Lucie Louâpre : la nouvelle voix de l’info locale sur Canal B

Il y a bien une chose que l’on déteste, en plus de notre haine du capitalisme et des endives au jambon, c’est celle d’arriver en retard. Ce jeudi soir, alors que notre bus n’avance plus, bloqué dans les embouteillages d’un centre-ville congestionné, on rumine sévère en voyant les minutes défilées.
La vibration de notre portable nous sort de notre torpeur. « 
Je suis en avance, je vous attends à la terrasse du bateau ivre » peut-on lire. Le SMS vient de notre rendez-vous. Il faut agir… et vite. Tant pis pour les probables suées à venir mais on décide de terminer notre trajet à pied pour rejoindre la journaliste Lucie Louâpre.
Nous lui avons proposé cette rencontre pour évoquer son année passée à l’antenne de Canal B. En charge de l’information locale, elle a eu la lourde tâche de succéder au journaliste Ronan Le Mouhaër parti vers d’autres aventures… Portrait « On Air » et en terrasse.

Lucie Louâpre est une jeune journaliste, « débutante » comme elle le dit malicieusement. Pourtant, elle n’a pas hésité à reprendre la tranche d’informations locales sur la « radio la plus rock à l’Ouest de l’Oural ». Depuis septembre 20181, elle anime l’émission l’Arène+d1fos. 30 minutes de reportages, d’interviews et de chroniques au plus près de l’actualité rennaise. Étonnamment, rien dans son parcours ne la prédestinait à parler dans un micro, un casque vissé sur la tête et les mains posées sur la console de mixage. Bien au contraire… « Je voulais être enseignante » nous avoue-t-elle en retirant sa première Lucky Strike du paquet déjà posé sur la table.

Déçue par sa première année en classe prépa, Lucie Louâpre intègre l’IUT de Lannion pour suivre la formation de journalisme, une des rares à être reconnue par la Commission paritaire nationale de l’emploi des journalistes. Au cours de son cursus, elle va frapper pour la première fois à la porte de Canal B afin d’y effectuer un stage de deux mois.  Ronan Le Mouhaër est au commande de la Matinale et l’accompagne. C’est le début d’une riche collaboration entre les deux. Son diplôme en poche, elle profite d’une année de césure pour partir loin de son village natal, près de Vitré. Direction l’Indonésie. Elle y exerce la fonction de professeure volontaire de Français auprès de collégien·ne·s et lycée·ne·s. « Pendant cette année, j’ai su ce que je voulais vraiment faire : enseigner. A mon retour, j’ai donc suivi une licence 3 en communication à Rennes puis un master « métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation ». Mais au moment de passer le concours, je ne me sentais pas prête à affronter une classe entière… »

Retour à la case départ. Elle alterne alors entre un service civique (toujours à Canal B), des contrats plus ou moins longs dans la presse hebdomadaire. Pour ne pas faire mentir la maxime de Montaigne, « les voyages forment la jeunesse », elle en profite également pour découvrir le monde… On devrait peut-être en toucher un mot à Emmanuel Macron et à Gabriel Attal  qui ne jurent plus que par leur Service National Universel pour former les jeunes+d1fos.

Et puis arrive l’été 2018. Ronan Le Mouhaër ne renouvelle pas son contrat. Pour lui, Canal B rime avec terminé. « Nous sommes toujours resté·e·s en contact. Ronan m’a annoncé son envie de quitter la radio et, par conséquence, qu’une place se libérait. » Lucie Louâpre postule et convainc la direction qui lui renouvelle sa confiance. La nouvelle voix de l’info, ce sera elle !  Mine de rien, la station se féminise de plus en plus. « Je pense que le fait de connaître déjà l’équipe a joué en ma faveur puisqu’en étant déjà formée, j’étais opérationnelle rapidement » reconnait-elle. On se rappelle effectivement de ses chouettes reportages diffusés dans la matinale ou la midinale, notamment celui de l’EPHAD de Vitré un soir d’élection présidentielle.  « Après tout s’est enchainé… C’était comme se retrouver devant une page blanche. Même si plusieurs pistes s’étaient dessinées au fil des entretiens, tout était à construire » se remémore Lucie.

 

« Ma première émission a eu lieu en septembre mais le fantôme de Ronan plane encore dans les couloirs de la radio (rires) » s’amuse-t-elle. Pour imposer sa marque de fabrique, Lucie innove et propose trois temps forts dispatchés sur la journée à 10 h, 12 h et 15 h (NDLR : rediffusion complète à 17h et 08h30) du lundi au vendredi. Au programme, une interview, un reportage et une chronique. « Le format court de la chronique permet d’associer des bénévoles au projet de la radio. Il y en a plus de 70 au total. Certain·e·s n’avaient pas forcément fait de radio auparavant mais étaient curieu·x·ses de découvrir l’exercice. En cours d’année, la CIMADE est également intervenue pour nous raconter la vie à l’intérieur des centres de rétention… »

L’année écoulée fut riche : nationalement d’abord, avec le mouvement des Gilets jaunes, les violences policières, les élections européennes et localement ensuite avec ces municipales qui alimentent déjà les conversations du microcosme rennais (NDLR : les médias qui tentent d’imposer Pierre Breteau comme candidat incontournable, on vous voit ! ), mais également les nombreuses manifestations qui ont émaillées nos weekends. « Rennes est certes une ville étudiante et militante mais elle est plus complexe que cela. Il se passe toujours quelque chose »

Tellement qu’après s’être allumée une deuxième cigarette au gout mentholé, Lucie Louâpre nous partage ses meilleurs souvenirs qu’elle a pris soin de noter sur un post-it. « Je suis une femme à petits papiers » rigole-t-elle. « J’ai bien aimé faire la série sur les européennes. J’ai pris le temps de  rencontrer les candidat·e·s en extérieur cassant le rythme de l’interview classique. On a pu expliquer à travers ces portraits des choses techniques sur le fonctionnement du parlement. J’ai aussi le souvenir de cette jeune albanaise qui venait d’arriver en France et qui s’est dévoilée en parlant de sa vision du ramadan. »

Bien sûr, la première émission est forcément marquante surtout quand elle se déroule à côté d’une action d’occupation. Souvenez-vous, début septembre, des personnes précaires administrativement et un le collectif en soutien aux sans-papiers envahissaient le CRIJ (voisin des locaux de Canal B) pour dénoncer leurs conditions de vie+d1fos. « Le thème de la migration est revenu régulièrement dans l’émission. Je me rappelle de Jehad Jassouma, refugié syrien, qui a publié un livre choc « Je viens d’Alep ». Ses mots étaient puissants mais aussi crus.  Je suis restée désemparée devant la violence de son témoignage. » Lucie Louâpre énumère d’autres anecdotes. Sa feuille est bien trop petite pour toutes les noter correctement, elle peine d’ailleurs à se relire. Chaque rencontre reste unique. La journaliste a à cœur de mettre la parole de l’autre au premier plan. L’humain d’abord, pour plagier le PCF. « Chaque personne a forcément quelque chose à raconter, à nous dire. Les opinions ne m’intéressent pas forcément. Je suis plus attirée par les parcours de vie, les histoires des gens… »

Sans suspense, Lucie Louâpre nous annonce avoir signé pour une saison 2, le rendez-vous est d’ores et déjà pris pour le mois de septembre. Les municipales de 2020 obligent, la politique va prendre un peu plus de place. Ce n’est pas pour nous déplaire… tant que ce n’est pas la droite ou la gôooche libérale qui gagnent à la fin. Mais pas de panique, il y aura toujours une place conséquente pour d’autres sujets de société. Ceux–ci foisonnent déjà dans la tête de la journaliste qui garde les pieds sur terre « Je me dis que j’ai quand même de la chance de faire un boulot où je peux rencontrer pleins de gens tous les jours sur des sujets variés et intéressants et que je ne maitrise pas forcément » conclue-t-elle en prenant enfin le temps de déguster sa bière.

 

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plusd1fo1 : Été oblige, la dernière émission a eu lieu ce vendredi 28 juin.

 

Dans la Rennes médiatique, la midinale tire son épingle du jeu
Réécoutez les anciens podcasts : https://www.mixcloud.com/lar%C3%A8ne/

 

 

 

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