L’association Kfuel poursuivait son épatant premier trimestre 2012 de concerts, avec une nouvelle étape mercredi 7 novembre à la Bascule. Au programme de cette très belle soirée, deux groupes aux univers musicaux radicalement différents mais qui se rejoignaient par la singularité et la ferveur de leur prestation scénique.
Est-ce dû aux travaux barrant l’avenue, aux vacances de la Toussaint ou tout simplement à la surabondance de concerts émoustillants dans les parages sur la période ? En tout cas, c’est devant une Bascule seulement à moitié remplie que vont jouer les deux groupes invités. Un public d’habitués et de connaisseurs, certes clairsemé, mais accueillant et attentif. Tous sont venus découvrir ce que valent en live les deux formations responsables de deux albums les plus excitants de cette année.
Le duo de Baltimore Ed Schrader’s Music Beat ouvre le bal. Le dispositif scénique est simplissime et brillant. A gauche : Ed Schrader au chant et au tom de batterie. A droite, Devlin Rice et sa basse. Les deux jouent dans l’obscurité, simplement éclairés par en dessous par une lampe placée à l’intérieur du tambour. Effet garanti, plongeant l’auditoire dans une ambiance spectrale et envoutante. On retrouve avec beaucoup de plaisir les perles aussi brèves qu’intenses de leur excellent album Jazz Mind. Les furieusement punk Rats ou When I’m in a car alternent avec les inquiétantes ballades no-wave comme Airshow/I can’t stop eating sugar. Comme sur le disque, le groupe va dans tous les sens en réussissant à garder une force intacte à l’ensemble. Une musique et des paroles, simples et directes, mais portées par des rythmiques fortes et surtout un chant au timbre incroyable. Après un départ un peu nerveux, le groupe se détend grâce à l’accueil enjoué du public. Les chansons s’enchaînent comme la foudre mais les gars trouvent quand même le temps de se vanner ou de bavasser sur leur marques de cigarettes favorites, sur un rythme échevelé et avec un accent à couper au couteau.
Au final, une demi-heure sans aucun temps mort, confirmant amplement le talent des gars et l’intérêt que l’on peut porter à leur formidable galette.
C’est ensuite enfin au tour de 2 Kilos &More. Kurz Vor5, leur obsédant troisième album ne cesse de hanter nos platines depuis cet été et l’on bouillait littéralement d’impatience de les écouter en live. Leur mise en scène est largement plus sophistiquée que leur prédécesseur. Hugues Villette et Séverine Krouch s’installent de part et d’autre d’une table centrale où s’entassent laptop et autres machines de mixages et d’effets. A leur gauche vient également les accompagner l’imposant Black Sifichi, guest vocal récurrent de leurs disques qui les accompagne sur cette tournée. Le trio est placé entre un écran blanc en fond de scène et un voile translucide de tulle noire où se projetteront en un saisissant dédoublement, les vidéos concoctées par Lisa May.
Là encore, l’effet est immédiat et le spectateur se retrouve immédiatement projeté dans une singulière expédition musicale. Sur scène leur univers sonore conserve pour notre plus grand plaisir sa richesse et sa finesse. Les rythmiques concassées se font un peu plus insistantes mais l’ensemble gagne en puissance tout en conservant une élégance noire fascinante. Comble du bonheur, la part belle est faite à la voix profonde et ténébreuse de Black Sifichi dont le charme vénéneux donne des frissons. Ajoutez à cela un habillage visuel somptueux dont la belle variété sait éviter les pièges des boucles vidéos trop évidentes et vous obtenez une prestation en tout point exaltante.
Autre belle confirmation que leur talent ne s’arrête pas aux enregistrements. On ne ressort de là qu’avec deux petits regrets. D’abord, on en aurait bien repris un peu plus. Ensuite, la Bascule ne pouvant raisonnablement pas pousser le volume trop à fond, l’immersion aurait pu être plus totale dans une «vraie» salle de concerts. Il fallait vraiment se mettre au plus près, et enlever pour une fois les bouchons, pour en profiter pleinement. On espère bien que nous retrouverons prochainement sur une scène plus adéquate en terme de capacité de sonorisations les merveilles alambiquées du groupe.
Merci encore une fois à Kfuel pour ces deux splendides propositions sortant définitivement des sentiers battus et rendez-vous est d’ores et déjà pris pour deux autres concerts très prometteurs lors des prochaines TransMusicales.