Dans le cadre du festival Maintenant, l’association Electroni[k] proposait de retrouver l’artiste multi-instrumentiste Colleen pour un concert sur le temps de midi aux Champs Libres ce mercredi 16 octobre. Retour sur une prestation entre fragilité et grâce.
Après une longue pause (l’essentiel Les Ondes Silencieuses sur Leaf datait de 2007) Colleen est revenue cette année se rappeler à nos oreilles avec un quatrième album, The Weighing of the Heart. Programmée ce mercredi midi dans la salle de conférences des Champs Libres dans le cadre du Festival Maintenant, la jeune femme pénètre sur scène devant une salle comble mêlant ensemble le public habitué des pauses méridiennes des Champs Libres et les festivaliers de Maintenant.
Seule sur scène, vêtue d’un long t-shirt ample, d’un short et de collants opaques, la jeune femme est déchaussée pour pouvoir plus aisément jouer de ses pédales. Multi-instrumentiste, Cécile Schott refuse d’utiliser des éléments pré-enregistrés en concert, préfère auto-sampler ses instruments en live et retravailler leur son en direct. A l’aide de pédales de boucles, donc et de pédales d’effets (reverb, delay…).
Elle entame son set avec un Ursa Major Find qui impose immédiatement un silence recueilli à toute la salle. A capella, elle enregistre une première voix aérienne, puis une seconde et enfin une troisième plus grave. Toutes se mêlent en un chœur gracile et fragile. Puis la jeune femme se saisit d’une guitare classique et égrène quelques arpèges aériens qu’elle boucle progressivement avec une « petite viole de gambe » explique-t-elle à une petit miss qui pose la question à la fin du morceau (elle précisera plus tard « un dessus de viole »).
Joué en arpèges, le dessus de viole apporte des sonorités différentes, relativement proches de la harpe pour les notes les plus aiguës, avec davantage de grain sur les notes les plus basses. On apprécie ce timbre différent et peu usité dans les arrangements habituels. D’autant que la jeune femme mêle étonnamment sonorités parfois baroques (est-ce le timbre de la viole de gambe ?), influences africaines par moments (on pense souvent au jeu de kora malienne), comptines électroniques et désormais voix aériennes.
Avant d’entamer le troisième morceau, la jeune femme surprise, avoue qu’elle n’a pas l’habitude de jouer si tôt dans la journée et est ravie de voir autant de monde dans la salle. « Moi-même, à 12h30, je ne sais pas si je me serais déplacée. Donc, merci, vraiment, d’avoir fait le déplacement. » Et se réjouit : « ça valait le coup de se lever ce matin » . Elle enchaîne alors une cover de la chanson chantée par la petite fille dans La Nuit du Chasseur de Charles Laughton avec Robert Mitchum. Elle nous en propose une version ré-arrangée avec tambourin et viole de gambe jouée cette fois-ci avec un archet, ou même avec un doigt qui frotte les cordes en descendant le manche le long des frettes pour un rendu métallique plus inquiétant.
Sur le morceau suivant, la jeune femme pose une petite boîte à musique sur le corps de sa guitare pour qu’elle serve de caisse de résonance et fasse entendre la mélodie actionnée par le moulinet en mouvement. Entre 2004 et 2006, la jeune femme avait en effet travaillé pour un atelier de création radiophonique sur France Culture autour des boîtes à musique et en avait tiré un long ep de 14 titres, Colleen et les boîtes à musique (sur Leaf, quand même !). Sur la scène des Champs Libres, elle boucle alors ensemble arpèges à la guitare classique et mélodies de la boîte à musique. On est quand même un peu ébahi, tant il nous semble peu évident rythmiquement de boucler les deux ensemble avec un moulinet retors…
On est un moment tenté de se dire qu’on préfère les pièces totalement instrumentales de la jeune femme qui nous semblent plus complexes en termes de structures et de travail sur les sonorités, qu’il s’agisse de la variété des timbres ou de mélodies différentes qui s’entremêlent.
Mais finalement, même lorsqu’elle chante, la musicienne semble penser sa musique en termes de peinture en s’intéressant à la couleur, à la texture, ou même en termes de textiles (sorte de tissage de mélodies entre elles, fabrication de motifs qui se répètent) se servant de sa voix comme d’un nouvel instrument.
Ainsi, malgré une configuration et une instrumentation relativement minimaliste (sur le morceau suivant elle jouera également d’un tom de batterie à la mailloche) qui soulignent la fragilité des doux méandres de ses compositions, la musicienne présente des pièces complexes, savamment tissées.
Elle poursuit avec The Weighing of the Heart où le dessus de viole en arpèges ne nous semble pas bouclé mais simplement accompagné par une voix habillée de reverb. Le jeu à la fois sautillant et rythmique sur les arpèges de viole évoque une nouvelle fois des influences africaines. On se souvient d’ailleurs qu’à l’écoute de ce morceau sur disque (c’est le morceau qui donne le titre au dernier album de la jeune femme), on avait été frappé par cette alliance entre sonorités africaines et musique minimaliste contemporaine (on a pensé à Steve Reich pour ces boucles répétitives de cordes). Le dernier morceau (qu’on pourra retrouver sur son prochain album qui sortira l’an prochain), avec son pizzicato joué sur la viole, nous rappelle également les morceaux live d’Owen Palett, jusqu’à ce qu’il se poursuive en notes cristallines jouées derrière le chevalet qui sonnent comme les touches les plus aiguës d’un piano, telle une farandole sautillante et aérienne.
Applaudie, Colleen offre alors un dernier morceau en rappel. Comme une bonne partie de la salle qui repart travailler, on doit malheureusement s’éclipser avant la fin, mais néanmoins ravi de cette pause entre fragilité et grâce.
Photos : Caro
Retrouvez notre dossier spécial Maintenant 2013
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L’association Electroni[k] présente Maintenant du 15 au 20 octobre.
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