Une conférence sur le tango par des clowns ? il n’en fallait pas plus pour piquer la curiosité du public Grand Soufflet venu en masse à la salle polyvalente de la Bouëxière à l’heure du goûter dimanche après-midi. Et ils n’ont pas été déçus du voyage…
Un voyage…
« Le plus beau de tous les tangos du monde, C’est celui que j’ai dansé dans vos bras. » Ouverture en chanson et en musique pour cette grande conférence déjantée. Derrière son pupitre, Carlita, la grande conférencière mène d’une main de maître la famille Salidas qui l’aide à illustrer l’histoire du tango.
Un rideau de velours rouge pour tout décor et Matias Reynoso au bandonéon. C’est parti pour un voyage dans le temps…
De l’Europe à l’Amérique latine
Le tango serait né dans un bateau, celui qui a mené les émigrants européens en Amérique. Les Espagnols, les Allemands, les Italiens… chaque vague d’immigration donne lieu à un tableau haut en couleurs et en chansons : Musique maestro à la sauce clown ! De Bella Ciao à O Sole mio, en passant par les castagnettes et le rappel historique sur la naissance du Bandonéon en Allemagne.
Mais le tango, le vrai, c’est le tango argentin. Le tango des bordels et des lupanars. Le tango de l’amour et de la sensualité. Tableaux empreints de cette nostalgie du déracinement et de cette solitude qui traversaient les hommes ayant émigré en Argentine.
Tableaux gentiment suggestifs et clownesques de la sensualité propre au tango. Les marins, les prostituées, les gangsters se courent après sur toute la scène dans un joyeux charivari musical.
Leçon de tango
Et quand la scène se transforme en milonga, la conférence disjoncte. Fioriture, le plus grand danseur de tango clownesque qui soit, entre en scène et entame un corps à corps brûlant avec Carlita…qui en perdra sa voix.
Appelée à la rescousse, la famille Salidas poursuit comme elle peut (veut ?) la conférence sur les notes de I’m just a gigolo. Fioriture se lance ensuite dans la description de l’essence même du tango. Car pourquoi danse-t-on encore le tango aujourd’hui ? uniquement pour la rencontre entre un homme et une femme au bord de la piste. Fioriture révèle ainsi toutes les techniques propres au cabeceo et entraîne ses partenaires sur la piste dans le sens inverse des aiguilles d’une montre avec Besame mucho en fond musical. Mais l’intrusion d’un clown travesti en nuisette perturbe le cours et achève de disjoncter la conférence de cette chère Carlita…
Que de sérieux !
Alors derrière les apparences clownesques, cette conférence relate avec beaucoup de détails l’histoire du tango. Michel Plisson, dans Tango, du noir au blanc (Ed. Actes Sud) résume ainsi le métissage du tango : « Une rythmique afro, des musiciens italiens jouant sur des instruments allemands des mélodies d’Europe de l’Est avec des paroles qui viennent des zarzuelas espagnoles. » Ce que les clowns de la compagnie Tecem ont repris en chœur à travers les tableaux du spectacle. Alors si tous les poncifs de la « clownerie » sont bien là – impertinence, bouffonneries, burlesque, comique de répétition, chutes… -, le propos est travaillé et nous sert sur un grand plateau ce qu’il faut savoir sur le tango. Les quelques pas de tango argentin esquissés sont aussi une invitation à la danse… et quand les clowns descendent de scène pour faire, au milieu du public et avec ce dernier, des démonstrations d’abrazo, le spectacle prend vie. Et puis, le tango, ce n’est pas qu’une histoire, ce sont aussi des émotions, savamment transmises par cette compagnie de clowns.
« Le plus beau de tous les tangos du monde,
C’est celui que j’ai dansé dans vos bras.
J’ai connu d’autres tangos à la ronde,
Mais mon cœur n’oubliera pas celui-là. »
Et nous, nous ne sommes pas près d’oublier cette conférence-là…