Gesar Khan en interview – Breizh Disorder @ l’Ubu

Alter1fo vous propose de (re)découvrir la scène musicale rennaise à travers une chronique, hebdomadaire le plus souvent. Des talents émergent, d’autres confirment sur la scène locale. Certains les soutiennent, sortent leurs disques, d’autres leur proposent des lieux de concert, de répétition… Alter1fo donne un coup de projecteur à ces artistes, labels, lieux ou assos qui œuvrent d’arrache-pied pour que la scène locale existe. Permettre aux acteurs et aux publics de se rencontrer, donner la parole à ceux qui font la vie rennaise, tels sont nos buts avoués. Chaque semaine, vous retrouverez donc un ou plusieurs focus sur l’un de ces acteurs…

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Le trio Gesar Khan a titillé notre curiosité, avec deux EP réussis, In a Maze et The Machine. Un savant mélange de post-hardcore, de metal, de noise et de punk, à ranger définitivement dans la catégorie « inclassable », ce qui n’est pas pour nous déplaire. Des morceaux en trompe-l’oeil qui jouent avec les ruptures pour prendre des chemins de traverse inattendus : metal et punk cohabitent avec un chant noisy, pour un résultat surprenant et addictif. Un projet musical né il y a cinq ans, mais qui reste injustement méconnu. Et leur prestation scénique à l’Ubu lors du Breizh Disorder a largement confirmé nos impressions de départ. On a voulu en savoir plus en allant à la rencontre de JC, Jérôme et Mick. Interview.

Si vous deviez présenter Gesar Khan en 2 ou 3 mots, que diriez-vous ?

Mick : Chaotique.

Jérôme : Dense.

JC : Original, parce qu’issu de trois influences différentes. On n’est pas fermé sur un seul style.

Jérôme : C’est varié. Voire irrégulier. Il n’y a pas forcément de continuité dans ce que l’on fait.

JC :  Et sombre (tout le groupe acquiesce).

Gesar Khan

Si vous deviez citer chacun trois albums sans lesquels vous ne pourriez pas vivre ?

JC : Unsane, Visqueen. Dirt d’Alice in Chains. Et I Am God Songs de Back Sheep Wall.

Jérôme : Surfer Rosa des Pixies. Goo de Sonic Youth parce que cet album est un résumé de Sonic Youth. Et Goat de Jesus Lizard.

Mick : En ce moment, ça serait Station de Russian Circles. Le premier album d’Elvis Presley. Et le premier album de Burning Heads.

Comment est né votre groupe ?

Jérôme : J’ai rencontré Mick au sein du groupe Guzzler, c’était en 2005, nous avons fait partie de cette formation pendant 2 ans. JC et moi, nous nous connaissons depuis le collège et jouons ensemble depuis le lycée. Entre-temps, JC et Mick ont aussi commencé à jouer ensemble.

Mick : JC avait un groupe, Worm Eaten. Je me suis laissé tenter deux ou trois mois : j’ai essayé d’apporter un peu de tendresse et de mélodie (rires). C’était notre première expérience musicale commune. On a commencé Gesar Khan environ un an après, en juin 2008.
Gesar Khan

Pourquoi avoir choisi ce nom, Gesar Khan ?

JC : L’épopée de Gesar Khan est un poème mongol : c’est l’un des poèmes les plus riches en vers. Gesar Khan serait un fils de l’empereur Gensis Khan. Un poème très riche, très varié et complètement barré. Le nom nous plaisait bien, et on est parti là-dessus, c’est aussi simple que ça.

Comment composez-vous ? C’est quelque chose que vous faites à trois ou bien l’un d’entre vous amène les compositions ?

Mick : Ca peut très bien commencer sur un riff de guitare que je travaille depuis plusieurs semaines tout seul.

Jérôme : On a Mick le prolifique, qui produit du riff de guitare à la pelle, et qui nous en ramène au-delà de ce que l’on peut absorber (rires). JC apporte souvent un rythme primaire, qu’il retravaille chez lui. Et moi je suis plus instinctif et spontané.

C’est peut-être lié au caractère de chacun, mais c’est aussi lié aux instruments joués, non ?

Jérôme : oui le riff pour la mélodie, la batterie pour la structure. Et tout le monde sait qu’on se fait chier quand on joue de la basse tout seul chez soi (rires).

Mick : Ca amène des morceaux complètement différents à chaque fois. On peut reconnaître si le morceau est né d’un riff de guitare, d’une improvisation collective, etc… La guitare sera plus flottante si le morceau nait d’un riff de basse par exemple.

Jérôme : On a la chance d’avoir Mick, qui a une culture du rock énorme. Il a un toucher véritablement instinctif.

Vous avez déjà deux EP à votre actif : In a Maze en 2009 et The Machine en 2011. Comment s’est passé l’enregistrement des titres ? En studio ? A la maison ? Un peu des deux ?

Mick : Un peu des deux, puisqu’on a fait ça chez Jérôme, dans son studio. On a enregistré les deux en live.

On sent effectivement la prise de son live.

Jérôme : Ca prend moins de temps, mais c’est plus exigeant en terme de préparation. Si tu ne veux pas que tes potes te fusillent quand tu plantes la prise qu’ils ont réussie, tu as intérêt à bosser avant (rires). On avait essayé de faire un enregistrement piste par piste mais ça n’avait pas fonctionné. Pour l’album qu’on prépare, ça sera certainement un mix des deux.

Gesar Khan

Il n’y a donc pas eu d’arrangements spécifiques lors de l’enregistrement ?

Mick : Non c’est vraiment du live. Sur les dix morceaux enregistrés, j’ai dû doubler quelques guitares sur deux ou trois morceaux seulement.

Jérôme : Il n’y a pas beaucoup de production. L’idée est aussi de reproduire sur scène ce qui existe sur le disque. Le public est même plutôt surpris en bien (rires). Les morceaux ont eu le temps d’arriver à maturité : on a une meilleur exécution des morceaux en live.

Vous avez des titres avec un son beaucoup plus métal, comme The Machine, et d’autres plus speed, plus punk, comme In a Maze. Sur votre deuxième EP, il y a aussi des compositions qui sont un mix des deux (Eat Your Eyes, Into The Stream), avec des ruptures entre le métal et le punk. Avez-vous l’intention de rechercher de nouveau ce mélange des styles sur un même titre ? Ou bien continuer à faire coexister les deux genres musicaux ?

JC : Ce mélange, c’est notre style : ce que j’appelle du post-hardcore. Il y a effectivement le speed du punk et la lourdeur du métal au sein d’un même morceau. Ca n’est pas réfléchi. On est relativement instable dans nos compositions : dans le nouvel album, il y aura des morceaux plus speed, d’autres plus lourd, et aussi des titres qui mélangent le punk et le métal. On est difficilement classable, mais c’est ce que l’on trouve génial.

 

Jérôme : On n’a pas décidé au départ de se limiter à un style. On aime tous plusieurs styles musicaux. Et il y a aussi une émulation musicale à trois, où chacun va essayer de ramener son côté métal, heavy ou noise. On essaye avant tout de se faire plaisir individuellement et collectivement. On aime bien aussi casser les pattes des gens : je me souviens d’un concert avec une affiche hardcore. On a quelques passages hardcore dans nos compos : tu commences à voir les gens danser et là tu les coupes dans leur élan (rires).

Vous réussissez même à être punk dans vos passages métal, dans l’énergie qui se dégage.

Mick : oui, c’est en permanence tendu, sur le fil. Quand c’est métal, il y a une tension qui peut exploser.

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Mais même si vous passez d’un style à l’autre, il y a quand même une cohérence d’ensemble. Quand on écoute vos EP, il y a une fluidité naturelle.

Jérôme : il y a une forme de narration dans chaque morceau. Il peut se passer plusieurs évènements dans un morceau. Il n’y a pas forcément une ambiance linéaire.

Mick : C’est d’ailleurs compliqué parfois lors des concerts : lorsque tu joues dans un festival hardocre ou punk, il y a des gens qui dansent mais certains sont perturbés par les changements de rythmes.

JC : Gesar Khan est vraiment l’addition de nos trois influences différentes, et on souhaite que ça reste ainsi, c’est ce qui fait la richesse du projet.

Jérôme : On tient à cette liberté, à ne pas être dans un carcan musical. On n’est peut être pas assez punk, pas assez noise, pas assez hardcore, mais on est un peu de tout ça à la fois.

JC : D’où la difficulté de trouver un label (rires).

 

Après avoir joué dans de nombreux bars, vous allez vous retrouver sur la scène de l’Ubu. Ca vous fait quoi ?

JC : Ce qui me fait plaisir, c’est que c’est une scène professionnelle, et ça va être un gros panard, à la batterie notamment. Je ne suis pas forcément impressionné. Le tout premier concert au Mondo Bizarro était plus stressant.

Mick : Je suis très fier de jouer à l’Ubu. Ca va forcément être l’angoisse jusqu’au moment où l’on va envoyer le premier accord !

Jérôme : Je pense qu’on n’est pas prêt pour jouer sur une scène comme l’Ubu, mais c’est justement ça qui est cool. Ca va nous motiver à travailler notre jeu scénique : un concert, c’est aussi un spectacle vivant.

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JC : Pour le moment, on fait de la musique pour se faire plaisir. On est autodidacte, on n’est absolument pas scolaire. On est complètement punk dans notre état d’esprit. L’Ubu peut nous permettre de se poser un certain nombre de questions.

Jérôme : On espère pouvoir présenter le maximum de nouveaux morceaux à l’Ubu, qui ne figurent pas sur les EP mais qui seront sur l’album.

C’est la première fois que vous allez jouer ces nouvelles compos ?

Mick : On a déjà joué 4 de ces nouveaux titres en live. On compose en permanence : il y a des morceaux du futur album qui existent depuis plus d’un an.

Comment s’est faite la rencontre avec l’asso Mass Prod ?

Mick : On leur avait envoyé un mail pour savoir s’ils pouvaient éventuellement nous faire jouer quelques concerts. Et on figure finalement sur la double compilation Breizh Disorder. Ils ont ensuite sollicité les groupes rennais présents sur la compil’ pour cette soirée à l’Ubu.

« – Vous voulez jouer à l’Ubu ?

– Oui ! » (rires).

Après cette date à l’Ubu, vous avez d’autres projets de concerts ?

Jérôme : Non, on va se concentrer sur l’album, et uniquement l’album. Enregistrement cet hiver pour une sortie à la fin du premier semestre 2014.

Merci beaucoup.

Merci à vous.

Un grand merci à JC, Jérôme et Mick pour cette interview !

Bandcamp de Gesar Khan

Site de Mass Prod

Site de l’Ubu

Breizh Disorder Festival @ L’Ubu, vendredi 22 novembre, 20h-03h, avec Gesar Khan, Bestial Nihilism, Vils Coyotes, Dillinger est mort, Kapture, Head On, Rue d’la soif, Brieg Guerveno, et les invités basques Willis Drummond.

10 euros (adhérents Mass Prod et Ubu), 12 euros en location, 15 euros sur place.

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