Les fins d’années ont toujours quelque chose d’un peu déprimant, c’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles tant de fêtes ont lieu en si peu de temps, comme si la fin du monde arrivait à grand pas et qu’il ne fallait pas en perdre une goutte. Dans d’autres registres, c’est aussi l’époque des bilans, mais rassurez vous, votre comptable ou votre banquier ne vont pas venir vous tirer les oreilles, on va juste parler de musique, ce qui est encore un des rares plaisirs autorisés.

L’année fut riche en émotion musicale avec la floraison de plein de nouvelles galettes de bonnes factures caractérisées par le retour en force des Apparatchiks : Bob Dylan, Paul Weller, Dr John, Jack White, Madness, Jeff Lynne etc. Mais malheureusement pour tous ces nantis, et malgré les immenses moyens à leurs dispositions, rien ne remplace la spontanéité et l’Ame (même si en musique on parle de « Soul »), d’un groupe qui n’a rien d’autre à offrir que son enthousiasme et sa générosité. Et comme je ne suis pas du genre à décerner un prix à l’ensemble des membres de la profession (on n’est pas aux césars), il n’y aura qu’un meilleur album 2012 et celui ci ne peut récompenser un fonctionnaire du rock.

Trêve de plaisanterie, le prix de l’album de l’année revient donc à Slim Wild Boar And His Forsaken Shadow pour leur magnifique « Tales From The Wrong Side Of Town » !!! Bande de veinards, l’album le plus excitant du moment ne vient pas de le l’autre coté de l’Atlantique même s’il a des relents de bourbon ni même de l’autre coté de la Manche malgré les renvois de houblon. Non, ce folk irlandais noyé dans de la country pour Redneck de l’Oklahoma, est né ici de l’autre côté des plaines vertes du Thabor à moins que ce soit sur les terres désertiques de Maurepas, voire sur les hauteurs enneigées de Villejean ?

L’album est à l’exact image de sa pochette, sombre, sauvage et le démon va venir traquer les pauvres âmes égarées que l’amour a terrassées. Les hostilités s’ouvrent sur un instrumental très Morriconnien qui signifie sans nul doute que l’on va errer très très à l’ouest. Impression confirmée sur le morceau suivant, « White Trash Love » un pur Rockab‘ qui semble sorti de la musette du Trio des frères Burnette. Car elle se situe là, la musique de Slim Wild Boar, une guitare folk qui martèle la rythmique comme si sa vie en dépendait le tout sur un chant rugueux qui semble s’échapper des champs de coton. On avait prévenu que ce disque n’était pas pour les pieds tendres : ça cause de meurtres, de vengeance, d’amour bafoué et d’âmes perdues. Le chant en garde une tristesse palpable qui s’accorde parfaitement aux chansons plus mid-tempo qui dominent cet album.

Musicalement, le trio pratique un folk countrysant (si vous me permettez l’expression) qui garde l’urgence du Punk (Kevin, le Slim Wild Boar est aussi le chanteur du groupe Punk « The Decline! »). Les influences sont multiples. On peut penser à une version acoustique de Social Distorsion, voir à du Hank Williams 3ème du nom, mais aussi aux Pogues sur le fabuleux « White Sea ». Les « Murder Ballads » rappellent fatalement Johnny Cash et Nick Cave. Bref le Slim Wild Boar joue avec tout ça et en propose une lecture qui colle aux tripes. Dois-je aussi rajouter que l’album est superbement produit et les incursions discrètes de l’homme de l’ombre, le Forsaken Shadow à la lead guitare, sont aussi subtiles que pertinentes. Pour ce 3ème album, le Slim s’adjoint un 3ème larron, Skinny Kid, réquisitionné aux percussions diverses, ce qui lui permet de se re-concentrer sur son coeur de métier, celui de nous faire danser !

Inutile de trainer vos guêtres à la messe de minuit, il n’y aura aucune rédemption. Vous qui entrez ici, vous êtes du mauvais côté de la ville. Qu’on se le dise !

Liens :
Les 3 albums en écoute sur Bandcamp.
Le site officiel de Slim Wild Boar.
Le Facebook de Slim Wild Boar.
Un report de la soirée « I Folk The Law » au Mondo Bizarro.