Pour leur soirée du jeudi 22 mars au Théâtre du Vieux Saint Etienne, le festival des Embellies jouait sur les contrastes avec la pop azimutée et minimale d’Héron Cendré, le rock fiévreux de Miët et les spirales Kraut rock de Veik. Alchimie audacieuse pour des organisateurs coutumiers du fait mais alchimie heureuse une fois de plus. Retour sur des plaisirs multiples.
Arrivé tôt sur place, nous avons le temps de baguenauder bière artisanale à la main dans le vénérable (et frisquet) édifice. La pierre c’est beau mais ça chauffe moins bien que le houblon. Nous constatons avec toujours autant de plaisir que l’équipe du festival, la bande de Vitrine en cours et les bambins de l’école Moulin-du-Comte ont vraiment bien bossé. Grâce à l’expo de 20 ans d’identités visuels du festival par Sébastien Thomazo et Yoann Buffeteau et aux multiples bricolages lumineux et sonores, le lieu est accueillant et convivial. Chapeau aussi pour la large scène aux éclairages bien travaillés qui offrait un bel écrin aux prestations des artistes.
L’envol du Héron Cendré
Le premier a s’y coller ce soir là ce fût Héron Cendré. Nous avons suivi avec plaisir les aventures musicales bien dingo de Grégory Hairon dans son projet/personnage Gregaldur. Il y avait mis un terme à d’un ultime et très touchant concert à l’Antipode et nous étions donc bien impatients de découvrir la suite de ses facétieuses péripéties dans ce nouveau projet. On retrouve le bonhomme entouré d’un chouette bric-à-brac de claviers et autres machines étranges, d’une guitare et d’un intrigant plateau bardé de ressorts et de câble. Ce dernier instrument, lorsqu’il est frappé de la main (ou du pied !), sert à ponctuer d’irruptions bruitistes des compositions tour à tour rêveuses, hypnotiques ou facétieuses. On retrouve la malice ludique et l’esprit aventureux que l’on apprécie tant chez le gars. On sent un poil de nervosité ce soir là quand les machines se font capricieuses mais la fragilité ajoute encore au charme du concert. Dans les moments les plus chouettes du concert, nous retiendrons une ballade médiévale bien barrée scandant les délices d’un déjeuner avec Terry Riley.
Nous avons donc beaucoup aimé assister à l’envol de Héron Cendré et l’on surveillera avec une attention toute particulière ces futures migrations vers des contrées sûrement toujours plus exotiques.
Miët entre ombre et lumière
Les multiples et récurrents éloges des concerts de la nantaise Miët avaient mis la barre très très haute pour ce concert et la dame ne nous déçut point.
Munie seulement de sa voix entre velours et papier de verre, de sa basse bien hargneuse et de quelques pédales, elle nous a offert une démonstration assez implacable de fougue rock’n’Roll et de présence scénique. Ce qui nous frappe de prime abord, c’est la maîtrise qu’elle a de la scène. Les transitions et les boucles sont fluides et élégantes et le rythme général est juste époustouflant. Sauf que la technique passe vite au second plan face à l’implication totale de la dame dans sa musique. La façon dont elle passe incessamment de décharges soniques furieuses à la mélancolie est assez saisissante. Elle tangue et arpente la scène comme un fauve et distribue avec générosité riffs assassins et déflagrations abrasives. Elle boucle son concert sur une très convaincante interprétation à capella d’un poème de Walt Whitman histoire de bien nous rappeler que ce qui charpente sa musique c’est bien sa voix. On évoque volontiers PJ Harvey ou Shannon Wright quand on parle de Miët mais, si ce n’est pas usurpé, c’est plutôt à une autre experte en montagnes russes émotionnelles : Laetitia Shériff à laquelle on a fortement pensé ce soir là.
Caché au cœur du vertige avec Veik
Le jeune trio caennais Veik vient conclure la soirée. Pas facile d’enquiller derrière la furia nantaise mais le contraste va rapidement fonctionner. Entre une belle collection de clavier et un guitariste flegmatique, le batteur-chanteur assure à la fois la pulsation et la touche sensible dans une mécanique diablement bien huilée. Si les structures répétitives et les sonorités insidieuses sont à l’honneur, on apprécie aussi la qualité mélodique et le son épuré de guitare très « pop » des compositions. Les spirales kraut nous filent bien des fourmis dans les guiboles malgré l’heure tardive mais on a la surprise de découvrir que les gars savent aussi planquer de véritables chansons au cœur de leurs labyrinthes rythmiques, participent beaucoup à notre sentiment de satisfaction à l’issue du concert.
Dans l’élan de cette belle soirée, nous aurions vraiment aimé rester écouter les sélections de DJ GranDJgéant qui la prolongeaient mais notre fin de semaine étant particulièrement chargée en concerts tout aussi prometteurs, nous avons préféré garder un minimum de forces pour la suite.