Le festival des IndisciplinéEs prenait ses quartiers au Grand Théâtre de Lorient pour une première réussie, avec Lambchop et Daniel Darc qui ont fait preuve de leur grande classe scénique.
Le festival des IndisciplinéEs a rajouté cette année un très bel écrin avec le Grand Théâtre de Lorient et l’affiche était plus qu’alléchante. La soirée débutait avec Lambchop, qu’on attendait avec impatience pour leur premier passage dans notre région. Depuis près de 20 ans, le chanteur-guitariste Kurt Wagner et son groupe réinventent sans cesse une country alternative : ils nous présentaient ce soir leur 11ème album, Mr M. Un album particulier, en hommage au regretté Vic Chesnutt, disparu en 2009. Cet album bénéficie d’arrangements de cordes somptueux qui se marient avec une folk sensible et épurée. On était impatients de découvrir la transposition scénique de cet opus si particulier dans la discographie de Lambchop.
Les musiciens s’installent en arc de cercle, avec Kurt Wagner assis de profil, casquette vissée sur la tête. Dès les premières notes, on prend conscience du travail de réarrangement des titres : très folk sur album, la coloration du set se révèle être beaucoup plus jazz. La guitare électro-acoustique de Kurt, un jeu de batterie délicat avec utilisation des balais, une basse discrète, quelques notes subtiles au piano et la présence du sax et des clarinettes, un ensemble d’éléments qui donne cette couleur si particulière aux titres. Rajoutez à cela un jeu de lumières chaudes et douces et un volume sonore étonnamment bas, et on se croirait dans un club de jazz de la Nouvelle Orléans. Pour notre plus grand plaisir, car les morceaux ne perdent à aucun moment leur puissance émotive.
Mr Met et son léger roulement sur la caisse claire et le magnifique If Not I’ll Just Die qui ouvre l’album nous font chavirer de bonheur. Gone Tomorrow prend des atours feutrés qu’on ne soupçonnait pas, et l’instrumental Betty’s Overture s’étire dans une semi-improvisation maitrisée, sous la baguette d’un Kurt Wagner attentif.
La richesse des arrangements sur disque est parfaitement transposée sur scène : le batteur utilise un pad pour distiller les nappes de cordes. Le pianiste et le saxophoniste remplacent les choeurs assurés par Cortney Tidwell sur galette, notamment sur ce mélange des voix aériens sur Nice Without Mercy. Le saxophoniste, ou plus exactement le multi-instrumentiste, jongle avec un sax, deux clarinettes, une flûte traversière, un melodica et diverses percussions. Avec une mention particulière pour son jeu de clarinette basse sur le sublime 2B2.
Le parti-pris jazzy donne forcément un côté linéaire au set, mais le travail de réorchestration des titres nous aura permis de redécouvrir cet album sous un nouveau jour : et ce choix nous a paru complètement justifié au sein de ce Grand Théâtre à l’acoustique parfaite. Avec, au sein du public, la présence attentive de Daniel Darc qui soulignera, lors de son passage sur scène, son émotion de partager l’affiche avec le groupe de Nashville. On ne remerciera jamais assez MAPL et le festival des IndisciplinéEs de nous avoir offert l’immense bonheur de découvrir enfin Lambchop en live.
Après un entracte chaleureux autour d’un vin chaud servi sur le parvis du Grand Théâtre, il est temps de rejoindre la salle pour le set de Daniel Darc. On a le droit à une ouverture punk-rock avec un Daniel Darc, lunettes noires, ouvrant les hostilités avec Serais-je Perdu, puis le tout récent C’était mieux avant, plus rock qu’à l’accoutumé. La première partie de son set est très énergique, accompagné par un groupe carré avec grosse rythmique, guitariste et claviériste talentueux. Il y a notamment cet enchainement redoutable (L.U.V., J’irai au Paradis, Et Quel Crime ?), le dernier se terminant dans un déluge sonore de l’ensemble du groupe.
Après cette première partie sans temps mort, Daniel Darc reste seul avec le claviériste pour une séquence plus calme avec le magnifique Inutile et hors d’usage. Cette formule est certes plus posée mais permet de se prendre de plein fouet les superbes textes de ce parolier d’exception. Et de mettre en avant la fragilité de cet artiste qui aborde le thème de la vieillesse avec un très beau piano-voix et quelques touches d’harmonica.
Après le délicat Seul sous la lune, la version groupe revient pour des incursions plus rock, avec notamment des fins de morceaux dans lesquels Daniel rend hommage aux icones du genre : dans une semi-improvisation, il reprend les paroles d’HeartBreak Hotel dans le punchy My Baby Left Me (déjà truffé de références à Elvis). Petit frémissement dans le public quand Daniel Darc marque la fin de son set par le tubesque Cherchez le Garçon qui finit dans une énergie punk jouissive avec cette version revisitée.
Le public en redemande et le groupe revient pour nous proposer un rappel tout en douceur avec Vers l’Infini, dans lequel on sent l’influence de Gainsbourg. Il accorde bien sûr une part importante à son dernier album, La Taille de mon Ame, avec le souci permanent de proposer des arrangements nouveaux.
Il nous a proposé un savant mélange des deux versions scéniques (acoustique et groupe rock), avec beaucoup de cohérence et un équilibre parfaitement dosé. On aurait préféré découvrir plus de titres en acoustique car ceux-ci se prêtent plus naturellement à l’ambiance feutrée du Grand Théâtre, mais la réaction chaleureuse du public nous prouve qu’il y avait aussi une véritable attente d’orchestration électrique. Tour à tour rockeur, crooner ou poète, Daniel Darc nous a prouvé une fois de plus qu’il possède une classe folle sur scène.
Photos : Solène
Site du festival : Les IndisciplinéEs
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