjà enregistrés afin de les mélanger au moment du mixage], ses ajouts de guitare, de petits sons…
Alter1fo : Qu’est-ce qui a fait que tu es passée de l’idée du EP à l’album ?
Sandreen : Le nombre de chansons (Rires).
Ronan : C’est un truc un peu naturel. Tu commences à jouer avec des gens. Je trouve ça bien de vite enregistrer.
Sandreen : Je ne suis pas tout à fait d’accord.
Ronan : Pour nous, ça a mis un peu de temps. On a essayé de jouer à quatre. On est revenu à trois… Et puis Sandreen, c’est quelqu’un qui se pose plein de questions. Là, où on a vraiment mis du temps, c’est à se trouver tous les trois. Ça aurait pu aller beaucoup plus vite parce qu’on savait déjà avec qui on allait bosser pour l’enregistrement mais on s’est posé plein de questions, on a tâtonné et puis à un moment on a tranché.
Sandreen : Je dois aussi reconnaître un petit côté procrastinateur. Se sont ajoutés à ça des soucis d’agendas et puis… Les choses arrivent quand elles arrivent.
Ronan : On voulait vraiment faire quelque chose de bien. On s’est posé vachement plus de questions sur ce projet-là que sur d’autres choses auxquelles j’ai participé. C’est un premier album. C’est le projet de Sandreen… Je crois que si on fait d’autres disques les choses iront beaucoup plus vite. Il y a un truc qui est lancé.
Alter1fo : Tu as démarré seule. Tu nous as raconté comment Ronan et Matthieu t’ont rejoint sur le projet en 2013 [voir là]. Il y a aussi eu une tentative avec une seconde guitare. Pourquoi ça n’a pas eu de suite ?
Sandreen : On a fait quelques concerts avec Florian (Marzano de We Only Said) en seconde guitare, mais il n’a pas souhaité poursuive l’aventure…
Ronan : L’idée c’était de retrouver les strates de guitare qui s’entrelacent que Sandreen faisait quand elle jouait seule. J’étais super content parce que ça faisait longtemps que je n’avais pas joué avec deux guitaristes. Avec Florian que je connais depuis quinze ans, je pensais que ça pourrait le faire. Il était super emballé et ça a vraiment donné autre chose. C’était vachement plus pop. Par contre, ce n’était pas évident pour un second guitariste de trouver sa place dans My Sleeping Doll. Il vient vraiment en contrepoint sur de petits arrangements. On a eu du mal à trouver l’équilibre et quand ça a roulé, Florian a préféré se recentrer sur son album (l’excellent Boring Pools). C’était trop pour lui. Il ne pouvait pas être sur deux fronts à la fois. Que ce soient My Sleeping Doll ou We Only Said, ce sont deux projets qui demandent à être investis émotionnellement et je pense que c’était trop compliqué pour lui.
Sandreen : Après, il n’y a rien de grave. C’était un peu dur sur le coup mais chacun le sent comme il le sent.
Ronan : Ça nous a aussi apporté des choses de le faire. On a joué un autre concert à quatre avec Pierre Marais (Mermonte, Lady Jane, Mha) et puis finalement j’aime bien à trois.
Sandreen : Je me suis rendue compte que dans l’entre-temps entre ces deux expériences avec un deuxième guitariste, nous avions avancé, que nous avions trouvé un équilibre qui me rendait moins à l’aise à quatre. Ou alors, c’est peut-être trop tôt.
Ronan : C’est vrai que notre trio a peut être besoin d’être assis encore d’avantage pour que quelqu’un puisse venir y trouver plus facilement sa place.
Alter1fo : De notre point de vue de spectateur, c’était quelque chose d’assez chouette de voir évoluer le projet au fil des concerts…
Sandreen : C’est là qu’on se rend compte que les choses prennent du temps. Qu’il faut persévérer pour qu’au final ça prenne forme.
Ronan : Personnellement, la seule chose qui m’intéresse quand je joue avec des gens, c’est de réussir à faire en sorte que ça tienne dans le temps. C’est un sacré défi quand tu fais du rock parce qu’en général, c’est plutôt voué à clasher vite. Trop vite. Je crois qu’il n’y a que quand tu arrives à jouer longtemps avec les gens que tu arrives à vraiment proposer un truc chouette.
Alter1fo : Comment s’est passé l’enregistrement des onze titres de l’album ? Y a-t-il des morceaux qui vous ont donné du fil à retordre ?
Sandreen : Il y en a deux qu’on n’a pas gardés au final.
Ronan : Les meilleurs. On n’a pas gardé les meilleurs (Rires).
Sandreen : C’était deux morceaux qui marchaient super bien en live et quand on les a enregistrés, ça a fait flop. Peut-être qu’on réessayera plus tard. On a donc enregistré les morceaux en groupe et en live et après j’ai rajouté les voix, des arrangements comme des claviers, des samples, des petits bouts de guitare… Tout ça je l’ai enregistré chez moi.
Ronan : On a fait deux sessions en trio d’à peu près cinq morceaux.
Alter1fo : Dans quel studio vous avez fait ces sessions ?
Ronan : Au studio Vetter à Piré sur Seiche avec Jérome Cousin (ex Minia Zavout et actuel Wires). Avec Matt, on bosse avec lui depuis quelques années maintenant et ça nous semblait logique de continuer. Ce genre de musique : la pop, ce n’est pas trop son domaine mais finalement il a su le faire et même très bien. Au final, Matt et moi, nous ne sommes pas restés trop longtemps. C’est surtout Sandreen qui a beaucoup travaillé derrière. On donnait juste notre avis. « ça c’est bien ». « ça bof ». C’était un rôle assez facile en fait.
Sandreen : Je trouve qu’enregistrer ce n’est vraiment pas un exercice facile. Je préfère le live personnellement. Je trouve ça plus spontané. Peut-être qu’en le faisant plus, je serai plus à l’aise mais pour l’instant ce n’est pas facile. Ça dépend des gens, moi je préfère jouer.
Ronan : Alors que moi j’adore enregistrer. (Rires)
Alter1fo : Ton univers nous évoque plutôt des ambiances nocturnes ou oniriques mais tu as choisi les vagues comme titre. Comment s’est imposé ce nom ?
Sandreen : Je ne sais pas… C’est vraiment une bonne question mais je ne suis pas sûre d’avoir la réponse. Je dirais que c’est quelque chose de plutôt lié à l’état dans lequel je me mets quand je compose. L’idée de se laisser transporter par des vagues ou des courants émotionnels. Je pense que c’est ça, cette histoire de vague : quelque chose de très relié à des émotions intérieures.
Alter1fo : The Waves, c’est aussi le titre d’un livre de Virginia Woolf où il y a plusieurs personnages. Chaque vague correspond un peu à l’histoire, aux émotions d’un de ses personnages, aux flux de conscience qui les traverse.
Sandreen : Sachant qu’elle était schizophrène…
Alter1fo : Et qu’elle a fini dans les vagues pour le coup…
Alter1fo : A part une échappée pop (Fatale Machine) et les deux morceaux finaux l’album est très rock avec une tension très électrique. As-tu eu l’intention d’encore plus durcir le ton ou d’explorer d’autres styles ?
Sandreen : Je ne sais pas si on peut parler d’intention. C’est venu comme ça. Les morceaux que j’ai composés après l’arrivée des gars se prêtaient à une énergie plus rock. Après ça venait aussi d’un besoin que j’avais quand je jouais toute seule que ce soit plus rock. Ce n’est pas conscient. Tu joues quelque chose et c’est là que ça te mène.
Ronan : Après c’est marrant que vous en parliez comme ça parce que moi je ne le trouve pas rock cet album. J’ai été vachement surpris par la différence entre l’intention initiale où on a quelque chose de très âpre et l’enregistrement que je trouve ultra pop et ultra gentil. Ça m’a fait très bizarre quand je l’ai écouté que ce soit vers cette direction très pop que ça aille.
Sandreen : C’est vrai que j’ai un côté très pop mais je n’ai pas vraiment réfléchi le truc en terme de rock ou pop.
Ronan : Personnellement, j’aurais tendance à plus torturer les sons. On a aussi un côté plus radical mais ce n’était vraiment pas le propos sur ce disque-là. Ça aurait complètement dénaturé la musique et l’univers de Sandreen de les pousser vers quelque chose de plus trash. Après, j’aurais bien envie de pousser le truc. Ça viendra peut-être dans le futur. On a eu le privilège d’entendre un nouveau morceau tout à l’heure [Ils répétaient juste avant l’interview] et je mettrais bien mon grain de sel pour « casser » le truc… sauf que c’est Sandreen la chef.
Sandreen : Je n’assume pas du tout ce terme ! (Rires)
Alter1fo : C’est un collage de Gilles Trottin (le chanteur de Møller Plesset) qui orne la pochette. Est-ce toi qui lui a demandé un visuel ou lui qui te l’a proposé ?
Sandreen : J’avais vu une expo de lui il y a déjà quelques années. Il avait travaillé avec des pochoirs et j’avais trouvé ça hyper bien. Du coup, je savais que je ferai appel à lui pour la pochette. J’ai pu aller chez lui récemment et constater qu’il a fait des choses très variées. Je lui ai demandé quelque chose en lui donnant quelques petites idées de base. Il m’a proposé différents trucs et j’ai choisi ce collage à partir d’un tableau de Georges Reynolds.
Alter1fo : Est-ce que les gars ont donné leur avis ?
Sandreen : Ben oui. A la base, j’avais même tenté quelques propositions.
Ronan : Alors, j’adore la musique de Sandreen.
Sandreen : Attention, il va y avoir un « mais ».
Ronan : Mais… dès qu’il a été question d’un album on a dit : « La musique, c’est toi mais le visuel ce n’est pas toi ».
Sandreen : Il y avait l’idée quand même.
Ronan : On a tout de suite précisé : « On veut bien faire de la musique ensemble mais pas de la peinture ». (Rires). C’est marrant parce que je trouve la pochette de l’album très jolie mais je ne serai pas du tout parti là-dessus. Je voyais quelque chose de plus lunaire, de plus sombre.
Sandreen : C’est ce que j’avais proposé.
Ronan : Oui mais non, pas comme ça (Rires). Après je trouve le visuel très chouette mais quand tu vois la pochette, tu ne t’attends pas à ce genre de musique.
Alter1fo : C’est ce qui est intéressant aussi.
Ronan : Il y a aussi un petit clin d’œil avec cet enfant roux. De façon consciente ou pas, ça ne vient sûrement pas de nulle part.
Sandreen : Il y a aussi un côté poupée.
Alter1fo : Et alors ça fait quoi de voir le vinyle « en vrai ?
Sandreen : On est super content. Surtout que Renaud d’Inmybed a rebossé les couleurs sans toucher au visuel mais il a mis sa patte et le résultat est vraiment chouette. On a bien fait d’attendre qu’un label prenne les choses en main.
Alter1fo : C’est aussi pour ça que nous sommes super contents de voir le disque sortir chez Inmybed dont on apprécie les choix artistiques comme le soin apporté à leurs sorties. Comment s’est passée la rencontre avec la bande ?
Sandreen : A la base, il y a quelques années j’avais rencontré Matthieu à la Route du Rock. On avait causé et il m’avait dit qu’il aimait bien ce qu’on faisait et qu’ils pourraient être intéressés. C’était déjà il y a quelques temps et puis après Gwen [alias Don Lurie de l’Association Kfuel] les a relancés. Ils ont écouté l’album et ils ont été OK. Gwen nous a beaucoup aidés.
Ronan : On avait un peu prospecté niveau label. On avait même tenté des gros trucs. Tu soignes quelques mails. Tu as un retour ou deux avec des gens qui te disent qu’ils ne te connaissent pas et que du coup c’est compliqué. Tu vois que ça fonctionne quand même beaucoup au lien direct. Si on sort aujourd’hui chez Inmybed, ce n’est sûrement pas par hasard. Après je pense que c’est important pour cet album qu’il y ait une structure pour l’accompagner. Et puis le contact avec Matthieu d’InmyBed s’est vraiment bien passé. J’aime beaucoup le gars et dans tous les échanges qu’on a pu avoir ça a été à la fois cool et réglo.
Sandreen : C’est aussi quelque chose que j’apprécie beaucoup.
Alter1fo : On retrouve sur le disque le titre Language qui était le premier morceau de ta première démo. Comment décrirais-tu ton évolution, le chemin parcouru par cette chanson depuis cette première démo ?
Sandreen : On l’avait retravaillé en groupe et je trouvais bien d’avoir cette version sur l’album.
Ronan : C’est un peu notre premier morceau. Quand on a commencé à jouer, c’est le premier titre sur lequel j’ai proposé une basse en tout cas.
Alter1fo : Le morceau Don’t Turn Away se détache des autres titres par son ampleur et sa structure. Peux-tu nous raconter la genèse de ce morceau atypique ? D’où viennent les samples qui servent de pivot au titre ?
Sandreen : Ah… (Elle prend le temps de réfléchir.) Pour cette chanson, l’inspiration vient d’un film de David Lynch. J’ai eu envie d’une ambiance un peu spatiale. Je me suis procurée un synthé pour faire des sons un peu étranges. J’ai un peu « expérimenté ». Pour les samples de voix, je les ai pris dans un documentaire sur un mec qui s’appelle Daniel Tammet. C’est un autiste de type Asperger qui a réussi à énoncer les décimales du nombre Pi jusqu’à un nombre incroyable. J’ai vu ce reportage et j’ai trouvé sa voix super belle. On l’entend donc réciter ces décimales et il y a aussi une femme qui parle dans le reportage. Pour la toute fin du morceau, je me désaccorde et on est parti en improvisation. C’est la seule partie de l’album qu’on a créée en répétition.
Ronan : On trouvait ça un peu chiant (Rires) et on a cherché une façon de casser le truc. C’est chouette d’avoir pu mettre ce truc-là. Je me projette aussi un peu sur la suite. Sur les morceaux qu’apportent Sandreen, on n’a rien à faire. Tout se tient. Juste avec une guitare et sa voix, ça marche et c’est magnifique. C’est donc compliqué pour nous d’apporter quelque chose sur des morceaux de pure pop couplet/refrain. Ce moment-là où Sandreen est partie sur quelque chose que nous avions proposé a vraiment été super.
Sandreen : J’ai aussi adoré faire ça.
Ronan : C’est sûr qu’il y a des morceaux qui s’y prêtent plus ou moins mais il faudrait que tu arrives avec juste une idée de guitare, sans la creuser. Juste quelques notes et on partirait là-dessus en répétition. Mais pour l’instant, on ne fonctionne pas du tout comme ça. Il y avait toutes ces chansons où ça été difficile de trouver ma place. Ne pas en faire trop et servir la musique au plus près. C’est compliqué pour moi de ne pas en faire trop (Rires). Après notre lumière, c’est Sandreen. Si ça lui va, c’est bon.
Alter1fo : Est-ce qu’on trouvera les paroles écrites sur l’artwork de l’album ?
Sandreen : Non (décidé et immédiat) (Rires)
Ronan : J’aurais bien voulu aussi.
Alter1fo : (en riant) C’est frustrant, toujours, de ne pas trouver les paroles… J’aime bien les lire sur l’album.
Sandreen : Moi aussi en plus. Mais je ne les assume pas. Je ne me sens pas assez auteur de textes, honnêtement. Je ne me sens pas assez sûre de mes textes pour me permettre de les écrire sur le disque.
Ronan (lui demande) : Parce qu’ils sont trop personnels, tu n’as pas envie que les gens les lisent ?
Sandreen : Il y a de ça. Et puis aussi, même si j’aime bien l’anglais, je ne suis pas anglophone. Ce n’est pas ma langue maternelle. Je fais le truc parce que je le sens comme ça mais je n’assume pas au point de mettre les paroles. Mais si tu les veux, je peux te les envoyer par mail. (Rires)
Alter1fo : Et comment s’articulent musiques et paroles ? Comment elles se hiérarchisent ? Il n’y a pas d’ordre, de règle ?
Sandreen : Pour Don’t turn away (et c’est peut-être le seul), je voulais caser des phrases. Mais sinon, en général, c’est la musique qui amène des sons, qui amène des mots, qui amènent eux-mêmes d’autres mots. J’essaie de laisser venir les images le plus possible. Je ne parlerais pas d’écriture automatique quand même parce que c’est trop particulier. Mais j’essaie de ne pas trop m’orienter dès le début, que ça vienne vraiment dans un second temps. J’essaie de laisser venir des trucs même si sur le moment, j’ai l’impression que ça n’a pas de sens. Ce n’est pas grave. On essaiera ensuite de recoller les morceaux, un peu comme un puzzle. J’adore les puzzles en général. D’ailleurs dans le collage de Gilles, pour la pochette, il y a un côté puzzle que j’adore aussi. Dans la composition des textes, ça se retrouve peut-être. Des choses qui viennent comme ça, et auxquelles tu essaies de trouver une cohérence. Mais ça arrive au bout du compte, au final, la cohérence. Pour moi, la musique est là, c’est la base. C’est elle qui amène le reste.
Alter1fo : Est-ce qu’il a été simple de définir l’ordre du tracklisting ? Y a-t-il eu débats ? (Rires)
Sandreen : En fait il y a eu plusieurs versions.
Ronan : La version qu’on n’a pas gardée, c’était la mienne ! (Rires) C’était la meilleure ! (Rires)
Alter1fo : Tu nous l’enverras pas mail aussi ! (Rires)
Ronan : Est-ce que j’ai eu le droit de la garder ? Je ne sais plus. En fait, c’est Gwen [aka Don Lurie des formidables indociles K-Fuel] qui l’a fait. C’était vachement bien parce qu’on n’était pas du tout parti sur ça. Ça nous a beaucoup surpris et c’était super. J’ai trouvé ça vraiment cool (Sandreen acquiesce). C’est bien de faire ça. D’avoir une oreille extérieure. Le tracklisting, c’est quelque chose de super important. Je ne sais pas… Quel est votre ressenti à vous, par rapport à ce tracklisting ?
Alter1fo : Ça fonctionne carrément. J’adore l’album dans sa continuité. Ce n’est pas une collection de chansons, c’est un album. Avec une histoire, avec des reliefs. Bien sûr ce n’est pas narratif, mais ça se tient.
Ronan : C’est un truc super compliqué à faire. C’est vrai qu’on était parti sur d’autres directions. « Va-s-y, écoute, moi je trouve ça super. / – Non, moi je ne m’y retrouve pas… ». Du coup, c’est bien que ça vienne d’une personne extérieure, mais qui est en même temps à donf’ dans le projet. Parce que Gwen, c’est un peu le quatrième musicien, finalement. (Sandreen acquiesce). Ce n’était pas mal d’avoir son retour. Du coup c’est vachement bien.
Sandreen : Dans les premières versions, on avait l’impression qu’il y avait peut-être des longueurs. C’est vrai que les chansons sont assez mélancoliques. Et dans ce style, c’est difficile de…
Ronan : Il y a un côté assez plombant (Rires). Mais c’est vrai. Il y a vraiment ce côté spleen. Donc, sur un album il faut vraiment capter l’oreille, il faut qu’il se passe des choses. Et là, je trouve que c’est parfait.
Sandreen : D’ailleurs, pour Ain’t gonna last, à la base cette chanson, lorsqu’on la jouait, on se disait que ça allait être un petit interlude. Le texte n’est pas très fourni, d’ailleurs. On se disait vraiment que ça allait être un morceau de transition sur l’album.
Ronan : C’est un de mes morceaux préférés, je crois. L’ordre des morceaux, c’est vraiment ultra important, autant que le mix, que le travail du son. Ça peut vraiment soit te plomber ton album, soit te permettre de mettre des choses en évidence.
Alter1fo : Là, ça fonctionne. Et on a hâte de l’écouter en vinyle, non plus d’un seul bloc, mais avec cette transition avec les deux faces.
Sandreen : Sur le vinyle, il y a un titre en moins, la dernière, Midnight song.
Ronan : Pour des questions de timing, ça faisait trop, donc on l’a enlevée pour garder la qualité du son.
Sandreen : Mais il y aura le code de téléchargement avec le vinyle, et puis le cd. C’était l’instant promo. (Rires)
Alter1fo : La release party aura lieu le 17 juin, avec un line-up super classe [en plus des concerts de My Sleeping Doll, vous pourrez retrouver Lætitia Shériff en solo et Formica]. Comment s’est organisée la soirée ? C’est Inmybed ?
Sandreen : Ça s’est fait quand on a mangé chez moi, on a parlé de ça (Rires). Je crois que c’est Gwen encore, qui a demandé à Lætitia Shériff.
Alter1fo : C’est une super idée de la faire avec Lætitia Shériff. D’autant qu’il y a vraiment des filiations entre vos musiques, quand elle joue seule.
Ronan : C’est super pour nous. C’est super gentil de sa part. Nous, on est content.
Sandreen : Oui tellement que… (grande angoisse)
Ronan (la réconforte) : ça va être bien.
Sandreen : Et puis Formica après aussi, pour une soirée complètement top.
Ronan : En fait, on s’est quand même posé pas mal de questions. Le Bar’Hic, je ne crois pas que ça a été une évidence au départ. Mais finalement d’être dans ce lieu, c’est bien. On n’a pas une audience extraordinaire. Faire ça dans un lieu plus grand, plus excentré, on y a pensé aussi. Mais ça avait beaucoup plus de sens de le faire là, au Bar’Hic, pour qu’il y ait un côté plus chaleureux. Il y aura cinquante personnes dans le bar et ce sera super. C’est bien de faire ça là.
Sandreen : C’est un lieu que j’aime bien pour les concerts.
Ronan : Et puis que ce soit dans le centre de Rennes, c’était aussi l’idée. Qu’il y ait des gens qui puissent facilement venir nous voir et repartir avec ce vinyle. C’est Matthieu [d’Inmybed] qui a proposé cette histoire, pour marquer le coup, d’offrir le vinyle à ceux qui paient leur entrée au concert. Je trouve ça super cette idée, que les gens puissent avoir le vinyle pour pas trop cher, avec leur entrée au concert. C’est une super idée.
Alter1fo : Ils avaient fait ça pour la sortie de la compilation Embedded, au Jardin Moderne. Il y avait les 13 groupes de la compile en concert le même soir. Une super soirée. Tu payais l’entrée une misère et tu repartais avec le vinyle.
Ronan : C’est génial de faire ça. C’était marrant parce que quand il nous en a parlé, on a dit « mais oui bien sûr ! C’est une évidence ! » Je n’y avais pas du tout réfléchi. On a trouvé ça génial de faire ça.
Alter1fo : Vous avez d’autres concerts de prévu ?
Sandreen : Le lendemain de la release party. On va à Chasné sur Illet pour la fête de la musique, juste à côté de St Sulpice la Forêt. On va jouer vers 22h. Et puis le 19 juillet, je vais jouer en solo, à l’église de la Gacilly, dans le cadre d’un festival qui a lieu depuis quelques années dans le canton de la Gacilly. Ce ne sont que des églises. C’est le principe : ils font jouer des groupes dans des églises. C’est marrant. Il y aura aussi un show case en solo acoustique à It’s Only le 24 juin.
Ronan : Après, on n’a pas d’autre concert. C’est l’idée : maintenant on a un vinyle, un label. Il faudrait maintenant trouver un tourneur. Le truc vaut le coup. J’aimerais bien qu’il y ait des gens qui répondent un peu aux mails, qui disent « oui, on peut peut-être essayer, vous donner une chance… » Mais c’est toujours un peu compliqué, il y a tellement de groupes qui font de la musique.
Sandreen : C’est bien, en même temps, qu’il y ait tant de groupes qui font de la musique.
Ronan : Nous, on a très clairement besoin, particulièrement je crois, d’être pris en charge. J’ai tellement, tellement cherché, démarché pour trouver des concerts. Je suis fatigué de tout ça. Une fois de temps de temps, je redonne un petit coup…
Sandreen : C’est dur pour moi, je trouve ça vraiment dur.
Ronan : Oui, on démarche de temps en temps, alors il y a quelques concerts qui tombent. Après, c’est comme ça. Ce n’est pas grave. C’est la vie du projet. S’il y a des concerts tant mieux, s’il n’y en a pas c’est dommage. C’est dommage, mais c’est comme ça. Nous on va continuer à jouer, à faire des nouveaux morceaux, à faire des albums. Voilà. Après ce qui est chouette c’est de les proposer aux gens… Moi, ça ne m’intéresse pas de jouer dans ma cave.
Sandreen : Moi j’aime bien.
Ronan : Jouer dans ta cave ?
Sandreen : Non, jouer sur mon canapé. A la base, c’est ce que j’aime. Après, effectivement, c’est toujours mieux de partager. Mais c’est angoissant, aussi. Tu es dans ta bulle, tu fais ton truc, tu es content. Tu te demandes : « est-ce que je montre ou pas ? » Déjà c’est un pas énorme d’oser montrer. Pour moi, ce n’était pas simple du tout. Je suis déjà contente.
Alter1fo : Ç’aurait été dommage que tu gardes tout ça seulement pour toi… Si, si !
Sandreen : Il y a des gens qui sont tellement angoissés qu’ils ne peuvent pas sortir de chez eux, et je comprends. C’est horrible, mais… Quand tu es timide, que tu n’as pas du tout confiance en toi, c’est quand même…
Alter1fo : Tu sais, Shannon Wright, elle était super super timide. Elle a eu une vie super compliquée quand elle était petite, mais même devant sa grand-mère qui l’élevait et qui était son seul référent stable, elle n’arrivait pas à chanter. Sa grand-mère devait l’écouter chanter derrière la porte. [« Ma grand-mère avait un piano, dont elle jouait, mais dont je ne jouais jamais. Elle me demandait de venir chanter à côté d’elle. Mais je n’y allais jamais parce que j’étais vraiment extrêmement timide. Je ne chantais que dans ma chambre et elle s’asseyait derrière la porte pour m’écouter. Elle ne me l’a dit que des années plus tard. » Interview à lire ici]. Et quand tu la vois sur scène, tu es vraiment loin de te douter.
Sandreen : Oui, vraiment. Mais je ne trouve pas ça facile. Ce n’est pas une démarche évidente.
Alter1fo : Après, les timides, ils ont souvent un truc en plus sur scène…
Sandren : Peut-être, je ne sais pas. Mais c’est comme ça. Et en même temps c’est une thérapie. Il faut soigner le mal par le mal.
Alter1fo : Pour finir : quels disques écoutez-vous en ce moment ?
Sandreen : Je n’ai pas encore écouté tout l’album de Radiohead, mais leur chanson, Daydreaming m’a vraiment mis une grosse claque, dans les trucs vraiment récents, tout dernièrement. Après, je ne sais pas si je dois le dire.
Alter1fo : Va-s-y !
Sandreen : Dernièrement, j’ai ré-écouté le Lana Del Ray Ultraviolence. J’aime beaucoup Lana Del Ray, j’assume. Sinon, un peu de Brian Eno. Un de ses premiers albums. J’ai découvert ça récemment, je trouve ça très bien.
Ronan : J’écoute très peu de musique. Je ne peux pas te dire que j’écoute un album… Je n’écoute pas d’albums finalement. C’est davantage des morceaux. Par exemple, ce midi, j’ai écouté Fais comme l’oiseau de Michel Fugain avec un vieux clip (Rires). J’ai une sélection « boum » bien débile, qu’on met le matin ou le week-end. J’ai écouté le dernier Nick Cave, avant le live, celui avec sa femme nue sur la pochette [Push the sky away]. Le Johnny Cash, un truc que j’ai acheté assez récemment, où il a fait une chanson sur les Indiens, sur une tribu… Je ne sais plus comment s’appelle cet album. [Bitter Tears ?] J’ai acheté deux albums de Johnny Cash comme ça, American History III, aussi, et c’est vachement chouette. Et puis aussi une compile de Bowie que j’écoute toutes les semaines. C’est marrant parce que j’ai beaucoup acheté d’albums à une certaine époque. En fait, on veut que les gens achètent notre disque mais je suis un très mauvais exemple. (Rires)
Sandreen : Tu ne l’achèterais pas toi-même ! (Rires)
Ronan : Si ! Parce qu’en général les vinyles que j’achète, ce sont ceux des copains rennais qui sortent des disques cools. Donc, dans ce que j’écoute, je tourne sur des vieux trucs, des trucs de classique…
Sandreen : J’ai mes périodes aussi. Il y a des moments où j’écoute plein de musique et d’autres pas du tout. Il m’arrive de ne pas écouter de musique pendant de longues périodes.
Ronan : C’est dommage que Matt ne soit pas là parce que lui, il bouffe du disque. Il découvre des tonnes de choses. C’est incroyable. Il connait plein de trucs et puis surtout, il n’arrête pas. D’écouter des disques. De découvrir. C’est marrant, les périodes, avec ces différences. Il y a eu une époque, j’étais super fan de Mogwai, de post-rock.
Sandreen : Moi aussi, carrément, Mogwai…
Ronan : Et puis j’ai fait une overdose, je ne pouvais plus écouter un seul album de post-rock. Ça me faisait trop mal ! Je ne pouvais plus ! (Rires) D’ailleurs, c’est le seul truc que je peux écouter maintenant en post-rock, Mogwai. Je trouve que ce sont les seuls à faire du « vrai » post-rock, à faire de vraies mélodies…
Alter1fo : On finira là-dessus. Merci !!
Release Party de l’album de My Sleeping Doll avec My Sleeping Doll, Laetitia Shériff (solo) et Formica en concert le Vendredi 17 juin 2016 au Bar’Hic, place des Lices Rennes – 20h30 – 8€ (avec le disque !)
A noter : My Sleeping Doll sera également en show case en solo acoustique à It’s Only le 24 juin.
Plus d’1fos :
l’annonce détaillée de la release party
Le jeu pour gagner un album de My Sleeping Doll
Le site du label Inmybed
La page facebook de l‘événement