Maintenant 2018 – Focus #3 : voyager, écouter, danser et oreiller.

Maintenant 2018 © Plasticbionic

En mai dernier, la facétieuse équipe d’Electroni[k] a dévoilé l’identité visuelle de la nouvelle édition du festival Maintenant, réalisée par le studio graphique nantais composé des directeurs artistiques, illustrateurs et designers graphiques Julien Brisson et Blow by blow, Plasticbionic. Quand on y a découvert les rondes créatures aux visages aussi paisibles qu’intrigants et l’univers doux rêveur que la petite troupe dessinait en mines réjouies rehaussées d’ombres subtiles, on a de nouveau senti nos échines frissonner d’impatience à l’attente de cette dix-huitième édition qui aura lieu du 5 au 14 octobre prochain.

Un peu tôt pour s’en émouvoir puisque ce n’est pas maintenant Maintenant (ça se rapproche cela dit) ? Que nenni : les créatures oniriques de Plasticbionic nous le laissent présager : le festival devrait cette année encore nous promettre moult culbutes dans les airs tout en nous ouvrant les mondes des réalités augmentées. Désormais les premiers noms de la programmation sont dévoilés. On a d’ores et déjà nos coups de cœur, mais on aime également se laisser surprendre par les découvertes. On vous propose donc une poignée de focus sur quelques artistes de la programmation, histoire de vous donner l’eau à la bouche autant qu’à nous. Cette semaine, donc, cap sur des oreillers géants, un orgue à manivelle passé à la moulinette Midi, un orchestre mi-humain mi-mini-robots et une killeuse de dancefloor.

Maintenant, c’est quoi ?

L’association Electroni[k] propose différentes manifestations à Rennes, notamment pendant le temps fort Cultures Electroni[k], renommé Maintenant depuis 2013 (à ce propos, lire ici) , autour des arts, de la musique et des technologies au travers de spectacles ou installations variés et souvent atypiques, mais toujours d’une réelle qualité artistique. Cette année Maintenant aura lieu du 5 au 14 octobre 2018.

Au fil des années, l’association Electroni[k] a ainsi complètement réussi à nous alpaguer avec ces propositions éclectiques, souvent décalées, à l’incongruité jouissive. A cause de cette bourricote d’équipe, on a dormi dans un dojo plein d’inconnus et écouté un concert en pyjama, on a entendu des légumes faire de la musique (mais on n’a pas mangé la soupe, faut pas exagérer!), on s’est caillé les miches dans la piscine St Georges pour une diffusion subaquatique qui nous a fait frissonner au sens propre et figuré, on a écouté un quatuor à vents en forme de cornes de brume. On a aussi regardé une tapisserie devenir vivante, fait des bulles en forme de montgolfières, et même allumé un nuage sur la place Hoche : bref, on a fait un paquet de trucs qu’on n’aurait jamais imaginé vivre.

En plus des offres plus classiques, Electroni[k] s’attache ainsi à constamment expérimenter de nouvelles formes d’accueil et d’interaction avec le public : des lieux apparemment incongrus (une piscine, un dojo, une maison de retraite…), des formats étonnants (des concerts sous l’eau, des installations qui s’écoutent sur des lits suspendus, des performances qui se découvrent au cœur de dispositifs sonores englobants ou de visuels hallucinants, des concerts au casque…). Et surtout, une volonté de s’adresser à tous les publics. Alors oui, chaque année, on attend octobre comme Noël avant l’heure, persuadés que l’équipe d’Electroni[k] aura caché mille surprises dans sa programmation.

Physical Mind par Teun Vonk

Teun Vonk est un photographe et vidéaste néerlandais qui va vous donner envie de vous allonger. Son installation, Physical Mind, proposée pendant le festival à l’Opéra de Rennes est en effet composée d’un premier énorme coussin gonflable lumineux sur lequel, une fois vos chaussures enlevées, vous pourrez vous glisser. Le coussin sera alors gonflé, et vous sentirez la masse d’air progressivement vous soutenir dans les airs. Mais l’expérience ne s’arrêtera pas là puisqu’en même temps, un autre coussin lumineux identique sera gonflé au-dessus de votre corps allongé, venant progressivement et doucement le presser contre le coussin inférieur. Vous vous retrouverez ainsi immergé dans un sandwich aérien, fait d’air et de lumière, doucement compressé et amené à prendre conscience de votre corps.

Physical Mind – Teun Vonk/Studio Tony Spark.

Réunir à nouveau le corps et l’esprit, amener le spectateur/acteur à se connecter à nouveau avec son enveloppe et son entité charnelles : tels semblent en effet être les objectifs de l’artiste néerlandais, à la croisée des sciences, du design et des arts plastiques. Lors d’une résidence à Shangaï au Chronus Art Center, Teun Vonk s’est en effet rendu compte que lorsqu’une personne subit du stress, l’application d’une pression profonde sur tout le corps lui permet de se calmer. Et que bien loin de nous pousser à une perception sensorielle plus profonde, le stress conduit notre esprit à ne sérier que les perceptions nécessaires à la stratégie retenue (lutter ou fuir…). Teun Vonk s’est donc ingénié à inventer un objet en même temps œuvre d’art et générateur de bien être, qui amène tout autant le participant à se calmer, qu’à prendre pleinement conscience de son corps, à retrouver la pleine perception de toutes ses sensations. La structure gonflée vous soutient en effet autant qu’elle vous étreint. On est donc sacrément curieux de l’essayer, d’autant que ce n’est pas si fréquent qu’on nous propose de nous lover dans des oreillers en pleine journée.

En savoir plus sur Physical Mind pendant Maintenant.

Expériences, le concept

Dans la foisonnante programmation du festival Maintenant vient se nicher chaque année une toujours passionnante série de propositions particulièrement singulières. La série Expérience consacrée à la découverte de formes expérimentales aussi inattendues qu’inouïes nous emmène dans de délicieuses explorations de territoires sonores atypiques, parfois déconcertants, mais toujours excitants pour les oreilles et le cerveau. Particulièrement friand des étonnants dialogues qui se nouent entre un lieu bien souvent atypique (du musée des Beaux Arts au marché des Lices, du kiosque du Thabor au Temple Protestant et on en passe) et la performance musicale et visuelle qui s’y donne à voir et entendre, on coche chaque année le programme des Expériences d’une croix rouge pour n’en manquer aucune.

Saudaá Group

Parmi elles, on découvrira avec une grande curiosité le Saudaà Group (qui sera également présent lors d’un brunch électronique) le samedi 6 octobre autour du kiosque du Thabor à 16h. Si Maintenant aime bien nous plonger dans le futur (notamment avec ses conférences et workshop pour le programme Demain à découvrir pendant tout le festival), Alexis Paul se propose de transformer une forme venue du passé (l’orgue de barbarie) en instrument actuel doté du langage MIDI. Instrument à vent (rappelez vous, Maintenant se consacre cette année à l’air), portatif, l’orgue de barbarie classique utilise une carte perforée pour produire du son (ce qui en fait finalement l’un des premiers systèmes de reproduction de la musique « enregistrée » !), évacuant dès lors la question de la virtuosité du musicien puisque tout le monde peut en tourner la manivelle et faire défiler la carte perforée.

Saudaá Group © Andro Eradze

Alexis Paul l’a néanmoins transformé : « Depuis l’arrivée du système MIDI, des interfaces ont été développées pour remplacer la carte perforée par un fichier informatique. Ce dernier système permet d’agir sur l’orgue en direct à partir de n’importe quel contrôleur électronique et de composer sans avoir recours à la perforation, longue et coûteuse, des cartons. » Son orgue est ainsi un instrument hybride, composé de 42 flûtes en bois actionnées au choix par des cartons perforés de 29 notes ou par le pilotage MIDI (autorisant 42 notes). Mais plutôt que de moderniser l’instrument seulement par la technique (l’utilisation du système Midi), Alexis Paul revisite également son répertoire (une musique plus minimaliste faite de nappes sonores, de drones, à laquelle il se permet d’ajouter d’autres sources éléctro-acoustiques) et ses dimensions symboliques.

En 2016, sous le nom de Saudaá Group (autrement dit, lui et son orgue) il est ainsi parti faire le tour du monde, amenant son orgue, par nature voyageur (apparu au 18ème siècle et joué habituellement par des colporteurs, des nomades, l’orgue de barbarie est également associé à la culture populaire européenne, puisque utilisé pour faire voyager la musique de cour, les pièces pour orchestre en version réduite et les amener jusqu’aux gens du peuple), dans des cultures qui ne le connaissaient pas. L’itinérance est ainsi revisitée hors des frontières européennes qui ont vu jusque là l’orgue se mouvoir : Maroc, Arménie, Uruguay, Japon, Argentine, Géorgie, Islande, Mongolie, Grèce ou Liban ont alors été traversés par le musicien nomade et passeur qui s’est chaque fois associé à des musiciens locaux. En sont d’ailleurs issues 10 cartes postales sonores pour France Musique à écouter ici. Alors certes, le kiosque du Thabor est un tantinet moins exotique. Mais Alexis Paul a toute notre confiance pour y délivrer un moment aussi suspendu que poétique, et très certainement voilé de cette saudade qui lui est chère.

En savoir plus sur l’Expérience 2.

En savoir plus sur le Brunch Électronique 1.

Joasihno

Question impatience, c’est déjà tout emballés que nous attendons la ou plutôt les performances du duo allemand Joasihno, issu de la sélection SHAPE de cette année. Ce qu’on a pu voir et entendre (ils ont déjà sorti trois albums et une poignée de eps depuis 2009) du duo composé de Cico Beck (les fans de Notwist le re-situeront facilement dans leur galaxie) et Nico Sierig nous met d’ores et déjà en appétit. Car la musique des Allemands se donne quasi autant à voir qu’à entendre. Imaginez un peu un instrumentarium incongru mêlant instruments acoustiques (comme des xylophones ou des métallophones) -mais parfois passés par des pédales d’effets qui en distordent les sons-, synthétiseurs analogiques, percussions traditionnelles (cymbale de batterie et maracas) à d’autres plus improbables (cubes et bols en métal heurtés par une masse au bout d’un fil suspendu). Mais figurez-vous surtout cet assemblage hétéroclite joué à la fois par deux musiciens en chair et en os, et par de petits robots musiciens qui s’animent et jouent dans le temps et le ton. Le tout devient alors assez fascinant.

Mais le plus chouette, c’est que la musique produite est d’une accessibilité déconcertante, en même temps exigeante et ludique. Entre electronica et dancefloor hédoniste, entre répétition kraut et ritournelle pop, alliant rythmiques minimalistes et/ou en contrepoint à la Steve Reich/Moondog, la musique des Munichois file autant le sourire que de délicieuses fourmis dans les jambes.  Pour Maintenant, Joasihno présentera deux performances : un concert au Temple Protestant le mercredi 10 octobre (pour l’Expérience 3) puis une version miniature et mobile de leur set-up, Joasihno Mobile Disko qui prendra place le jeudi 11 octobre (Expérience 4) dans le cloître de la fac de Sciences Eco. On gage que la musique des deux joyeux drilles prendra des résonances encore différentes dans les deux espaces (entre apesanteur aérienne et beat envoûtant) et on a bien hâte de les découvrir.

En savoir plus sur l’Expérience 3.

En savoir plus sur l’Expérience 4.

Ambiance électronique : le dancefloor du vieux St Étienne

Tous les soirs (ou quasi), entre 20h et 00h, le théâtre du Vieux St Étienne toujours quartier général du Festival se transformera en dancefloor pour profiter de l’apéro et des premières heures de la nuit dans une ambiance chaleureuse (voire festive) avec pour objectif la mise en avant d’artistes et de collectifs rennais (pour la plupart) mais pas que, qui font bouger la scène électronique. Aux platines, chaque soir, se relaieront ainsi plusieurs producteurs et djs. Le vendredi 12 octobre, c’est le collectif Les Disques Anonymes (qui ne le sont plus vraiment !) qui sera mis sous le feu des spotlights. Et à raison tant la joyeuse bande d’olibrius (également responsables des indispensables festival Visions et Treize qui nous épatent à chaque fois par leur programmation) font vibrer avec passion la Bretagne du Finistère jusqu’à Rennes.

Jasss

Ce soir là, on retrouvera également la productrice espagnole Silvia Jimenez Alvarez, aka JASSS pour un set qu’on pressent aussi jusque-boutiste que dense. Après des premières expériences de la composition pour des films expérimentaux et trois eps tournés vers le dancefloor et l’efficacité de l’EBM, Silvia Jimenez Alvarez s’est en effet autorisé la composition d’un long format exigeant et personnel.

JASSS © Mai Nestor

Également issue de la sélection SHAPE 2018, la musicienne a sorti en 2017 un premier album ambitieux sur le label suédois Ideal Recordings de Joachim Nordwall, Weightless, hybride hypnotique entre musique plutôt expérimentale et dancefloor halluciné, aux sombres relents EBM, mais particulièrement surprenant dans la palette des couleurs et des textures qu’il entremêle (sonorités industrielles et orientales sur Danza, basses granuleuses ou tribales, jazz hanté et sonorités  sur Cotton For Lunch pour exemples). La jeune dj, exilée à Berlin, s’est fait remarquer tout autant pour ses mixes intrépides et sans compromis qui naviguent entre EBM, techno et électro que pour la production de ce long format hors norme et on est particulièrement curieux d’entendre les sons irrésistiblement vicieux qu’elle nous glissera dans les orteils et les oreilles.

En savoir plus sur l’Ambiance Électronique 4 – Les Disques Anonymes


En 2018, Maintenant aura lieu du 5 au 14 octobre à Rennes.

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