La crème de la scène garage rennaise était réunie à l’Etage lors du festival I’m From Rennes. Résultat, une soirée dantesque menée à un rythme stratosphérique.
Lorsqu’on a découvert la programmation de cette édition du festival, on a eu du mal à cacher notre excitation quand on a vu la copieuse affiche de cette soirée malicieusement baptisée Vice, Garage et Liberté. Bon, on doit reconnaître qu’on avait une petite crainte : on a quelques difficultés avec la salle de l’Etage, dont la configuration exige un positionnement rapproché. Mais les organisateurs nous avait rassurés quelques jours auparavant, en nous évoquant 3 scènes (!). Une soirée garage sous la forme d’un mini-festival, c’était forcément tentant mais aussi sacrément risqué : pari réussi si l’on s’en tient au bouillonnement des spectateurs, proches du point de fusion en fin de soirée. Retour sur une soirée tutoyant le sans-faute.
En arrivant à l’Etage, on jette un oeil curieux dans la salle et on découvre deux scènes face à face, légèrement surélevées, sans crash barrières : ca sent bon la proximité brûlante avec le public. On se dirige alors vers la troisième scène, face au bar situé sur la plateforme d’entrée : on apprécie l’esprit caf’conc’, avec une déco soignée et une petite scène parfaitement raccord avec l’esprit garage.
C’est donc dans ce troquet éphémère que déboule Cheapster : enfin débouler est un bien grand mot puisque les cinq membres débarquent à la cool, en mode slacker : logique quand la moyenne d’âge tourne autour des dix-huit ans. C’est donc sans complexe qu’ils balancent leurs compos allant du garage au grunge de leurs débuts. Leur Ep The Pléboulle Chainsaw Massacre est un mélange d’influences pas toujours bien digérées, mais avec de solides bases, comme sur Einrich Fish et son final noisy qui clôt un set prometteur.
Sans transition aucune, on file vers la deuxième scène pour découvrir The Valderamas : changement de décor puisque l’on se promène ici vers le côté ensoleillé du garage, tendance surf-pop. Le trio guitare-basse-batterie nous montre tout son savoir-faire pour trousser de jolies mélodies pop (Pretty Girl) avec un goût prononcé pour les harmonies vocales, comme sur le bondissant On My Way. Une jolie surprise qui nous fait dodeliner de la tête avec un grand sourire. Parfait démarrage en douceur avant les hostilités qui vont suivre.
Rien de plus simple, il nous suffit de traverser la salle de l’Etage pour enchainer directement avec Chouette sur la première scène. L’occasion de découvrir leur premier album You don’t Know Why you Run, paru il y a quelques mois chez les excellents Beast Records. Ca démarre en douceur avec Bye Bye Land pour s’accélérer avec Get The Rythm et sa rythmique échevelé. Heart Shot Blues clôt cette triplette introductive qui ouvre également l’album : leur garage psyché est diaboliquement survitaminé, et le quatuor n’en finit plus de surprendre. Petite incursion surf sur Surfin Penestin issu de leur EP éponyme, ou lenteur psyché sur Snake Hunting, Chouette nous propose un set malin et terriblement séduisant. On espère juste que l’éloignement géographique des membres du groupe ne les empêchera pas de nous régaler de nouveau.
Petite pause bienvenue dans ce marathon musical histoire de faire un tour du côté du merchandising et on en oublie presque de retourner dans la salle pour découvrir enfin les vieux de la vieille de la prog, Combomatix, duo officiant depuis 8 ans déjà, et rejoints en 2012 par Laure aux claviers. Pas de bol, Charles Samson se débat avec un changement de cordes à notre arrivée : le trio gère ça avec une bonne dose d’humour, évoquant la politique urbaine de la municipalité, et peut enfin reprendre le fil du concert. Malheureusement nous n’écoutons que quelques notes de leur garage lo-fi avant de filer vers la scène du bar où le concert suivant a déjà débuté. Dommage, car Chinese Songs for Bad Boys, paru en février nous avait séduit. L’enchainement des concerts est diabolique mais on se promet une prochaine séance de rattrapage avec Combomatix au plus vite.
On se fraye difficilement un chemin vers les premiers rangs pour découvrir le duo Versatil Monster, avec l’incontournable Arthur Paichereau au chant et à la guitare. Incontournable car responsable de l’enregistrement d’une bonne partie de la scène garage rennaise, et donc d’une bonne partie des groupes présents ce soir, derrière ses consoles du studio d’enregistrement l’Abri 101. Accompagné de Gwendal Rouxel à la batterie, le rock-garage du duo prend des atours bluesy au démarrage (Big Band) avant d’appuyer sur l’accélérateur avec une tripotée de bombinettes comme l’imparable Cigarette, sans oublier d’y apporter une touche groovy. Des riffs fuzzés en pagaille qui font monter la température d’un cran dans le bar surchauffé de l’Etage.
A peine le temps de se choper une mousse qu’on file voir les très attendus The Madcaps. Leur second album Hot Sauce (chez Howlin Banana et Beast Records) est une véritable réussite, à haute teneur sixties mais sans être une copie tiédasse : les influences garage américain (Allah-Las) et beat anglais sixties (Kinks entre autres) se marient à merveille sur album. Et en concert, ils franchissent même un palier : Thomas Dahyot (que l’on avait déjà vu avec les Spadassins) assure à merveille son rôle de frontman avec une proximité réjouissante avec le public. Son chant est tantôt rock, tantôt soul et en parfaite harmonie avec le trio de musiciens passant allègrement d’un furieux rock garage (Too Big For Your Boots) à la sensualité d’une composition rhythm and blues (Taco Truck). L’une des très belles surprises de la soirée.
On avait déjà découvert Sapin à leurs débuts sur la terrasse du Oan’s Pub il y a quelques années, puis lors d’une formidable session de l’Echo Du Oan’s. Ils ont été depuis rejoints par un deuxième guitariste qui leur a permis d’étoffer sérieusement les arrangements de leur dernier album, l’excellent Smell of a Prick, signé bien évidemment sur Howlin Banana et Beast Records, et enregistré par l’incontournable Arthur Paichereau. Le quatuor fait bien quelques incursions surf (Mr Pleasant et son petit riff entrainant) mais la particularité de leurs compos est d’insuffler une bonne dose de country à leur garage-pop (I’m Alive, Hipster Johnny). La deuxième guitare leur permet également d’aller vers des territoires plus sombre comme sur le magnifique Good Old Days. Et derrière une attitude scénique fleurant bon la déconne permanente, il y a une palanquée de superbes mélodies qui passent haut la main le cut sur scène. Toujours aussi réjouissant.
On prend ensuite la direction de la scène du bar pour découvrir un parterre lancé dans un furieux pogo. La faute à qui ? A la grosse claque de notre soirée, le duo Black Boys on Moped. On les appréciera de loin après s’être frotté d’un peu trop près aux premiers rangs avec notre appareil photo, mais on aura l’occasion d’en découvrir un peu plus en fin de soirée. Les duos guitare-batterie se multiplient depuis quelques années, mais peu sont capables de vous coller une telle énergie dans la tronche. Du garage trempé dans un blues brut et crasseux, avec une rythmique à vous décrasser les esgourdes. Du lent et pesant Eve au survitaminé I Hate You, le duo réussit sur scène à faire croitre l’intensité de chacun de leur morceau. Avec une forme d’urgence qui donne la sensation qu’ils jouent tous leurs morceaux comme si c’était le dernier du set. La plus grosse claque de la soirée : on les avait honteusement loupé lors de leur passage à l’Echo du Oan’s, on s’est doublement rattrapé en repartant avec leur galette sous le bras (excellent split avec Chuck Twins California).
Alors forcément, les concerts s’enchainant, on arrive au beau milieu du set de Kaviar Special et on se faufile comme on peut sur l’un des côtés de la scène : les rangs se sont sérieusement densifiés et ça pogote joyeusement (avec quelques slams en prime). Il faut dire qu’après quatre tournées européennes et un passage très remarqué aux dernièresTrans Musicales, les quatre musiciens ont sorti un nouvel album à la production léchée, #2. On débarque sur l’inévitable Highway et son intro délicieusement psyché. Leur garage-pop est beaucoup plus musclée sur scène avec un déluge de fuzz, des chants plus furieux et une impressionnante débauche scénique. L’épique I Wouldn’t Touch You With A Stick achève le public avant une dernière accélération sur l’imparable Poison Cake.
Fin d’une soirée riche qui… Ah non ! Les organisateurs de la soirée nous ont préparé une petite surprise : un ping-pong musical de chaque côté de la salle, entre les deux duos de la soirée, Versatil Monster et Black Boys On Moped. Une belle occasion de redécouvrir les deux groupes qui s’étaient produits sur l’étroite petite scène du bar. Les deux duos se répondent musicalement, se chambrent et sont même rejoints par plusieurs membres de Sapin, pour un final joyeusement bordélique. Merci à toute l’équipe d’I’m From Rennes (et à tous les co-organisateurs, Beast Records, le Twist Komintern, Ost Berlin, Beating Recording) de nous avoir offert cette soirée-festival, qui prouve une fois de plus l’incroyable vitalité de la scène garage rennaise.
Diaporama de Vice, Garage & Liberté (photos : Yann)
Retrouvez tous nos articles sur I’m From Rennes 2016 ici.