On avait coché cette date depuis de longues semaines sur nos agendas. L’impatience était encore plus grande après avoir découvert Audiorama, leur deuxième album, quelques jours avant sa sortie. Autant le dire tout de suite, les 13 musiciens d’un soir nous ont offert un set majuscule. Mais si cette soirée a permis de confirmer tout leur talent, elle nous aura aussi permis de faire une jolie découverte (The Whalestoe Attic) et une immense révélation (Dad Rocks!).
Lorsqu’on arrive à l’Antipode, on découvre le joli décor élaboré par Grand-Géant : un toit a pris place à l’entrée de la salle et des tables et des chaises sont disposées sur la terrasse à l’entrée. On se glisse à l’intérieur et on a à peine le temps de jeter un oeil sur la projection d’Onamission (qu’on loupera honteusement…) dans une petite salle attenante, que résonnent déjà les premières notes dans la salle de concert.
Sur le papier, un quatuor à cordes qui joue une musique minimaliste, ça nous laissait circonspect. Ca pourrait même paraître incongru lors d’une soirée aux accents pop-folk-rock. Les premières notes de Nolita ont rapidement dissipé nos quelques doutes. Entre douceur classique et éclairs rock, The Whalestoe Attic dessine les contours d’une musique aux frontières de plusieurs genres musicaux. Les compositions de Morgane Houdemont et James Mc Gaw sont toutes récentes, cette soirée à l’Antipode étant le premier concert du quatuor. Mais on a été bluffé par l’équilibre du set : une belle alternance entre douceur et tension. Des titres au fort potentiel cinématographique, et qui nous embarquent aussi sur des rivages qu’on n’imaginait pas. Lorsque Juliette Divry frotte sèchement et de manière répétitive les cordes de son violoncelle sur certaines intros, on pense instinctivement aux rythmiques rock. Et les trois violonistes accentuent ce sentiment en attaquant nerveusement les cordes de leur instrument. Le dernier titre est surprenant, car il s’appuie sur un jeu en picking de l’ensemble des instruments, soutenu par la présence d’une contrebasse. Pas de défection dans le public, preuve s’il en est du pouvoir d’attraction de ce projet singulier. Une parfaite introduction pour cette Carte Blanche qui s’annonce somptueuse.
Pas de temps mort puisque Snaevar Albertsson aka Dad Rocks! débarque peu de temps après sur scène, guitare en bandoulière et sourire timide sur les lèvres. Et on n’imagine pas à cet instant assister à l’un des plus beaux concerts de ces derniers mois. Le garçon a tout : un jeu de guitare virtuose, une voix renversante quelle que soit la tonalité, un humour irrésistible et des compositions sévèrement addictives. Mais ce qui nous touche avant tout, c’est ce charisme et ce naturel délicieusement désarmant qui donnent la sensation d’être dans une petite salle de concert. Le set marie avec bonheur les titres de ses deux magnifiques albums, Mount Modern (2011) et Year of the Flesh (qui vient de sortir sur l’excellent label Les Disques Normal) : on pouvait craindre la transposition en solo, de peur de perdre les somptueux arrangements léchés, à base de cordes, de cuivres et de claviers.
Mais Snaevar est doué, très doué : il réussit à restituer l’essence des compositions à l’aide de sa seule six cordes. Des ritournelles pop imparables (Peers, Weapons) au tubesque Funemployment, en passant par l’émouvant Managed, tout l’univers de Dad Rocks! est là. On a adoré Downaging et ce pont acoustique, pendant lequel Snaevar coupe le signal de sa guitare pour chanter quasiment a capella : le silence du public dans la salle de l’Antipode nous donne encore des frissons… Et puis il y a Pants, morceau d’une étonnante simplicité mais qui vous prend aux tripes, avec un refrain qui vous poursuit pendant plusieurs jours. On n’a pas résisté longtemps : on est retourné voir Dad Rocks! au Oan’s le lendemain soir pour un double set intimiste. On attend juste de pouvoir le revoir.
Puis vient le tour de Mermonte. Rarement on aura attendu un concert avec autant d’excitation. Et la dérouillée monumentale qui va suivre est proportionnelle à l’attente. Il faut dire que tous les éléments étaient réunis pour assister à un concert d’exception :
Il y a tout d’abord ce nouvel album, Audiorama, que nous avons pu écouter quelques jours avant le concert. Le premier album de Mermonte frisait déjà la perfection, Audiorama se conjugue au plus que parfait : on a pu enfin acheter l’album lors de la soirée, et il n’a pas quitté notre platine depuis. Leur pop orchestrale solaire fait d’astucieux détours vers d’autres styles musicaux : cet album est un écrin remarquable, qui renferme autant de pépites que de titres. Des arrangements somptueux, des compositions qui fourmillent d’idées, une palette instrumentale élargie, avec, entre autres, la présence de cuivres (on notera la présence exceptionnelle de Mériadec à la trompette), et des choeurs toujours aussi réjouissants. Et le tracklisting de l’album est un modèle du genre, parfaitement équilibré : un soin particulier a été apporté aux transitions entre les titres, ce qui donne au final un album au sens propre du terme. Une histoire que l’on écoute d’une traite et que l’on réécoute avec jubilation.
Il y a aussi la nouvelle disposition scénique : la section rythmique est maintenant installée à gauche, libérant l’espace central de la scène. Les musiciens nous confiaient avoir modifié cette organisation pour des raisons acoustiques. Une disposition qui permet d’admirer le ballet permanent des multi-instrumentistes épatants qui jonglent d’un instrument à l’autre. Une disposition qui a aussi le mérite de positionner Ghislain au centre de la scène, tel un chef d’orchestre qui semble prendre plaisir à échanger avec le public.
La composition du set est parfaitement équilibrée, alternant les titres des deux albums avec une belle cohérence. La doublette d’ouverture Jérome Bessout / Karel Fracapane est redoutable sur album et l’est tout autant sur scène. L’enchainement de titres du premier album au milieu du set nous a collé des frissons, sans oublier les dantesques Cécile Arendarsky et Cédric Achenza. Un set définitivement pêchu : une rythmique nerveuse, des guitares incisives, un duo de cordes puissant, des choeurs enlevés, bref ça explose de partout et ça fait un bien fou.
Les guests d’un soir ont aussi permis de parfaire ce set : Gaëlle à la flûte traversière et aux percussions, Mériadec aux percussions et à la trompette (pour un David Le Merle monstrueux), et bien entendu le feu d’artifice final sur Romain Paumard : on a compté 8 batteurs supplémentaires (!), disposés sur les deux côtés de la salle (on a reconnu de loin Jérome Bessout, Pierre Marolleau et Bertrand James, merci de nous aider à compléter…), avec la présence rafraichissante du jeune Antoine, aperçu il y a un an au Jardin Moderne avec Mermonte. Et que dire de la présence de Snaevar sur une reprise de Dad Rocks! et sur le splendide Fanny Giroud… Les musiciens de Mermonte ont réussi à truffer leur concert d’une multitude de petites surprises enthousiasmantes, pour les oreilles mais aussi pour les yeux (splendide décor fait de sapins et de spirales lumineuses, astucieuse reprise de l’artwork d’Audiorama). Une petite sélection musicale bien sentie de Florian Jamelot aka DJ Mha (accompagné de Bertrand James) nous permet de finir la soirée en beauté.
Les talentueux Ghislain Fracapane, Astrid Radigue, Pierre Marais, Julien Lemonnier, Mathieu Fisson, Matthieu Noblet, Eric Hardy, Eléonore James, Régis Rollant, Morgane Houdemont et Juliette Divry forment un groupe exceptionnel. Avec leurs guests et leurs invités, ils nous ont offert une Carte Blanche toute aussi exceptionnelle. Mille fois merci.
Si vous n’avez pu vous rendre à l’Antipode ce vendredi 16 mai, sachez que vous pourrez retrouver Mermonte le 21 juin sur la terrasse du Oan’s Pub (avec Totorro, Bumpkin Island, Fago Sepia, Mha, Furie et Lady Jane, excusez du peu…).
Pour patienter, l’indispensable Audiorama sortira le 27 mai sur Clapping Music. Et dans quelques jours, une interview de Mermonte sur Alter1fo.
Photos : Solène
C’est toi le feu d’artifice!
Merci pour l’article, ça donne vraiment envie d’y être.
Peut-être qu’un jour je les verrai enfin sur scène…