Grâce à une programmation riche et des plus soignées, entre découvertes, soutien à la scène locale et artistes confirmés, cette 18ème édition des Embellies viendra conforter une fois encore du 2 au 5 mars la place devenue incontournable que tient le festival dans l’agenda culturel rennais. C’est intelligent, malin, ouvert et surtout diablement excitant ! On poursuit notre présentation avec la soirée qui se déroulera à l’Ubu le vendredi 4 mars. Au programme : ESB et Lisaa Van de Aa, deux projets particulièrement riches et denses dans lesquels on risque bien de s’immerger totalement. Explications.
ESB
Photo : l’indispensable Jérôme Sevrette
On est plus que ravi de retrouver ESB en live dans cette programmation des Embellies tant on apprécie l’électro analogique de cette hydre à trois têtes (chercheuses). Chouette bande d’esthètes composée de Thomas Poli (Laetitia Shériff, Montgomery), Lionel Laquerrière (Nestor is Bianca, Geysir) et Yann Tiersen, ESB a troqué les guitares, accordéon, violon et autre piano habituels contre des synthés analogiques pour composer une musique pleine de textures et d’ondes fascinantes.
Feu Electronische Stauband (un jeu de mots sur Dust Lane, la tournée sur laquelle les trois musiciens ont commencé le projet ?), ESB est né en 2010 comme un jeu, pendant les balances avant les concerts en adaptant les morceaux de l’album de Yann Tiersen –Dust Lane, donc- en version électro plutôt seventies. Jusqu’à ce qu’un festival italien (Acusmatiq pour la petite histoire) invite le trio à présenter ces versions sur scène pour un concert. Pour le coup, les musiciens se sont pris au jeu et la date a suscité l’envie de monter un réel projet musical, composé entièrement à trois. Plusieurs concerts, notamment une date à la Route du Rock collection hiver en 2012 et un premier 7 pouces (en 2013) sorti chez le formidable Thoré Single Club qui nous a fait les découvrir en 2013, nous invitent très vite à les ranger du côté kraut/mélancolie hypnotique/répétition synthétique (versant Klaus Schulze, Popol Vuh, Neu !).
ESB live par le plus qu’essentiel ThomR
Pourtant leur premier album, Square/Triangle/Sine, sorti en 2015 chez les Allemands de Bureau B nous semble aller bien au-delà de la copie référencée (voire révérencieuse) aux anciens. Enfermés dans un garage, avec chacun deux synthés comme seules armes à triturer, moduler (Korg, Arp, Moog, si on ne se trompe pas trop ?), les musiciens -déjà bien pris par leurs différents projets respectifs, il faut le dire- s’imposent un temps de composition resserré, complètement immergés dans la matière sonore dont ils travaillent les grains et les textures, mais aussi les envolées d’une pop qui sonne avant tout organique et pas seulement Kosmique. Le souffle sonore de l’électricité, la matière vibratoire des ondes, la place laissée à la mélodie ou le bel équilibre des ambiances sur la longueur de l’album, tout comme une réelle maîtrise des reliefs font de ces dix titres une réjouissante réussite.
On a d’autant plus hâte de découvrir cet album en live que, si le groupe a une trame qu’il suit en concert, les trois musiciens improvisent également, jouant sur l’intensité, la tension des vibrations qui ne sont jamais tout à fait les mêmes. Le groupe sort d’ailleurs en ce début mars une K7 d’enregistrements live que le trio a réalisés lors de sa dernière tournée entre l’Allemagne et la France. Enregistrée sur un enregistreur cassette Tascam Porta, la cassette sera disponible sur Impersonal Freedom, label d’un grand amoureux de la temporalité du son (Thomas Poli, oui). En attendant, rendez-vous à l’Ubu pour une immersion en apesanteur.
A noter : ESB sera également en session improvisée chez les amis de Blind Spot le 3 mars à 15h.
ESB live toujours par le formidable ThomR
Liesa Van der Aa
On a également bien hâte de découvrir la musicienne belge Liesa Van der Aa, tant l’univers hybride entre avant-garde et pop de la jeune femme (qui est aussi actrice -et nous on a le temps de rien !-) se révèle singulier et libre. « Elle est exactement entre l’expérience, le laboratoire sonore et la virtuosité classique » cartographiait France Culture. Violoniste de formation classique, elle découvre le souffre du Velvet et Chet Baker et hybride sa musique, pour une pop baroque gorgée d’expérimentations où le violon se trouve tour à tour / simultanément bouclé, percussif, saturé. Une musique expérimentale, exigeante, mais bizarrement accessible.
Son premier long format Troops, enregistré à Berlin par Boris Wildorf (Einstürzende Neubauten) sort en 2012. Pour cet album, elle sollicite également dix artistes contemporains parmi des plasticiens, des vidéastes et des metteurs en scène, afin qu’ils réalisent une vidéo pour chacun des titres de l’album. Éternelle insatisfaite, habitée par une quête sonore qu’elle ne voudrait jamais interrompre, Lisea Van der Aa cherche, fouille, garde constamment cette liberté dans son approche du son, culbute les structures et ne s’interdit rien. Cérébrale et viscérale à la fois, sa musique se révèle aussi riche au cœur et à l’âme, aussi intense pour les chairs et l’esprit.
Refusant de choisir, son dernier (très) long format, Woth, (2015) s’affiche en triple album, trilogie scindée en trois chapitres qui s’inspire des cérémonies funèbres égyptiennes antiques. Woth, ou autrement dit Weighing of the Heart, la pesée des âmes. Soit. Un album riche, dense, qui tente de dire (un peu) la complexité en se permettant de mélanger l’électro (parfois indus) à la pop baroque (parfois aérienne), en passant par une pop-rock structurée un poil trash et bizarre (et on est loin du compte). Si l’on ajoute à cela, pour ce qu’on a pu en lire, un réel magnétisme sur scène et une folle dextérité avec violon et pédales, on gage que le moment devrait être, déroutant parfois (encore que), mais réellement passionnant et prenant.
Patchrock, dans le cadre du festival Les Embellies présente ESB et Liesa Van der Aa en concert vendredi 4 mars à l’Ubu (1 rue St Hélier, Rennes) à partir de 20h.