Dans la foisonnante programmation du festival Maintenant, vient se nicher un quintet de propositions particulièrement singulières.
La série Expérience consacrée «à la découverte de formes expérimentales et vitrine des avant-gardes» vous emmènera dans de délicieuses explorations de territoires sonores atypiques, parfois déconcertants, mais toujours excitants pour les oreilles et le cerveau.
Parmi elles, on retiendra notamment Expérience 1 en quasi ouverture du festival qui verra le retour du passionnant Herman Kolgen. Au Tambour, le mardi 14 octobre. Présentation.
Herman Kolgen, artiste phare d’Electroni[k] en 2010
Lors de la 10ème édition de Cultures Electroni[k] (l’ancien nom de Maintenant), l’artiste canadien Herman Kolgen avait été invité à présenter trois propositions bien souvent époustouflantes au public rennais. Peu connu du grand public, Herman Kolgen est pourtant parmi les artistes les plus respectés de la sphère artistique. Présent à la biennale de Venise, notamment, durant la collaboration Skoltz_Kolgen (mais également au Club Transmediale à Berlin, à Ars Electronica en Autriche ou à Mutek au Canada par exemple), l’artiste québécois est plébiscité à travers le monde pour ses créations multimédias. Son travail se base essentiellement sur la relation intime qu’entretiennent image et son.
Herman Kolgen avait ainsi proposé une œuvre vidéo pour accompagner Different Trains de Steve Reich (Herman Kolgen cite d’ailleurs le musicien américain comme l’une des influences de son travail) interprété par l’Orchestre De Bretagne au Diapason pour une première Nuit Américaine en 2010. En trois mouvements, comme la pièce de Steve Reich, la projection mêlait dans des tons plus ou moins bleutés, grisés, images urbaines, gouttes de pluie glissant sur les fenêtres, caténaires, quais de gare, wagons plus ou moins volants dans les airs et cendres telles des flocons en suspens évoquant les chambres à gaz (le propos, notamment, de Different Trains)… Le visage collé à la vitre du train, le paysage défilait, l’architecture métallique américaine d’avant guerre, les plaines et l’urbanisation graphique se découpaient dans le ciel, tout se déroulant et se répétant, comme un sillon rebouclé, creusé, modifié, tour après tour (voir le compte rendu ici).
De la même manière, nous étions restés fascinés par Inject, performance multimédia en diffusion subaquatique, que nous avions découvert immergés dans la piscine Saint-Georges pendant qu’au dessus de nos têtes, l’immersion d’un corps humain dans une citerne pleine d’eau subissant moult transformations neuro-sensorielles se donnait à voir sur un écran géant en images aussi sublimes que troublantes (voir le compte-rendu là).
Durant cette résidence en 2010 à Cultures Electroni[k], Herman Kolgen avait aussi créé une carte postale sonore de la gare de Rennes dans le cadre du projet Métropole Electroni[k] (des infos ici). Présentée au public en pleine nuit, à 2h du matin, dans le grand escalier de l’entrée nord de la gare SNCF (le bâtiment était alors fermé au public et seulement accessible aux spectateurs de Cultures Electroni[k]), cette carte postale sonore venait clore une résidence riche et passionnante de fort belle manière (écouter la carte postale sonore là).
Retour gagnant d’Herman Kolgen en 2 propositions pour Expérience 1
Seismik
Pour cette nouvelle édition du festival Herman Kolgen revient entre autres pour présenter une de ses nouvelles créations audio-visuelle, le fascinant Seismik. Tout comme dans Inject (et finalement aussi Eotone, dont on vous reparle rapidement), l’idée est d’explorer les relations entre le territoire et l’humain, autrement dit explorer l’influence du territoire sur nos sensations aussi bien physiques qu’émotionnelles ou cérébrales, en connectant à nouveau le public avec son environnement au sens global du terme.
Mais ce n’est plus l’eau (Inject) ou le vent (Eotone) dont Herman Kolgen se sert dans Seismik : il s’agit cette fois de s’inspirer des mouvements sismiques de la terre, des glissements de la croûte terrestre, des ondes générées par les champs électromagnétiques qui nous entourent, des grondements et des frictions de la matière.
En résultent friction des images, dislocations sonores et visuelles, sonorités abstraites et courbes sismographiques striant écrans sombres ou paysages terrestres. La performance se trouve d’autant plus bouleversée par les forces terrestres qu’en temps réel, Herman Kolgen y intègre de manière aléatoire des informations géologiques venues du monde entier.
En tentant de rendre l’invisible (les données sismiques récoltées dans le monde) visible en incarnant les mouvements de la croûte terrestre par le biais de l’image et du son, Herman Kolgen poursuit le même chemin que celui développé dans Inject (rendre sensible les transformations neuro-sensorielles d’un volontaire plongé dans une cuve remplie d’eau de manière poétique).
Il y joue d’ailleurs peut-être même avec la même tension, les mouvements terrestres créant un paysage visuel et sonore trouble et disloqué, raisonnant des mêmes tensions émotionnelles.
On a en tout cas véritablement hâte de se laisser immerger à nouveau dans l’univers du Canadien, même si cette fois, ce n’est pas dans une piscine. Quitte à se faire secouer par la matière sonore et visuelle du Canadien.
Link.C
On est d’autant plus ravi du retour d’Herman Kolgen, qu’en plus de Seismik, l’artiste viendra également présenter Link.C. Relecture visuelle urbaine du quatuor à cordes numéro 2 composé par Philip Glass et interprété ce mardi 14 octobre par le quatuor Icare, Link.C a été initié par Charles Guivarch de l’opéra de Bordeaux.
Si l’on en croit Herman Kolgen, il a immédiatement été touché par cette courte pièce en quatre mouvements de l’essentiel compositeur américain : « Dès les premières notes, j’ai été investi par la grande sensibilité de cette musique et j’ai créé une imagerie qui tisse les traces de notre mémoire en filigrane comme autant de liaisons invisibles. Des articulations temporelles où nos liens marquent le temps » .
Réfléchissant à la notion d’urbanité et à ses effets kaléidoscopiques (voire paradoxaux) alliant en même temps isolement, socialisation et connexions, Herman Kolgen a souhaité réaliser une œuvre rendant sensible notre identité fragmentée dans l’espace urbain. Il donne donc à voir une représentation mouvante et parcellaire de nos agglomérations, tissée de liens et de connexions rendant parfois plus complexe encore la densité urbaine sur des images de gratte-ciels et hautes tours vitrées.
On avait pour notre part tellement apprécié sa relecture visuelle de Different Trains de Steve Reich (qui parlait tout autant aux yeux qu’au ventre) qu’on attend avec impatience de découvrir ses images accompagnant les méandres minimalistes de Philip Glass. Une autre manière d’être secoués, en quelque sorte.
Pour commencer…
A noter: en première partie de cette soirée Expérience 1, Richard Louvet et Matthieu Chevallier nous feront partager l’expérience d’étudiants de Rennes 2 ayant participé à un atelier de pratiques artistiques proposé par Electroni[k] à travers la projection des clips vidéo réalisés par les étudiants (durant l’année universitaire 2013/2014).
Retrouvez tous nos articles sur Maintenant là.
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Maintenant présente Expérience 1 avec Herman Kolgen et le quatuor Icare pour Seismik et Link.C au Tambour (Université Rennes 2, Place du Recteur Henri Le Moal – Rennes) le mardi 14 octobre à 21h.
Tarifs : 5 euros / tarif réduit : 3 euros / Sortir ! : 2 euros.
Le site d’Herman Kolgen : http://www.kolgen.net/nuevo
Le site de Maintenant : http://www.maintenant-festival.fr/
Le festival Maintenant aura lieu à Rennes du 14 au 19 octobre 2014.