Interview de Jullian Angel, musicien « kamikaze »

Julllian Angel 2Après un concert qu’on avait raté au Papier Timbré le mois dernier, durant lequel Jullian Angel venait présenter son nouvel album, Kamikaze Planning Holidays, à Rennes, on s’était promis de trouver le temps de faire une interview de l’artiste. Sorti chez les Disques Normal (retrouvez notre interview des Disques Normal ici), son dernier opus fait la part belle aux mélodies aux instrumentations acoustiques. Les arrangements, tout en nuances, intègrent flûte traversière, banjo ou theremin, par exemple, mais avec ce qu’il faut de retenue et d’à-propos pour qu’ils viennent fluidifier les compositions plutôt que les alourdir. Et puis on doit avouer qu’on aime bien ce choix parfois, de les faire sonner un peu bancal (l’intro de Live on beauty, par exemple). On a donc eu envie d’en savoir plus sur la genèse de cet album. Rencontre avec Jullian Angel.

Alter1fo : Je sais que ce n’est pas évident, mais si tu devais te présenter en quelques mots ou quelques lignes, que dirais-tu ?

Jullian Angel : Je suis chercheur en âme humaine, spécialité « musique & écriture », même si ce n’est reconnu dans aucune académie… Ou disons un « saltimbanque » moderne en sursis.

Tu disais te sentir un peu à l’étroit dans la scène folk. Comment souhaiterais-tu te définir alors ? Et quelles sont les influences que tu revendiquerais ?

Avant tout, je me sens songwriter et chanteur, ce qui n’implique pas forcément une limitation de style. Mais on appose souvent la mention « folk » dès qu’il y a une guitare acoustique, donc je n’y échappe pas. Au départ, mes influences sont davantage pop-rock, pas forcément indie d’ailleurs. L’éventail est large : de REM, Radiohead, Nirvana, à Portishead, Sigur Ros, Arcade fire…

Si tu devais citer trois disques sans lesquels tu ne pourrais vivre ?

Ça changerait chaque jour sûrement… Mais comme ça, je dirais : Johnny Cash American Recordings IV, Sigur Ros  (), U2  Achtung baby.

Jullian Angel - Kamikaze Planning HolidaysQuelles étaient tes envies avec l’enregistrement de cet album ?

Réaliser un album très organique, essentiellement acoustique. Avec un chant presque murmuré à l’oreille par instants. Surtout réduire la distance vis-à-vis de l’auditeur, dégager le chemin entre son ressenti et la mélodie. Et puis raconter en 12 titres une histoire à la fois très contemporaine et intemporelle.

J’ai entendu que tu définissais ce disque comme un « album de transition ». Tu peux nous expliquer ?

D’une certaine manière, chaque disque est un « album de transition », au sein d’une discographie… Celui-là peut-être encore davantage. Il a été écrit sur une période assez courte, autant en réaction à un vécu toujours brûlant, que dans une forme d’élan vers l’avenir.

On peut également parler de transition vocale, illustrée par l’enchaînement entre les 2 derniers morceaux. C’est presque une seconde mue. Je ne pourrai sans doute plus jamais chanter de façon aussi vulnérable et « ouverte » que sur cet album. Il y avait un profond sentiment d’urgence derrière.

Où as-tu enregistré  ?

Dans ma cuisine. Qui est aussi mon salon, ma chambre, mon bureau… C’est donc un enregistrement en « studio », je suppose.

Jullian Angel(Rires) Tu te définis d’abord comme chanteur et non comme guitariste. Dans une interview récente, tu disais vouloir avant tout partir de la voix plutôt que de la guitare. Peux-tu nous expliquer comment tu composes ?

Il n’y a pas de scénario fixe. Souvent ça commence par une mélodie qui s’insinue dans mon inconscient ; puis je l’entends s’accrocher, persister, alors je finis par développer un thème, le début d’une chanson. Mais je peux aussi mettre en musique des textes déjà entièrement écrits et versifiés.

L’étincelle vient encore régulièrement d’un motif de guitare cela dit, et certains attendent plusieurs années parfois, avant de mériter enfin une ligne de chant…

Tes morceaux sont très arrangés. En plus de la guitare, on peut entendre une flûte traversière, un banjo ou du theremin notamment. C’est toi qui joues tout cela ou bien tu fais appel à d’autres musiciens ?

La seule contribution extérieure vient de Valérie Leclercq (aka Half asleep), pour un peu de flûte et des choeurs. Mais par la suite, j’aimerais ouvrir le travail d’arrangements à d’autres musiciens également, voire me contenter de chanter, selon les besoins du morceau. Car je suis loin d’être un multi-instrumentiste surdoué, cela demande juste beaucoup de patience. Et sans doute un brin d’orgueil, j’imagine.

Comment fais-tu pour retranscrire cela sur scène alors que tu joues seul ?

La plupart des titres sur les 2 derniers albums studio ont une assise guitare-voix. Lorsque je compose, ils doivent pouvoir tenir debout sans arrangements. En live, il faut souvent réadapter certains morceaux néanmoins. Je n’hésite pas à changer le rythme, la tonalité parfois, la dynamique, ou à utiliser un « boucleur » pour étoffer le son.

Jullian Angel 3Comment as-tu choisi l’artwork et pourquoi cette photo prise dans une « pissotière » ?

La pancarte ajoutait une pointe bénéfique de surréalisme ; entre l’écriteau du mendiant et celui d’un auto-stoppeur, ou d’un manifestant. Ensuite il fallait un endroit sale, urbain, pour lui opposer l’image plutôt flamboyante, du chanteur flegmatique pris dans la tourmente… Au fond, le délabrement du mur correspondait bien à celui de ma propre vie durant l’écriture. Et à cette précarité sentimentale, relationnelle, ou simplement sociale, typique de notre belle époque en cours…

C’était le contexte idéal : une « pissotière » parisienne chargée d’histoires, d’inscriptions étonnantes, souvent poétiques. Mais si j’y avais posé en guenilles de SDF, l’image aurait été à contresens de l’album, qui se veut tout sauf misérabiliste.

D’où vient le titre, Kamikaze Planning Holidays ?

Littéralement, c’était moi en train d’enregistrer quelques dernières prises d’un morceau, avant de filer in extremis prendre un train vers le sud, avec mon sac de voyage prêt juste à côté… Comme je voulais une connotation tragi-comique, l’idée s’est imposée d’elle-même. Maintenant j’y vois différentes lectures possibles aujourd’hui, l’interprétation n’est pas figée. Et le « kamikaze » symbolise beaucoup d’autres comportements humains actuels.

Comment as-tu choisi l’ordre des chansons sur la version finale de l’album ?

J’avais déjà la track-list finale avant de commencer à enregistrer, ce qui facilite grandement la réalisation sonore. Ca n’en fait pas un album-concept pour autant, plusieurs histoires s’imbriquent en fait. Pour tester les enchaînements, je jouais les morceaux à la suite tout simplement, comme en concert.

Jullian Angel 4Tes premiers disques sont sortis chez Another Record. En 2010, ce sont les Disques Normal qui ont sorti ton disque acoustique. Ils sortent ce nouvel album aussi. Comment s’est passée ta rencontre avec Les Disques Normal ?

On suivait le parcours de chacun depuis quelques temps déjà, il y avait des affinités évidentes. Et je ne me voyais pas promouvoir seul ces 2 disques (que j’ai auto-produits par ailleurs), donc la collaboration avec Les Disques Normal est vraiment intervenue au bon moment.

Tu disais être assez angoissé à l’idée d’envoyer ton enregistrement au mastering. Finalement, c’est Bruno Green qui a masterisé ton album. Pourquoi ce choix ? Tu étais rassuré à l’idée que ce soit lui qui s’en occupe ?

Le label m’avait soufflé quelques noms pour le mastering. Bruno Green a répondu très spontanément, et ça s’est fait assez naturellement. Je savais peu de choses sur sa propre carrière d’artiste-producteur en fait ; j’ai été rassuré par le résultat obtenu, plus que par un nom ou une certaine caution artistique. Il fallait une oreille adaptée à ce type d’enregistrement plutôt minimaliste, avec un traitement sonore discret, mais essentiel.

Pour finir, quels sont tes projets à venir ?

Tourner un peu partout en 2011 avec ce nouvel album, tout en me remettant vite à écrire pour le suivant. Je finis également une sorte de mini-roman, « Drown as a man, breathe like a submarine », publié via mon propre blog pour l’instant, par chapitres successifs. C’est comme un prolongement littéraire à « Kamikaze planning holidays », qui s’appuie en partie sur le même vécu.

Merci !!

De même (sourires).

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Pour en savoir plus sur Jullian Angel :

http://www.myspace.com/jullianangel
http://soundcloud.com/jullian-angel

Pour en savoir plus sur Les Disques Normal :

http://www.lesdisquesnormal.com/joomla/

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