Embellies 2014 – Impeccable triptyque rennais @ Le 6par4

Fat Supper

Le festival des Embellies nous invitait à découvrir le 6par4 à Laval pour une soirée inaugurale réussie. Une programmation aux petits oignons qui justifiait à elle seule l’heure de route.

Lorsqu’on a découvert la foisonnante programmation du festival des Embellies il y a quelques semaines, on a rapidement pris la décision de migrer vers les contrées lavalloises le temps d’une soirée. Parce que la programmation à forte coloration rennaise nous emballait derechef, mais aussi pour découvrir enfin la salle du 6par4 qui faisait l’objet de tant d’éloges. Autant dire que nous n’avons pas été déçu, loin de là. Tout d’abord grâce à l’accueil conjoint de l’équipe du 6par4 et des membres de l’association Patchrock, mais aussi par le charme immédiat que cette petite salle dégage. Petite jauge, bar agréable, accueil souriant et affable, lumière et son impeccables, bref, on s’est promis d’y revenir rapidement. Le seul petit bémol : un public qui ne s’est pas déplacé en masse, mais les spectateurs présents ont su faire preuve d’un enthousiasme à la hauteur de la qualité musicale proposée.

Monstromery

La soirée débutait avec un tout nouveau projet qui titillait notre curiosité : pas de titres à se glisser entre les oreilles, mais de belles promesses sur le papier. Monstromery est le tout nouveau projet de Benjamin Ledauphin (la voix des trop rares Montgomery), un projet beaucoup plus complexe qu’il n‘y parait. Ce n’est pas véritablement un projet solo, mais des compositions qui peuvent être joués live sous des formes différentes. MonstromeryBenjamin Ledauphin (voix, guitare) se présentait sur scène avec Yoann Buffeteau à la batterie : un tout premier concert pour le duo et une aisance bluffante dès les premières notes. Eclairage tamisé, rythmique tribale épurée, quelques boucles de voix aérienne pour finir sur une déflagration sonore, on est immédiatement happé par l’ambiance du set.

On abandonne rapidement l’idée de trouver une quelconque ressemblance avec Montgomery. Il y a certes la voix au timbre particulier de Benjamin, mais la réverb’ qui sied parfaitement aux titres joués, est beaucoup plus présente. Benjamin boucle sa voix et ses riffs de guitare avec parcimonie, juste ce qu’il faut pour donner l’ampleur suffisante aux compositions. La rythmique est impeccable et étonnement variée (tribale et discrète, puis soudainement plus échevelée), les titres étant truffées de ruptures de rythmes. Le climat d’ensemble est tendu, sur le fil, à la limite de l’explosion noisy. Mais le plus surprenant reste le contraste entre les riffs de guitare écorchés et la voix incroyablement aérienne, presque cathédrale, de Benjamin.

Il y a forcément un mélange de jubilation et de frustration lorsqu’on découvre un projet comme celui-ci, sans avoir pu s’approprier les titres auparavant. Mais on a reconnu dès les premières notes le seul titre disponible sur la toile (captation aux Rockomotives, ici), ce qui nous fait clairement saliver à l’idée de revoir ce projet singulier au Jardin Moderne ce mercredi 26 mars. Pour en savoir un peu plus sur Monstromery, on vous invite à découvrir l’interview de Benjamin Ledauphin par Mr B (ici).

Bumpkin Island

Quelques instants avant le début de leur concert, nous avons eu le plaisir d’interviewer les membres de Bumpkin Island. Lors de cette rencontre, ils nous ont fait part de quelques changements dans leur set depuis leur dernier passage aux Embellies il y a un an. De quoi titiller notre curiosité, car les changements étaient déjà nombreux entre la parution de leur premier EP en 2011 et la sortie de leur tout premier album, Ten Thousand Night en mai 2013.

Bumpkin Island

On a retrouvé les ingrédients qui nous avaient enchantés en mars 2013 à l’Antipode. Un savant mélange de pop orchestrale et de montées post-rock qui prennent le temps de s’installer, avec l’indispensable présence de la trompette, jouée par Clément Lemmenicier (au xylophone également). Les accents folk du début sont toujours présents mais ils ont pris une sérieuse coloration noisy. Les mélodies font instinctivement penser à la scène scandinave et nordique : lorsque Vincent Chretien utilise un archet pour frotter les cordes de sa guitare sur The Lake et Ten Thousand Nights, on pense forcément à Sigur Ros. Les chœurs sont toujours présents, puissants et rageurs à la fin des titres, à l’image de leur musique, frontale et parfois torturée.

Mais ce qui nous a marqué lors de ce concert au 6par4 est l’évolution vocale. Le chant est encore plus puissant, notamment lors des chœurs à 5 qui vous collent des frissons (The Drift, In My Guts). On sent que la répétition des concerts leur a permis de maitriser ce set et de se libérer complètement. Le chant lead est merveilleusement assuré par Ellie James, qui semble prendre beaucoup de plaisir sur scène, à l’image des musiciens qui s’échangent regards et sourires. Et les deux nouveaux titres joués à Laval sont surprenants et particulièrement réussis : une synthèse entre leur pop souriante des débuts et leur post-rock plus sombre. Il y a notamment Crimbus, et sa mélodie enlevée, sur laquelle la trompette prend des accents free jazz. Lors de l’interview, les musiciens nous ont évoqué leur projet d’enregistrements acoustiques, et leur envie de jouer plusieurs concerts dans cette formule. A suivre de très près dans les prochains mois.

Fat Supper

On avait découvert Fat Supper en septembre 2012 au Jardin Moderne, sous la forme d’un trio né des cendres de Leo88man. On les a revu récemment lors d’une session de l’Echo du Oan’s sous la forme du quatuor actuel. Après avoir écouté en boucle leur premier album, on a usé le vinyle de leur excellent EP Flat Slupper. Bon, on peut l’avouer sans détour : nous sommes des inconditionnels de Fat Supper. Mais le concert donné au 6par4 nous a donné un paquet de raisons objectives d’apprécier ce groupe à sa juste valeur. Pourquoi ?

Fat Supper

Tout d’abord parce que les compositions sont des petits bijoux taillés dans un rock protéiforme et ciselés avec soin, qui nous emmènent dans toutes les directions tout en réussissant la prouesse de reprendre le chemin d’origine avec une évidence désarmante.

Parce qu’après trois concerts et de multiples écoutes de leurs galettes, on est toujours aussi surpris par l’intensité des montées en puissance des titres, comme sur l’excellent Wall of Shame.

Parce que ces musiciens sont définitivement doués, et le live nous permet d’apprécier pleinement les subtilités qui se nichent dans chacun des morceaux. La parfaite complémentarité du jeu des trois guitaristes (Leo, André et Yoann), la richesse rythmique des deux batteries (Pierre et Yoann), le riff immédiat de Leo Prud’homme sur Surrogate, le jeu de basse imparable d’André Rubeillon sur Step Back, les petites touches électro de Yoann Buffeteau, les intros délicieusement alambiquées de Pierre Marolleau sur les deux nouveaux titres, Gonogo et Foggy Garden, bref, la liste est longue et le régal permanent (pour les yeux et pour les oreilles).

Parce que la composition du set est un modèle du genre, avec le terrible enchainement Surrogate/Back to the Flesh, et la parfaite conclusion toute en douceur sur le délicat Gravity None.

Et parce qu’on n’en finit plus d’être bluffé par les mille voix de Léo Prud’homme, capable de passer allègrement d’une voix éraillée à la chaleur et la douceur d’un timbre de crooner.

Quand le groupe revient avec un rappel nous permettant de découvrir un tout nouveau titre, Foggy Garden, on se dit, incrédule, que les nouvelles pépites s’annoncent tout aussi scintillantes. Il nous faudra cependant patienter un peu, puisque les nouvelles compos devraient être enregistrées en juillet, après une tournée qui leur permettra de jouer notamment en première partie de Detroit, avec en point d’orgue, deux dates à La Cigale, excusez du peu… Pour patienter, précipitez-vous au 1988 Club le 16 avril pour (re)découvrir Fat Supper en compagnie de Lady Jane, une soirée Les Disques Normal forcément alléchante.

Le festival des Embellies a parfaitement réussi son lancement délocalisé, et lorsqu’on regarde de nouveau l’incroyable programmation à venir, on se dit que les belles surprises ne devraient pas manquer lors de cette semaine rennaise, à commencer par la double soirée « Carte Blanche à Laetitia Shériff » au Jardin Moderne, que l’on vous présente demain.

Site des Embellies

Retrouvez l’intégralité de nos articles sur le festival des Embellies 2014 dans notre dossier

Photos : Solène

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