Ce sont les formidables Embellies qui nous ont offert au printemps la possibilité de découvrir en live le second album du trio Mnemotechnic ainsi que l’occasion d’en parler avec eux. On a causé scène brestoise, énergie, Nirvana et Thomas Poli…
Gigantesque. C’est le mot qui nous est venu après l’écoute un rien survoltée du nouvel album de Mnemotechnic. Si on avait bien aimé Awards, le premier long format du -alors- quatuor breton (axe Rennes-Brest), sorti en 2013 chez les Britanniques de Smalltown America en 2013 (mais enregistré en 2010 par Miguel Constantino -mixé par Stéphane Laporte et masterisé par Ivan Chiossone), déjà particulièrement énergique et carré (dirait-on sautillant ?), on s’est pris rien de moins qu’une mandale massive avec Weapons. Sorti fin janvier conjointement chez les copains de Kerviniou Records et A Tant Rêver du Roi, ces 7 titres ramassés, raclés jusqu’à l’os, amples, à l’âpre densité réussissent là où le précédent effort tentait et essayait encore.
Après avoir enquillé les dates et les scènes, désormais trio, Mnemotechnic a en effet prit le temps d’affirmer ses envies. Finies les compos tournant autour d’un dialogue (certes consistant et vif) entre les deux guitares. Avec Weapons (enregistré par Monsieur Thomas Poli s’il vous plaît), le groupe resserre la formule, se fait compact et gagne (étonnamment) en amplitude, en densité. En force de frappe. Moins débauche d’énergie que mise en/sous tension, l’album ose les reliefs découpés, déchiquetés, les montées, les effusions corrosives. Plus ramassé, le disque est d’une fracassante intensité. Rythmiques massives, entêtées et entêtantes, déluges de cordes distordues, qui claquent, décochent et t’étalent, la noise-dance-pop-math tordue et retorse des Mnemotechnic est d’une redoutable efficacité. Marqué par un formidable chant hyper mélodique, délivré la rage au ventre, là au milieu de guitares hurlantes, ici au milieu de stridences glacées et répétitives, la démoniaque transe du trio allie irrésistible immédiateté mélodique et massif impact physique.
Sur la scène du Jardin Moderne aux Embellies, c’est même devenu tangible. Le trio en a définitivement sous les pédales. Arnaud Kermarrec-Tortorici y triture ainsi les sons qu’il sort de sa noire telecaster, transformant ses riffs en démoniaques imprécations hurlantes, en addictives stridences qui vous assassinent le palpitant. Au centre, Anthony Affari, vite torse-nu pilonne ses fûts, aussi implacable qu’impitoyable. A droite, la longiligne silhouette de Xavier Guillaumin s’arque-boute sur sa basse, se plie, se déplie, heurte les cordes (elles aussi passées par des pédales d’effet), assure ailleurs les chœurs avec la même implication obstinée tout en plaisantant, goguenard, entre les titres. Avec un set (composé presque essentiellement des titres du dernier album) en même temps compact et tortueux, impressionnant de puissance et de classe, Mnemotechnic a fini de nous convaincre. Quelques heures avant ce beau tsunami sonore, on rencontrait Arnaud et Xavier dans le jardin de la salle rennaise.
Interview réalisée par Mr B et Isa – Photos live : Mr B.
Alter1fo : Le groupe existe déjà depuis un certain temps, de quelles envies ou rencontres est né Mnemotechnic ?
Arnaud : Comme on avait déjà joué ensemble dans d’autres groupes, on se connaissait auparavant.
Xavier : On se connaît même depuis 20 ans.
Arnaud : On a étudié ensemble et c’est là qu’on s’est repéré genre : « Ha, je crois que c’est un rocker celui-ci ». Xavier et Anthony jouaient dans un groupe de rock instrumental assez fou-fou qui s’appelait Savate. On partageait des goûts musicaux et j’avais envie, après la batterie ou la guitare seule, de tenter le chant et la guitare.
Comment ça se passe musicalement sur Brest ? Il y a beaucoup de groupes ? Est-ce simple ou compliqué de jouer ? De quels groupes vous sentez-vous proches ?
Xavier : Il va falloir qu’on révise un peu nos infos parce qu’on nous pose souvent la question. Ce qui est sûr, c’est que, comme partout, il y a de moins en moins d’endroits où jouer. Du coup, peut être qu’on voit moins de choses ou qu’on a moins l’occasion de voir des groupes ou des nouveaux projets. Après, il y a toujours eu un vivier musical important. C’est une ville qui est très rock… mais pas que. Il y aussi une dynamique en musiques électroniques avec Astropolis. Il y a une vraie énergie autour de la culture de la musique et de la fête, comme dans beaucoup de villes en Bretagne. Par contre, j’aurais plus de mal à vous citer tous les petits groupes qui ont émergé dans les dix ou quinze dernières années. J’ai quand même le sentiment que ça diminue un petit peu. C’est vraiment un sentiment personnel mais quand on joue, j’ai un peu l’impression que les jeunes nous prennent pour des vieux dinosaures avec nos « vrais » instruments.
Arnaud : Au niveau des musiciens, j’ai l’impression qu’il y a toujours autant de projets qui naissent ou qui disparaissent. Il y a un autre truc dont on parle souvent, c’est la difficulté à sortir de la Bretagne. En plus, nous sommes tout au bout. Un groupe qui vit, c’est un groupe qui joue. On fait rapidement le tour des salles brestoises donc il faut faire l’effort de sortir une démo qui tienne la route pour entrer dans les réseaux, trouver des contacts. C’est une démarche qui est peut être un peu plus difficile qu’ailleurs du fait de notre situation géographique. J’imagine que ça peut peser sur certains groupes, mais nous c’est une démarche qu’on a faite dès le départ. On a joué avec des groupes qui restaient dans le circuit des bars brestois et, pour nous, c’était vraiment un objectif de faire des vraies tournées.
Xavier : Après, on tourne beaucoup… pour un groupe amateur. La situation géographique de Brest nous oblige aussi à dégager beaucoup de temps pour faire des séries de dates qui nous amènent jusqu’en Belgique et d’en revenir par exemple.
Arnaud : Il y a encore un vivier brestois. Il y a des salles comme le Vauban ou la SMAC de la Carène qui sont de vraies belles scènes et qui restent accessibles. Il y aussi un nouveau lieu qui va fêter sa première année, c’est Le Petit Minou. C’est un vrai bar concert comme il n’en existait plus. Il y a une vraie programmation avec trois ou quatre dates par semaine.
Xavier : Sans oublier la Ferme de Kerguériou qui est vraiment un chouette lieu en dehors de Brest, tenu par des fans, pas super accessible au grand public puisque ça ne se fait que par des messages privés mais tenu par des gens qui se bougent bien le cul depuis un ou deux ans. Ça manquait un peu dans le coin.
Xavier : Au final, on a un panel de lieux, de musiciens et de groupes tout à fait correct par rapport à la taille de la ville.
Comme ici d’ailleurs. Il y a d’ailleurs aussi un Rennais dans la bande… Est-ce que vous suivez ce qui se passe sur Rennes ? De quels groupes rennais vous sentez-vous proches ?
Xavier : On est quand même avec un label (Kerviniou Recordz), qui est pour la moitié basé ici. On a aussi fait l’enregistrement avec Thomas Poli qui habite à Rennes. Il y aussi des connections classiques avec des groupes qu’on a croisés sur des dates. Parce que c’est aussi la ville qui est la plus accessible pour nous. C’est un vrai axe avant Nantes. Sur nos tournées, on a quasiment toujours une date sur Rennes ou pas loin, à l’aller ou au retour. Rennes et Brest, ce sont des villes qui vont bien ensemble. Quand il y a une belle soirée à Brest, il n’est pas rare de voir plein de Rennais débarquer. Ça fait toujours plaisir.
Vous avez sorti votre premier album Awards début 2013. On ne sait pas si vous le réécoutez souvent…
Arnaud : Non. (rires)
Quels regards vous portez rétrospectivement sur ce premier disque ?
Arnaud : Sans le renier… on l’assume, mais on est passé à autre chose. C’était vraiment le début du projet. On avait envie de faire quelque chose de sautillant, avec du son puissant et une énergie rock. Cette tentative nous a permis de lancer le groupe et de tourner. Et puis, on a tourné la page avec l’envie de faire autre chose. On n’a aucun regret. Ça nous a aussi permis de nous connaître sur scène encore plus qu’auparavant, à nous découvrir les uns les autres sur de vraies tournées.
Xavier : C’est aussi un disque qui a été fait très très rapidement. Pour le coup, peut être trop rapidement (rires) et ça pour l’écriture des morceaux comme pour l’enregistrement. On a fait quatorze morceaux en quatre jours… C’est presque inhumain. C’est ce que j’entends aujourd’hui dans ce disque. On venait aussi tous de projets qui étaient math-rock ou hardcore. Il y avait donc aussi la volonté de faire un truc un peu plus « cool » avec des rythmiques dansantes où il n’y en aurait pas que pour les barbus (rires). Sauf que je crois qu’on a été ensuite rattrapé par nos envies plus profondes et primitives et que là on revient à quelque chose qui est plus proche de ce qu’on est et d’où on vient. Du coup, c’est plus facile à défendre. Parfois, j’en avais un peu marre de jouer le genre de musique où tu cries « Hey ! Est-ce que vous êtes là ?» entre les morceaux.
Comment décririez-vous votre évolution, votre parcours, entre les deux disques ?
Arnaud : Il y a d’abord eu une vraie coupure dans le temps. Du fait d’avoir arrêté et puis repris. On a eu une réflexion et du recul sur ce qu’on voulait faire. On a eu envie d’un nouveau son et aussi de changer le processus d’écriture puisque nous n’étions plus que trois au lieu de quatre. On voulait se forcer à faire les choses différemment. On se mettait nous même des bâtons dans les roues. On se créait des contraintes nouvelles pour aller chercher ailleurs. Même si on a parfois le sentiment que tout a déjà été fait, on avait envie de creuser, de fouiller, de proposer…
Xavier : Je pense que pour le troisième album, il va virer le bassistes (Rires). J’ai un espèce de truc au dessus de la tête.
Qu’est-ce ce que ça changé dans le processus de composition d’avoir un membre de moins ?
Arnaud : C’est moi qui écris la plupart des morceaux mais l’équilibre a changé. On avait deux guitares en ping-pong, une à gauche et une à droite avec la basse et la batterie au milieu. Maintenant, on est un peu tous au milieu. Du coup, il faut peut-être prendre plus de temps sur l’écriture pour assumer ce nouvel équilibre en trio. A quatre, c’était peut-être plus stable ou, tout du moins très rempli. A trois, on a un peu plus d’air. Ça nous oblige au moins à remplir les choses différemment. C’est comme ça que je le vis.
Xavier : Perso, je ne suis pas sûr qu’il y ait plus d’air mais on remplit assurément différemment.
Arnaud : On a pris de la place avec des expérimentations, des recherches de son avec des effets sur la guitare, la basse et même un peu sur les voix. Ce qui nous permet d’aller ailleurs.
Weapons est sorti au début de l’année. C’est un disque hyper ramassé , moins sautillant mais avec une énergie assez soufflante. Quels disques écoutez-vous quand vous avez besoin d’énergie ?
Arnaud : Pour l’énergie, je vais parfois chercher du côté de l’electro. Par exemple, j’aime bien écouter Arnaud Rebotini. Je travaille beaucoup sur ordinateur et quand j’ai une tâche à faire qui est simple et longue, je mets ça très fort. J’écoutais pas mal de hardcore et je m’en remets de temps en temps. Par contre, c’est plutôt un morceau comme ça. J’ai du mal à me refaire les albums en entier. J’ai beaucoup aimé un groupe américain qui s’appelle Botch qui a beaucoup innové en ajoutant une touche Rock’n’Roll tout en déstructurant les morceaux en gardant des supers mélodies. Ils avaient un petit côté noise ou des mélodies à la Sonic Youth, je trouvais ça super pour un groupe de hardcore. Quand je veux écouter un truc bien puissant, je me mets ça ou alors il y a aussi Over The Sun, le quatrième album de Shannon Wright qui a une réelle puissance dans le registre de la sensibilité et de l’émotion.(On acquiesce bien bas et on discute quelques minutes discographie de la grande dame).
Xavier : Perso, j’ai très peu de temps pour écouter de la musique. Je fais beaucoup de musique et même quand je suis dans mon camion, le son est tellement dégueulasse que je préfère écouter la radio. Quand j’en écoute, je me tourne assez facilement vers le Hip Hop. Il y a plein de choses très abrasives et qui envoient dans ce style. Le rock, peut-être parce que j’en fais depuis très longtemps, ne me procure pas trop de sensations en écoute. J’adore découvrir des groupes mais ce sera plutôt en live.
Arnaud : Avec internet, on a accès a tellement de trucs. J’aime bien fouiller, chercher, trouver le truc qui va vraiment vous toucher. Dernièrement j’ai bien aimé Meatwave dans un style grunge noise. Ils n’inventent rien mais ils ont des tubes.
Le chant très mélodique, ça vient de Nirvana ?
Arnaud : Sûrement ! Ça a été une révélation, en tant qu’ado, d’entendre ça, cette puissance et derrière, la mélodie. C’est une formule toute simple. On l’utilise aussi.
Xavier : Sauf qu’il braillait aussi comme un cinglé, ce que tu ne fais pas (rires).
Arnaud : Non, je suis incapable de le faire, mais ça passe par d’autres manières de chanter. Avoir de l’énergie, faire les choses de manière très puissante, très forte tout en ayant derrière une accroche mélodique qui reste, c’est une formule qu’on gardera je pense. Parce que c’est quelque chose que j’apprécie, qui m’accroche toujours, quel que soit le projet musical. Si on commence à aller vers des choses vraiment très abstraites ou essentiellement sonores, comme la techno notamment, j’ai plus de difficultés à accrocher, tant qu’il n’y a pas la mélodie. Je me retrouve davantage dans les trucs électro ou electronica. Donc oui, je crois, la mélodie restera dans notre musique, peu importe l’emballage.
Vous disiez en interview qu’il y avait une certaine narration, un fil narratif dans le disque. C’est venu au fur à mesure ou en amont ?
Arnaud : C’était un peu en amont. Les tous premiers morceaux du groupe sont venus un par un, avec, peut-être, un thème par morceau. Là, l’envie a tout de suite été de créer un nouveau répertoire, puisqu’en reprenant en 2016 on avait complètement mis l’ancien répertoire de côté. De fait, on s’est dit que si on voulait refaire des concerts, refaire un disque, il fallait un nouveau répertoire. Et il y a peut-être un concept plus général, plus global qui a sous-tendu l’écriture des sept morceaux (maintenant, bien sûr, il y en a un peu plus). Ce concept, cette narration générale, ce serait une quête (c’est assez commun –rires), une quête solitaire dans un univers assez dur. Un univers complètement imaginaire, mais métaphorique par rapport à la société actuelle où l’on peut trouver beaucoup de solitude. Des rencontres se font. Elles sont bonnes ou mauvaises. Dans ce disque et dans ces morceaux, il y a une histoire avec plusieurs étapes. C’est très métaphorique.
Justement, la pochette a un côté archaïque et ultra moderne. C’est toi qui l’a faite ?
Arnaud : Mon métier, c’est le graphisme. Donc, j’ai fait les pochettes du groupe. L’idée c’est d’essayer de coller au propos, avec une arme bricolée, avec cet arc, assez primitif, ou un travail sur la saturation de l’image en écho à la saturation du son.
Vous avez enregistré avec Thomas Poli. Pourquoi avez-vous choisi de travailler avec lui ?
Arnaud : Parce qu’il est bon (rires). En fait, on se connaissait un tout petit peu. On s’est croisé, en tant que musiciens, nous amateurs, lui professionnel et on avait déjà eu l’occasion de discuter . Je l’ai découvert à un concert où on était tous les deux spectateurs, c’est là qu’il m’a appris qu’il était aussi ingénieur du son. Je me suis dit « ah, ça m’intéresse… » (rires). C’était au moment où on remontait le groupe. On commençait à avoir quelques morceaux et on projetait, six mois après, de rentrer en studio. On commençait à chercher un ingé son. Il y a vraiment eu une entente, une compréhension commune. Enfin, de notre côté, en tout cas, on a vite compris qu’on pouvait lui faire confiance. On a aussi vu qu’il nous comprenait, qu’il savait où on voulait en venir. A partir de cette confiance, on s’est engagé. C’est comme ça qu’on a choisi de travailler avec lui. On avait quelques autres contacts, rapides, comme ça, mais comme Thomas était disponible, et motivé, très motivé même, on a décidé de travailler avec lui. Et ça s’est très bien passé.
L’enregistrement a duré combien de temps ?
Arnaud : Trois jours… Ça reste très court. Au départ, on ne pensait faire qu’un quatre titres, relancer le projet en enregistrant quatre nouveaux morceaux. Mais Thomas a tellement bien anticipé, il nous a tellement mis en confiance, que ça a roulé.
Xavier : Il faut dire que c’est trois jours et presque trois nuits ! (rires) Il avait vraiment bien anticipé et il nous a mis dans une énergie super chouette. On n’a vraiment pas eu besoin de faire beaucoup de prises. Je crois qu’on a dû faire deux ou trois fois les morceaux alors qu’on n’était pas spécialement prêts, ou à l’aise. Mais grâce à lui, on était très à l’aise sur place. Ça change tout en fait ! Je pense que tu peux galérer peut-être six mois en studio, te prendre la tête en permanence, avec les uns les autres, pour faire des trucs compliqués. Là au contraire ça a été une super belle expérience.
Arnaud : Il avait une vraie compréhension. On voyait qu’il était totalement investi. Il a déménagé tout son studio, rempli tout un fourgon, pour venir dans le petit studio qu’on a loué en centre Finistère. Il a amené ses guitares, ses synthés modulaires, ses effets, ses jazz[masters]. On était stupéfaits. La nuit, on a tenté des choses. Parce qu’il y avait un horaire pour calmer le bruit… Donc de 10h à 23h on faisait du bruit, de de 23h à 4h du matin on faisait des expérimentations. Et lui de 4h à 6h du matin, il commençait son travail de mixage. A 9h, il faisait le café, et à 10h on recommençait. C’était un truc un peu fou ! Donc vraiment, il y avait un investissement total de sa part. C’est trop plaisant, quoi ! Après on lui a confié le mixage. On a presque rien eu à dire. On a fait ça à distance, en lui laissant la main totalement… Vus son expérience, son écoute et le bagage musical qu’il a, l’encyclopédie musicale qu’il est, on lui a laissé la main et c’est sans regret !
Pour Weapons, qui a fait le clip avec cet écran splitté ?
Arnaud : C’est nous…
Xavier : Il faut savoir qu’on s’est rencontré aux Beaux-Arts, quand même, donc il y a des trucs qui nous tiennent à cœur. (Rires) J’ai demandé à un copain de venir faire la réalisation. Il bosse là-dedans, il a du matos un peu plus sérieux que le mien en tout cas. C’est pareil, ça s’est fait en une journée. Pour le coup, là ce n’est pas un choix artistique, c’est malheureusement parce qu’on n’a pas plus de temps que ça. Mais on s’était vu un peu avant pour évoquer l’idée de raconter quelque chose, mais surtout sans rien raconter, comme ça se fait beaucoup n’est-ce pas… (sourires).
Arnaud : On a écrit ce scénario, le plus simple possible.
Xavier : Il y avait cette idée de quête, de cette nana qui sort de chez elle et qui va ramasser des cailloux, c’est un peu absurde. Ça collait avec ce que raconte Arnaud : s’armer, de manière précaire.
Avec ce final…
Xavier : Très énigmatique.
Arnaud : On a travaillé autour d’un scénario simple, donc, mais aussi d’un traitement graphique volontairement tranché (rires). Avec encore, l’envie de proposer, d’essayer, de tenter… Comme on a pu le faire sur le disque.
Xavier : Mais on aurait adoré faire quasiment un clip par morceau, parce que cela s’y prêterait bien. Il y a des pistes qui sont vraiment intéressantes, qui apportent tout de suite des images, je pense. Mais malheureusement…
Arnaud : On avait bien envie de le faire mais matériellement c’est compliqué de faire un clip. Pour l’instant il y en a un. Il en manque six ! (Rires)
Votre premier disque est sorti chez les Britanniques de Smalltown America et le second chez Kerviniou Records / A tant rêver du roi. Pourquoi ce changement. Comment connaissez-vous notre cher label rennais ?
Arnaud : Le changement, c’est parce que les Irlandais ne nous ont pas suivis sur le deuxième album.
Xavier : Parce que les Britanniques ont des goûts de merde en matière de rock’n roll, c’est bien connu. (Rires)
Arnaud : Ils ont estimé ne pas avoir assez rentabilisé le premier album. C’est une histoire un peu compliquée. Ils ont mis deux ans, deux années entières à sortir le disque après l’enregistrement. Nous on a continué à jouer pendant ces deux ans. Puis quand c’est sorti, on avait envie de faire encore des concerts, mais… On a quand même refait deux autres tournées pour jouer le jeu. Puis ça s’est un peu épuisé. C’était un gros décalage temporel, un petit raté à ce niveau-là.
Pour autant, ils ont apprécié le deuxième disque. Ils ont dit qu’il était très bien. Mais ils ne voulaient pas reprendre de risques. Du coup, on s’est adressé à d’autres labels. On a envoyé le lien pour l’écoute. Et ceux qui ont réagi, ce sont les Rennais de Kerviniou et les Palois d’A tant rêver du roi. Ils avaient déjà collaboré ensemble, pour sortir d’autres disques. Du coup ça s’est fait assez simplement, assez naturellement, en échange direct. Avec plaisir. On est content de faire partie de leurs catalogues qui sont chouettes. On joue donc à Rennes pour la deuxième fois. Les Kerviniou seront là ce soir et on va voir les gens de Pau le mois prochain [en avril dernier] pour le festival A tant rêver du roi qu’ils organisent une fois par an. Avec une très belle programmation, encore une fois cette année. On est très content de participer à tout ça et à ces labels.
Est-ce que vos approches entre le live et le disque diffèrent ?
Arnaud : Un peu sur certains morceaux. Pour quelques morceaux, on a bidouillé un peu plus sur le disque. Mais c’est assez rare. Je ne sais pas si on est fidèle, mais nous dans le jeu, on fait à peu près la même chose. C’est forcément différent à l’écoute parce que ce n’est pas produit comme peut l’être un disque. Il y aura donc peut-être un côté plus brut au live, mais ce ne sera à vous de nous le dire (rires). En fait on joue les morceaux tels quels. On n’ajoute, on n’enlève pas grand-chose.
Xavier : C’est aussi parce que quand Arnaud écrit les morceaux, il prend du temps pour choisir autant une partie de batterie, qu’une partie de guitare, qu’une partie de basse pour être sûr qu’il y ait une réponse entre les trois. Donc si d’un seul coup, on transforme le projet en une espèce de jazzcore-impro-noise-je ne sais pas quoi, on casse un peu le travail qui a été fait en amont ! Après bien sûr, il y a de petits trucs qui sont inhérents au live, qui peuvent se produire. Parfois effectivement sur certaines dates, parce qu’on le sent, on va lancer quelque chose, comme faire durer une fin par exemple. Mais globalement, on est assez proche des morceaux, des ambiances…
Arnaud : La transition, en fait, a davantage lieu entre la maquette et la finalisation du morceau qui se fait avec tout le monde. Il y a une maquette plus basique et plus brute avec des batteries électroniques qui sont ensuite interprétées, discutées, critiquées ensemble. On reprend les choses à trois et c’est à ce moment-là qu’on fixe les choses. Avant le studio et avant le live, donc.
Mais je crois qu’il y a un équilibre entre nos envies, celle d’avoir un disque et celle de faire du live.
Ce soir vous jouez juste avant Electric Electric. Comment est-ce que vous appréhendez ce moment ?
(rires) Xavier : Si tu as une bonne sécu, une bonne mutuelle et un bon ORL ça ira… (rires) On ne se connaît pas. Ils tournent beaucoup. J’ai eu l’occasion de les croiser, de les voir jouer plein de fois, avec la Colo aussi. On est ravi de jouer avec eux ce soir mais je ne pense pas que ça change quoi que soit dans la manière dont on envisage le concert de ce soir. On est ravi d’être enfin sur une affiche avec eux. Dans le sens où, depuis qu’on a sorti Weapons, on nous en parle beaucoup. Alors que je crois qu’Arnaud et moi, on est assez d’accord pour dire que leur démarche est encore un cran plus loin que nous. Ils n’en sont pas au même niveau que nous, ils ont déjà cherché beaucoup d’autres choses avant, expérimenté…
Arnaud : On a presque l’impression d’être à la traîne (sourires).
Xavier : Ils ont une recherche encore plus assumée, une démarche encore plus affirmée. Mais encore une fois, on fait ça sur le temps qu’on a. On veut que cela reste un pur plaisir. On souhaite que chaque fois qu’on se retrouve, ce soit un pur plaisir (je ne dis pas que ce n’est pas le cas pour les autres) mais on a envie de cultiver ce truc qui est très précieux. Ce n’est pas un boulot et ce n’est peut-être pas si mal si ça ne le devient pas. On a toujours un truc renouvelé à chaque fois qu’on monte sur scène : on se marre, on est content, entre potes, on est heureux de faire de la musique. Je crois qu’on a tous démarré pour cette raison-là. Je ne crois pas qu’on avait des lumières plus aveuglantes dans la tête en perspective…
Arnaud : En tous les cas, je suis super content de les voir ce soir.
Xavier : Et moi de découvrir leur nouveau disque sur scène…
Pour finir, quels sont vos projets à venir ?
Arnaud : On aimerait bien faire un disque dès que possible. Ça prendra du temps par rapport à nos disponibilités, d’abord, et par rapport à notre envie de poursuivre sur les concerts. Le répertoire est encore assez court.
Xavier : Ça dépend de Kerviniou, de Thomas Poli et de la banque… (rires)
Arnaud : Le projet, c’est vraiment de poursuivre. On a eu une vraie coupure. On a repris depuis un an et demi On a envie de garder le rythme entre l’écriture, les répétitions, les concerts, et dès que possible le studio. On aimerait donc bien refaire un disque, même si Weapons vient de sortir.
Xavier : Il faut aussi savoir qu’on est un groupe qui ne répète quasiment pas, voire jamais. C’est une de nos particularités. On a dû faire quatre ou cinq répétitions seulement avant d’entrer enregistrer en studio. Mais c’est parce qu’on se connaît très très bien et comme Arnaud fait tout le boulot en amont, Anto et moi, on n’a plus qu’à se recaler ensemble, expérimenter, éprouver un peu le truc. On peut donc aller assez vite. Ça a ses avantages et ses inconvénients. Mais pour le coup, c’est une réalité. On n’est pas le groupe qui se voit toutes les semaines ou tous les week-ends.
Arnaud : Refaire un disque, c’est donc le projet direct le plus évident, pour continuer à faire ces recherches musicales, et si possible se renouveler. C’est maintenant ce qu’on essaie de faire. C’est dur, mais on creuse. Là, l’idée est de ne pas laisser trois ans entre deux disques.
Merci beaucoup !!
Merci à vous.