On a dit, ici ailleurs, tout l’amour qu’on a pour Shannon Wright. La musicienne américaine sera en concert ce dimanche 5 mars au 6 par 4 à Laval. Suite à la dérouillée qu’on s’est prise à St Nazaire il y a une poignée de jours (première date de la tournée) on ne peut que vous conseiller de faire la route jusqu’en Mayenne. Même à genoux.
Ou ailleurs, puisque Shannon Wright est en tournée en mars, puis en mai. Préparez-vous à être remué. Lessivé. Bouleversé.
Crédit photo : © Jason Maris
On ne mentira pas, cette fille-là, on l’aime d’amour. Parce qu’elle nous a centrifugé cœur, âme et estomac tout ensemble à chacune de ses prestations ou sorties discographiques. En 1998, l’Américaine saborde son groupe, Crowsdell, et part, seule, avec sa guitare comme unique bien. De là naîtront les fragiles et troublants Flighsafety et Maps of Tacit (1999 et 2000), puis plus tard, le rêche et sublime Dyed in the Wool (2001). Une vraie claque déjà. De ces disques qu’on écoute en boucle pendant des jours, sans rien vouloir écouter d’autre. Tout ça grâce à l’essentiel label bordelais Vicious Circle qui vient alors de signer la sortie de l’album dans l’Hexagone. Nous, on n’y comprend rien. Pendant des jours, voire des semaines entières, on se repasse un même morceau en boucle, découvert sur un sampler du fanzine Abus Dangereux (la face 75, pour être précis). On vient d’être grillé par la foudre. On attendra avec une fébrilité alors inconnue la sortie de l’album en France. Dyed in the wool, teint dans la laine, imprimé au plus profond de nos épidermes, déjà.
La France a aussi la chance de la découvrir en live, en première partie de Calexico notamment, lors de prestations intenses. Shannon est écorchée et passionnée, elle ne laisse personne indifférent. On l’a dit. Plus qu’une claque : une tornade. A l’intégrité et à la sincérité qui vous font mal au ventre mais vous libèrent en même temps. Sur scène, le visage souvent dissimulé derrière ses cheveux, Shannon Wright se cache. Mais se donne, et donne, entière. Sans filet, possédée. Ses déflagrations sonores vous mettent de terribles claques dont vous peinez à vous relever. Vous pensez enfin arriver à vous rétablir ? Peine perdue, le morceau suivant vous renvoie directement dans les cordes…
En 2004, elle retrouve Steve Albini pour son album (alors) le plus rock et le plus rêche, Over The Sun. Cet album change des vies. Tumulte de guitares électriques, voix poussées à l’extrême. C’est un disque abrasif. Shannon y manie la guitare « comme une serpe» disent les gars de Vicious. Et puis il y a le piano. Ces morceaux doux en apparence qui vous poignardent tout aussi fort. Suivra un disque avec Yann Tiersen qui la fera connaître davantage (écoutez par ici ce que Yann Tiersen dit de cette rencontre qui l’a plus qu’inspiré).
Puis contre toute attente, Shannon revient en 2007, avec Let in the Light, un album apaisé, sans pour autant être rangé. On l’imagine plus heureuse, moins à vif, mais on la sait toujours aussi exigeante. Shannon ne lâche rien. Elle n’a rien à faire des clichés, des modes, des étiquettes. Elle reste sur le fil tendu. Intègre. L’album suivant, Honeybee Girls, sorti en septembre 2009, alterne les assauts frontaux, les climats orageux et les moments plus paisibles… Mais méfiez-vous de l’eau qui dort. Sous ce calme apparent, les cassures apparaissent. Et les morceaux au piano se révèlent tout aussi ravageurs, tout comme cette incursion très rare (alors) dans la discographie de l’Américaine, dans les terres électroniques sur un morceau glaçant et bouleversant, Father.
On pensait attendre plus longtemps avant la sortie d’un nouvel opus. Et puis Secret Blood est arrivé début novembre 2010. Une entrée en matière sur les chapeaux de roue, un brûlot hardcore (l’énorme Fractured qui prend toute sa puissance en live), des ballades renversantes et encore des mélodies qui livrent progressivement leurs secrets. La sortie d‘In film Sound début 2013 nous marquera une nouvelle fois au fer rouge. On ne pensait (naïvement) pas que Shannon pouvait aller encore plus loin. En 9 titres désormais essentiels, elle livre un album à la densité qui vous percute l’âme, vous ouvre la poitrine et perfore vos poumons. Explosions rêches, riffs qui transpercent, propulsés par une rythmique à la puissance nucléaire ou accalmies poignantes et déchirantes (oui, Who’s sorry now ? ou Bleed juste après) In Film Sound déchaîne les corps et libère les âmes.
C’est donc tout tremblant, avec l’impatience nous tordant le ventre, qu’on a découvert Division, sorti le 3 février. Né d’une rencontre essentielle, celle de l’Américaine avec Katia Labèque, immense pianiste aux oreilles grandes ouvertes, un soir d’orage émotionnel en Suisse (Shannon est alors sur le point d’arrêter la musique – Katia Labèque lui ouvre grand les bras et l’invite dans son studio à Rome), l’album explore de nouvelles facettes de l’art de songwriter de la musicienne. Shannon essaie de nouvelles choses : elle y mêle acoustique et électronique (les immenses pianos du KML studio aux synthés analogiques, les batteries acoustiques aux boîtes à rythmes digitales), se permet une fragilité et une tendresse à faire chialer les pierres et ose un travail autour des voix et des mélodies vocales tout aussi renversant et désarmant. Au final un disque courageux, libre, qui a d’ores et déjà rejoint la liste des disques qui feront date dans la carrière de l’Américaine.
On s’est donc précipité au VIP à St Nazaire, pour la première date de la tournée. Déflagrations sonores, émotions à fleurs de peau, à fleurs de nerfs, Shannon Wright a une nouvelle fois donné un concert immense. On en est ressorti complètement hébété, abasourdi. Accompagnée par les extrêmement justes David Chalmin aux claviers (et un peu à la guitare ou aux chœurs – c’est lui qui a enregistré ce nouvel album) et Raphaël Séguinier à la batterie (les deux musiciens sont pile à la bonne place : en retrait pour laisser espace et liberté à Shannon, en même temps qu’immensément impliqués et justes dans leur jeu) l’Américaine a commencé avec quatre premiers titres au piano laminant la salle à froid, avant d’empoigner sa jazzmaster, tornade bouleversant(e) tout sur son passage (Commoner’s Saint énorme, un son de guitare à réveiller les morts sur Division sans oublier un Caustic Light tout bonnement dantesque).
Tout au long d’un set particulièrement généreux (deux rappels !), Shannon Wright a alterné nouveaux et anciens titres, piano et guitare, avec la même ferveur, avec la même déchirante intégrité, de The Thirst à Soft Noise en passant par un Accidental funambule et habité (rarissime configuration où Shannon n’est ni au piano, ni à la guitare, mais seulement au chant). Autant lever le suspens immédiatement : les nouveaux morceaux ont la même poignante intensité en live. Vous comprendrez donc facilement qu’on aille jusqu’à Laval ce dimanche. Et on vous souhaite la même chose. Voire même ailleurs, de Paris à Angoulême, de Lyon à Bordeaux, de St Étienne à Amsterdam…
Photos live – Caro
Shannon Wright sera en concert au 6 par 4 le dimanche 5 mars à partir de 18h (177 Rue du Vieux Saint-Louis, Laval).
Tarifs – Abonnés : Gratuit / En location : 10€ / Sur place : 12€ – Plus d’1fos sur le concert
Plus d’1fos sur Shannon Wright
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