Métropole Electroni[k] – Interview de Lynn Pook : la maison de retraite de Cleunay comme vous ne l’avez jamais entendue

2012-05-12-LYNN_POOK-Cleunay-ELECTRONIK-016Un après-midi de mai 2012, on a passé la porte de la maison de retraite de Cleunay. On y a retrouvé une jeune femme s’affairant au milieu de personnes très âgées, les équipant de casques audio avec patience et douceur. On est entré discrètement et on a aussi mis un casque sur nos oreilles. Une petite vingtaine de minutes plus tard, par un hasard de connexions auditives / visuelles qu’on ne s’explique pas, nos yeux sont devenus humides. La faute à Lynn Pook, à l’association Electroni[k] et sûrement beaucoup aux voix de ces têtes chenues autour de nous. Explications et (belle) rencontre avec la responsable de nos épanchements lacrymaux.

On lui devait cet article. Pour diverses raisons qu’on ne développera pas ici, la retranscription en mots de ce moment passé dans la salle commune de la maison de retraite s’avéra difficile. On se promit pourtant (autant qu’on lui promît sans qu’elle n’en sache rien) de réserver un moment futur pour donner écho à ce très beau projet qui nous permit d’écouter la Maison de Retraite de Cleunay comme on ne l’avait jamais entendue. L’inauguration le 18 juin prochain du site web Métropole Electroni[k] sur lequel on pourra retrouver le travail de Lynn Pook à Cleunay, nous en offre enfin l’occasion. On vous explique.

Le projet Métropole Electroni[k]

L’association Electroni[k], responsable du « festival » Cultures Electroni[k]/Maintenant est à l’origine du projet Métropole Electroni[k], lancé en 2008. Ainsi, entre deux éditions, Cultures Electroni[k] nous envoie des cartes postales sonores, réalisées par des artistes divers aux univers souvent différents.

L’idée est la suivante : proposer à des musiciens (mais aussi à des plasticiens, …) de réaliser des créations sonores pendant une résidence dans un lieu de Rennes Métropole (Hôtel de Rennes Métropole, Diapason, Bon Accueil, Médiathèque de Betton, la gare SNCF, pour n’en donner que quelques exemples). Les artistes investissent le lieu de résidence, développent leur projet puis restituent leur création au public qui est aussi parfois usager du lieu de résidence. Pour les créateurs de Métropole Electroni[k], ces projets permettent « de découvrir ou de redécouvrir des espaces urbains, d’appréhender la ville par l’oreille et ne plus la penser simplement comme source de bruits et de nuisances » .

« Les artistes sélectionnés sont invités à déterminer avec l’équipe de l’association un lieu qui leur paraît intéressant au vu de leur parcours. Une fois ce dernier choisi, les artistes l’arpentent durant quelques jours accompagnés par une personne référente au sein de la structure partenaire. Les artistes créent alors des pièces sonores de 12 à 25 minutes à l’aide des sons captés au sein de chaque lieu (voix, musiques, bruits du quotidien…). Chaque pièce sonore est ensuite diffusée au sein du lieu dans le cadre d’une restitution ouverte au public. » explique l’é[k]ipe Electroni[k].

Identité graphique Metropole Electronik Guillaume Fourmigault et Clément ScoarnecDepuis le lancement de Métropole Electroni[k], 14 cartes postales ont déjà vu le jour : après Eddie Ladoire qui a investi l’Epi Condorcet en 2008, et Sébastien Roux le Bon Accueil en 2009, ce sont Felicia Atkinson et Aymeric de Tapol qui ont respectivement revisité l’Hôtel de Rennes Métropole et le Diapason, toujours en 2009. En 2010, ce sont trois nouveaux artistes qui ont été invités à créer trois cartes postales sonores inédites : Dinahbird (les Champs Libres), Jean-Philippe Renoult (la Médiathèque de Betton) et Herman Kolgen (gare SNCF). Pour la session 2011, ce sont Mathias Delplanque à l’Ifa-Bruz ou Mira Calix au CADA (Centre d’Accueil de Demandeurs d’Asile) de Rennes qui ont relevé le défi. Sans parler de Lynn Pook à la maison de retraite dont on parlait plus haut. Suivirent alors Robert Henke à l’aéroport de St Jacques de la Lande, Philippe Morvan aux imprimeries Ouest France, Béranger Recoules sur le campus de Rennes 2 et Pauline Boyer à la plateforme industrielle courrier de Noyal-Châtillon sur Seiche.

Un nouveau site dédié au projet Metropole Electroni[k] lancé le 18 juin

Depuis plusieurs années, l’association Electroni[k] souhaitait rassembler toutes les cartes postales sonores réalisées afin de partager ces créations avec un grand nombre d’auditeurs. Le site Métropole Electroni[k] réalisé par La Confiserie avec l’aide de Rennes La Novosphère et les étudiants de LISAA (Guillaume Fournigault et Clément Scoarnec) sera inauguré ce mercredi 18 juin avec la restitution de la 15ème carte postale sonore, celle réalisée par Richard Eigner à l’Hôtel de Ville de Rennes (dans les salons de l’Hôtel de Ville à partir de 18h30). Sur ce nouveau site, les 14 premières cartes postales seront désormais en écoute libre. Une manière le plus souvent aussi poétique que sensible d’inviter les visiteurs à découvrir des lieux par l’écoute, au delà d’un simple état des lieux sonores de Rennes.

En octobre 2011, l’association Electroni[k] a donc proposé à une jeune artiste franco-allemande, Lynn Pook, d’investir le lieu de son choix. On avait pour notre part découvert le travail de la jeune femme avec l’installation épatante qu’elle avait proposée avec Julien Clauss durant Cultures Electroni[k] à la même période : Pause. Imaginez cinq lits suspendus à des arceaux d’acier reliés par un système de poulies et ressorts qui transmettent les mouvements de chaque lit aux autres. En parallèle, 14 hauts-parleurs vibrants équipent les cinq hamacs (et donc les cinq personnes qui y sont allongées) Au programme, une immersion -couché !- dans les phénomènes de distorsion tactile et sonore. Une façon d’entendre par la peau en quelque sorte.

Car la jeune femme, qui vient au départ de la sculpture (et qui a également étudié la danse, les arts et les médias) s’attache à l’observation du corps et de ses perceptions, et notamment depuis 2003 aux relations entre l’ouïe et le toucher, en mettant en place des structures explorant « la dimension vibratoire et tactile du son ». Si on devait le définir simplement, on dirait que l’audio-tactile est une tentative de travailler sur le toucher en utilisant le son (le son étant par nature une vibration).

La jeune artiste s’intéresse, observe et questionne également « les modes et les systèmes d’échange entre le spectateur et l’objet, entre un individu et son environnement. » Mais pas que. En la rencontrant ce samedi de mai 2012 pour la restitution de sa carte postale sonore par un après-midi ensoleillé qui a sûrement fait préférer au public « extérieur » les joies de bains de mer à une visite à une maison de retraite, on a également découvert une jeune femme véritablement intéressée par la rencontre, par le lien qu’on peut tisser entre les êtres. Une jeune femme surtout, particulièrement sensible aux êtres humains autour d’elle.

On avait donc vraiment hâte d’entendre comment Lynn Pook s’était mise à l’écoute de la maison de retraite de Cleunay pour réaliser sa carte postale sonore. Parce que choisir de s’intéresser à une maison de retraite n’est certainement pas anodin quand on cherche à « explore[r] l’intime, la proxémie, nos perceptions et le temps » … Et on s’est pris une grosse claque. Rencontre, deux ans plus tard. Enfin.

2012-05-12-LYNN_POOK-Cleunay-ELECTRONIK-013Alter1fo : Si j’ai tout compris, le lieu de réalisation de la carte postale sonore est choisi de concert avec l’artiste et Electroni[k]. Pourquoi avoir choisi un lieu de vie comme la maison de retraite de Cleunay ?

Lynn Pook : A l’origine, cette carte postale devait se faire en collaboration avec un autre artiste qui avait fait un choix de lieux très différents, l’usine de traitement des eaux. Mais, quand je me suis retrouvée seule sur le projet, je n’avais vraiment pas envie de ce lieu mécanisé sur lequel j’avais déjà travaillé il y a très longtemps. J’avais envie d’aller à la rencontre de personnes, envie d’aller découvrir un lieu de vie. Les maisons de retraites sont des endroits où rares sont les gens qui y rentrent avec plaisir. J’avais envie de savoir ce qui se tramait derrière ses murs, dans ces têtes et ces vies, ces fins de vies parfois longues à venir. Je me disais aussi, que ces vieilles personnes auraient des choses à me raconter, d’une époque où l’on racontait encore et souvent bellement. J’aime ces langages, ces façons de parler un peu désuètes pleines de pudeur, ces tournures de phrases et ces expressions d’un autre temps.

Tu viens davantage des arts plastiques, de la sculpture, que de la musique, même si une grosse partie de ton travail est consacrée à l’audio-tactile. La carte postale qu’Electroni[k] t’a proposée était pourtant « seulement » sonore. Qu’est-ce qui t’intéressait dans ce travail ?

Pour moi cet exercice purement sonore était un chalenge que j’avais décidé d’accepter en me disant que certainement je ne révolutionnerais ni la musique, ni la radio, mais que si je restais proche de mon intuition et de ce qui m’intéresse chez les autres, j’arriverais bien à faire quelque chose qui tiendrait la route. D’autre part, j’avais commencé un autre projet basé uniquement sur des interviews et je me disais que la carte postale me servirait de mise en jambes. Et puis le son, c’est une des plus belles matières de l’espace temps, alors finalement, ce n’est pas si loin de la sculpture!

Pause Lynn Pook Julien Clauss - copyright photo Gwendal Le FlemDans ton travail, tu es très sensible à orienter l’écoute/la perception des spectateurs (par exemple, plonger les spectateurs dans le noir pendant les concerts Stimuline, leur mettre des bouchons dans les oreilles pour renforcer leur perception de la transmission sonore osseuse…). Dans la réalisation de cette carte postale, t’es-tu posée la question d’orienter notre perception sonore ?

En fait, les conditions de production étaient assez réduites et n’étant pas une pro du son, je ne me sentais pas de me lancer dans une diffusion spatialisée ou quelque chose de la sorte. Alors, j’ai préféré rester humble et à l’échelle de ce petit monde qui m’avait si bien reçu pendant 10 jours.

J’ai donc installé les personnes en cercle dans le grand réfectoire de la maison de retraite, afin que le public venu de l’extérieur puisse partager ce cercle avec les résidents, le personnel et les participants aux interviews, afin que les gens puissent se voir les uns les autres.

L’écoute au casque m’est venue pour différentes raisons. Elle souligne le caractère intime des voix et des dialogues que j’ai eus. Je me disais aussi que pour les personnes âgées, cela faciliterait une bonne écoute surtout dans une grande salle commune à l’acoustique exécrable.

Pour donner un peu de pérennité à la pièce sur place, j’avais imaginé bricoler pour leur coin bibliothèque un fauteuil d’écoute diffusant la pièce. Celui-ci aurait aussi permis d’écouter des livres audio, mais l’administration s’est montré particulièrement peu coopérante et j’ai fini par laisser tomber cette proposition. C’est dommage, car cela aurait permis à des membres de la familles, au personnel et à des visiteurs de venir consulter la pièce sur place. La présentation publique avait malheureusement réuni très peu de personnes venues de l’extérieur et très peu de personnel. Du coup c’est resté super confidentiel.

Tu as été marquée, je crois, par ta rencontre à Berlin du Hörspiel, des pièces radiophoniques expérimentales. Est-ce que cela t’a inspiré pour monter cette carte postale sonore ?

2012-05-12-LYNN_POOK-Cleunay-ELECTRONIK-010Je pense que l’initiation aux formes radiophoniques et à la musique expérimentale dont j’ai pu profiter à Berlin, m’ont donné envie de travailler la matière sonore et ici le texte comme une matière plastique. Dans la carte postale, j’ai l’impression de tresser, de tisser les paroles récoltées. C’était un travail très laborieux et difficile de couper dans ces témoignages qui parfois avaient déjà quelque chose d’une composition. J’avais une vingtaine d’heures d’interview et il fallait que la pièce ne dépasse pas 20 minutes. Il m’était important de garder malgré tout le sens. J’ai finalement fait le choix de laisser surtout parler les résidents et ne donner qu’une toute petite place au personnel qui aurait tout autant mérité qu’on l’entende.

Tu es très intéressée par la rencontre avec l’autre. Ton travail pour cette carte postale sonore s’est appuyé sur des enregistrements d’interviews que tu as faites des résidents et du personnel de la maison de retraite. Quels souvenirs gardes-tu de ces rencontres, de ces dix jours immergée dans la maison de retraite ?

Je dois dire qu’avant d’y aller, j’avais un peu peur de sortir de là complètement déprimée. Mais, ce que j’y ai trouvé et reçu malgré le contexte a été beaucoup de plaisir, de joie, d’amour et de partage. Il y avait de la tristesse, de la dépression, de la folie parfois et des sentiments de découragement qui remontaient dans certains échanges, mais j’avais l’impression que ma disponibilité à écouter leurs histoires leur donnait un peu de lumière et de courage et au bout du compte nous avons pas mal ri.

J’ai trouvé un personnel autant que possible à l’écoute et chaleureux avec les résidents, bien que soumis à une cadence pas très humaine. Je n’ai malheureusement pas eu le temps dans le montage de faire apparaître cet aspect critiquable de ce système.

2012-05-12-LYNN_POOK-Cleunay-ELECTRONIK-006Je garde le souvenir d’une vieille dame de 104 ans qui me parlait de ses vaches dont elle prenait soin tous les matins. Je me souviens d’une autre centenaire, une vieille fille toute petite, avec un caractère bien trempé et beaucoup d’humour qui venait d’arriver dans la maison : elle n’avait pas voulu que je l’enregistre, mais voulait quand même bien de mon attention. Je l’avais emmenée se balader dans le jardin et nous avions nos petites discussions autour de tasses de cafés sur la terrasse. J’ai voyagé dans le temps!

Ce qui m’avait marquée, c’était le peu d’échanges que les résidents avaient entre eux. C’était comme si ils ne voulaient pas parler avec des plus vieux qu’eux, des plus étourdis qu’eux, afin de garder leur dignité intacte jusqu’au bout. Une grande solitude dans cette foule de têtes blanches.

Tu avais choisi de poser trois questions à chacun de ceux que tu as interviewés (« Comment vous présenteriez-vous sans dire votre nom ? Que faites-vous ici ? Qu’est-ce qu’une maison de retraite ? »). Comment as-tu défini ces questions?

Quand je suis arrivée, je ne savais pas du tout ce que j’allais faire. Alors, j’ai fait comme les résidents, je me suis assise dans les fauteuils de l’entrée et de l’étage et j’ai observé. Puis j’ai erré dans les couloirs et demandé aux employés si je pouvais les suivre dans leur tâche et j’en ai profité pour leur poser quelques questions sur le fonctionnement de la maison et sur les résidents. C’est comme ça que m’ont été présentées quelques personnalités du lieu, des personnes qu’ils ou elles aimaient bien ou dont ils trouvaient la vie intéressante. Et de fil en aiguille, j’ai eu envie de trouver des questions très simples que je puisse poser à tout le monde, aussi bien les résidents que les employées et les intervenants extérieurs. On m’avait demandé de respecter l’anonymat des personnes, alors je leur ai demandé de se présenter sans qu’ils disent leur nom. Ça n’a pas été facile. C’était souvent plus fort qu’eux. Mais, c’était un exercice intéressant puisque finalement ça les conduisait à parler de leur vie. Et puis, dans ces récits, j’ai posé d’autres questions, bien sûr. Nous avons passé de très beaux moments. Traverser la vie d’une centenaire, c’est un très beau voyage!

2012-05-12-LYNN_POOK-Cleunay-ELECTRONIK-014Ta carte postale sonore est intitulée « En dernier ressort, je regarderai rapetisser le monde. » Comment est venu ce titre?

L’idée m’est venue en voyant le nain de jardin dans le jardin intérieur de la maison de retraite, et aussi bien sûr de l’impression qui me venait de nos échanges, puisque avec le grand âge on devient moins actif, les centres d’intérêts diminuent, la curiosité décroît, je dirais d’autant plus qu’on se retrouve plongé dans ce monde très particulier de la maison de retraite.

Je pense également à l’un de tes projets, basé sur des interviews que tu as faites de personnes qui font du tricot, à qui tu as demandé de tricoter avec du fil de cuivre (le cuivre étant le matériau qui fait passer le son). Leur parler tricot n’était que le prétexte pour les rencontrer, pour les faire parler de leur entourage. As-tu l’impression d’avoir été dans la même recherche avec cette carte postale sonore ? Qu’est-ce qui t’intéresse là-dedans ?

En fait, au début, je m’étais dis que si je ne trouvais pas d’autres idées, je partirais aussi sur le prétexte du tricot, mais cela excluait les hommes. Alors, j’ai bifurqué vers autre chose.

Ces projets viennent pour moi se poser en contre-point de la frénésie de nos vies actuelles et de notre usage outrancier des télécommunications, du voyage et des loisirs souvent aux dépends de la communication directe. Du coup, j’échange avec des personnes qui ont été témoin durant leur vie de cette folle accélération, de l’arrivé massive des véhicules individuels et de tout le reste de l’individualisme provoqué par un accès à tous les biens de consommation et de communication. J’aime entendre se raconter les chemins de vie d’un autre temps, d’un temps où tout allait encore relativement lentement, d’un temps où les liens familiaux étaient moins distendus.

A la différence de la majorité des autres cartes postales sonores réalisées par d’autres artistes pour Métropole Electroni[k], tu as pour ta part choisi de laisser beaucoup de place aux paroles des êtres. Je t’avouerai même qu’au début, après le récit des horaires ritualisés et millimétrés par un résident, les voix du personnel s’entremêlant, j’ai eu peur de ne pas avoir le temps d’entendre ces voix. Qu’elles soient toutes mêlées, simplement traitées comme un matériau sonore indépendamment des mots qu’elles prononçaient. En réalité, c’est tout le contraire et les fils de toutes ces voix ont ensuite tissé des portraits étonnamment justes et souvent très émouvants. Est-ce que tu as été tentée à un moment, d’utiliser leurs mots comme simple matériau sonore ou cette dimension, on va dire «documentaire» était-elle là dès le départ ?

Je voulais absolument garder le côté documentaire et ne pas dénaturer les témoignages, même si j’ai dû faire des coupes énormes. Je savais, qu’avec la densité du montage, il serait parfois difficile de tout comprendre. En ordonnant les bribes de témoignage selon des thématiques, les mots des uns complètent les mots des autres et ainsi, l’auditeur sait de quoi il retourne et il se créé une sorte de narration dans laquelle il dérive jusqu’à la fin, jusqu’à la mort.

2012-05-12-LYNN_POOK-Cleunay-ELECTRONIK-008Pour le personnel de la maison de retraite, ton travail a révélé des êtres. Après la restitution de la carte postale, ceux-ci ont en effet expliqué qu’ils découvraient vraiment ceux dont ils s’occupaient. Que pris par les soins et le temps, ils n’avaient jamais pu se laisser la chance d’entendre ces histoires. Est-ce que tu as l’impression d’avoir entrepris cette carte postale pour ces raisons-là, pour donner un peu de place à des voix qu’on entend peu ?

Oui, sûrement aussi. Les familles et le personnel n’ont plus de temps à consacrer à ces personnes. Alors, ils partent avec leurs histoires, avec leur amour, leurs joies et leur tristesse. Ils se font petits pour ne pas gêner. C’est dur et touchant.

Au milieu de ta carte postale, il y a cette respiration (dans tous les sens du terme) avec l’intervention de ce professeur de tai-chi et de chant diphonique qui travaille sur le souffle. « Ce sont des personnes qui ont tout un vécu, plein de richesses, même si pour eux même c’est un petit peu oublié. De faire des petits sas d’espace, de respiration [c’est important]… La respiration c’est la vie » On connaît ton travail sur l’audio-tactile. Tu t’intéresses aux relations entre l’ouïe et le toucher et tu explores la dimension vibratoire et tactile du son (on pense à Pause, que tu avais justement proposé à Electroni[k] la même année, à Stimuline, A Fleur de peau ou Aptium). Tu cherches à explorer l’espace, la proxémie dans beaucoup de tes travaux. Est-ce que tu as eu l’impression, à l’écoute de ces souffles d’une certaine proximité avec tes travaux sur l’audio-tactile ?

Pour moi, ce que je touche du doigt dans ce travail est la même chose que dans l’audio-tactile. J’invite les gens à ce demander qu’est ce qui est l’essence de la vie, de leur vie. Cela rejoint la problématique de la proxémie bouleversée par l’industrialisation, la mécanisation, la médiatisation.

2012-05-12-LYNN_POOK-Cleunay-ELECTRONIK-009Pour finir, on profite de l’évocation de cette carte postale sonore pour te demander quels sont tes projets en cours et à venir ?

Je cherche actuellement des partenaires pour un nouveau projet audio-tactile baptisé ORGAN et qui devrait explorer un rapport entre le spectateur et les objets bien différents des anciennes pièces. Ce sera à nouveau plus sculptural, mais plus libre dans l’usage et assez ludique.

Je suis aussi en discussion avec le lab de r&d d’Orange à Grenoble pour une collaboration avec leur département qui travaille sur le tactile. Si ça se fait, ce sera une première expérience avec le monde de l’industrie qui devrait me permettre d’être accompagnée par des ingénieurs calés sur la vibration. Ce sera l’occasion pour moi de découvrir de l’intérieur un autre milieu qui m’est très étranger et avec lequel je suis pas mal critique. J’aime nourrir les contradictions et que celles-ci me nourrissent!

Sinon, pour cet été, je prépare avec quelques autres personnes des Rencontres Artistiques et Permacoles dans le petit coin où je vis non loin de Die (26/Drôme) et si ça se confirme, je devrais démarrer une longue résidence de travail in Situ en Drôme provençale dans un village. Un projet qui devrait être fédérateur de liens, de sens et de rencontres.

Et pour finir, j’ai eu quelques petites idées d’installation à partir de certaines des interviews réalisées à la maison de retraite.

Merci.

Merci !!

Photos : Caro – Sauf Pause : Photo copyright Gwendal Le Flem, encore un immense merci à lui.

Un autre immense merci à Lynn Pook également pour sa disponibilité et pour avoir accepté de revenir avec nous sur ce projet vieux de plusieurs années.

« C’est tout ce que j’ai à vous dire… Mais qu’est-ce que vous vouliez vraiment savoir ? »

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► Le site de Lynn Pook

► Une interview vidéo et une autre interview audio tout aussi intéressante et foisonnante pour en savoir un peu plus sur le parcours et le travail de Lynn Pook.

► Le site de l’association Electroni[k]

► Le site de Métropole Electroni[k]

Inauguration du nouveau site Métropole Electroni[k] le mercredi 18 juin avec la restitution de la carte postale sonore de Richard Eigner à l’Hôtel de Ville de Rennes (dans les salons de l’Hôtel de Ville) à partir de 18h30.

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