Le label rennais In My Bed sortira le 26 octobre 2013 sa 13ème référence : Embedded, une superbe compilation gravée sur vinyle. Elle regroupe bien sûr les formations présentes sur le label, mais aussi toutes celles qu’ils aiment dans Rennes. La sortie du disque sera dignement fêtée le samedi 26 octobre au Jardin Moderne lors d’une soirée gratuite où vous pourrez acheter cette merveille et voir les 13 groupes présents sur le disque : Formica, 13th Hole, Sudden Death of Stars of Stars, Mozzarrela’s Funeral Parlor, Downtown Cuckoo, Mistress Bomb H, Saïtam, Laetitia Shériff, Møller Plesset, Chatterbox, Lonely Tunes, Santa Cruz et Prosperi Buri.
Alter1fo participe à la fête en vous proposant les 13 interviews des groupes de la compilation, accompagnées des titres inédits gravés sur la compilation.
Nous avions attendu avec impatience le dernier album de Santa Cruz, et le résultat a dépassé nos attentes : Elvis in Acapulco est un petit bijou. Nous avons rencontré Pierre-Vital, chanteur et guitariste du groupe, pour nous parler de cet album, des concerts acoustiques, mais aussi de la compilation Embedded. Douzième interview, douzième titre de la compilation, avec Sad and Lonely et son refrain imparable.
L’album Elvis in Acapulco est sorti 4 ans après A Beautiful Life. Est-ce que tu peux nous expliquer pourquoi ?
Ca a mis 4 ans entre les deux albums pour plusieurs raisons : Sur A Beautiful Life, Bruno Green était encore dans le groupe. Sur la première session d’enregistrement du nouvel album, Elvis In Acapulco, en janvier 2011, Bruno et le groupe se sont séparés. Le départ de Bruno a chahuté le groupe, ça a ébranlé nos convictions sur l’avenir du groupe. On s’est posé plein de questions, ce qui est tout à fait logique puisqu’il était l’un des membres fondateurs. On s’est remis en selle quelques temps après.
Et puis il y a un autre événement qui est arrivé au milieu de tout ça : suite à la sortie de son album, Miossec a contacté le groupe parce qu’il préparait une tournée. Il connaissait certains membres de Santa Cruz et nous avait vu deux ou trois fois en concert. Il a demandé au groupe de l’accompagner pendant toute sa tournée, chose qui nous a surpris. Il n’y avait pas tout le groupe, puisqu’il n’avait pas besoin de moi au chant, ni de Vassili au banjo et à la pedal steel. Mais les 4 autres étaient présents, ce qui a repoussé de quasiment un an et demi la sortie du disque. Il y avait des pauses au milieu de cette tournée, donc on a pu quand même finir l’enregistrement du nouvel album. Ces deux évèenements cumulés ont fait qu’on a débuté l’enregistrement en janvier 2011 et il est sorti en avril 2013.
Sans compter le Director’s Cut
Et il y a eu effectivement ce projet avec l’orchestre de bretagne sur des arrangements de Jospeh Racaille qui s’est mis en route quelques mois après le départ de Bruno. On a eu beaucoup de boulot avec ça. C’était un beau moment, on a dû le jouer 5 ou 6 fois.
Trois facteurs importants qui justifient ces 4 ans, mais le groupe n’a pas cessé de vivre. Et le Director’s Cut et la tournée de Miossec ont été enrichissants pour Santa Cruz.
Les titres sont extrèmement variés : il y a du rock, du folk, de la pop… C’était une volonté au départ d’explorer différentes pistes, ou bien ca s’est fait naturellement ?
Non, il n’y avait pas vraiment de volonté d’explorer d’autres genres. Mais il y avait la volonté de ne pas se cantonner à l’étiquette du bac de disque dans lequel on est en général, l’americana-folk. Se dire que l’on va faire un morceau de rock, puis de folk, non, ce n’est pas comme ça que ça marche. Dans nos inspirations, c’est assez large : au départ, j’amène la chanson, guitare acoustique et voix, et puis on change les choses ensemble, plus ou moins. Il y a une inspiration de départ, qui est completée par les autres. Et forcément ça part parfois ailleurs. On a réussi à conserver sur l’album une esthétique commune à tous les morceaux, même s’ils peuvent effectivement être assez différents dans la forme, dans l’énergie qui est contenue dans le titre. On s’est donné un peu plus de liberté sur cet album. J’espère qu’on a réussi à rester cohérent esthétiquement.
Il y a une cohérence qui saute aux oreilles, avec un début tout en douceur sur Sesame Noodles, pour finir avec le post-rock Great City of Devotion et la guitare de Thomas Poli. Pour réussir cette cohérence, il y a eu un choix parmi plusieurs titres ? Un boulot particulier sur l’ordre des morceaux ?
Ah oui, l’ordre des morceaux est très important pour nous, même si à l’époque du mp3 et du single, le tracklisting d’un album peut paraître dépassé et vieillot (rires). Mais en tant que musiciens, on a grandi dans cette culture là : on réfléchit au format album. Le tracklisting est quelque chose de très important, c’est comme ça qu’on amène les gens vers des morceaux un peu plus ardus. Il faut aussi que ça raconte une histoire.
Sur le nombre de morceaux au départ, ce n’est pas forcément défini non plus. Il y avait quelques titres en plus sur la toute première session d’enregistrement, mais c’était des titres chantés par Bruno. Quand on s’est séparé, ces morceaux n’étaient pas terminés, on n’avait pas la possibilité d’avancer dessus. Par contre il y a un morceau qui a été enregistré et qui n’est pas sur l’album. Il s’appelle Wind in my hat. Je l’ai réécouté récemment, et avec le recul, je me dis qu’il n’est pas complètement perdu celui-là !
Pour revenir sur le tracklisting, c’est tellement important pour nous qu’on avait fait deux éditions d’After Supper : une première version auto-éditée, mais on l’a modifié pour la version officielle parce que le tracklisting ne fonctionnait pas bien à nos yeux.
Il existe encore des gens qui écoutent les albums en entier.
Oui il y a des gens de plus de 20 ans (rires). Ca a tendance à disparaître quand même, malgré le retour du vinyle. Le vinyle force à une écoute différente : mais ça reste encore une goutte d’eau dans l’océan de l’industrie musicale.
Il y a une grosse évolution depuis les précédents albums, un côté pop-rock très présent. Est-ce que le Director’s Cut a modifié certains arrangements ?
Quand on parle du Director’s Cut, c’est surtout la rencontre avec Jospeh Racaille, l’arrangeur du projet. Il a assisté à chaque représentation du projet, pour débriefer mais aussi pour avoir le plaisir de voir ses arrangements joués sur scène. On a noué une belle relation avec lui, c’était une très belle rencontre. Les petits conseils qu’il donne parfois, sans en avoir l’air, parce qu’il est très attentif à ne pas froisser les gens, nous ont effectivement éclairés sur quelques points. Mais c’est sur de petits détails : parce que sur le rendu d’ensemble, on n’a pas encore intégré tout ça. Je pense qu’on apprendrait vraiment si l’on réalisait une composition avec lui dès le départ, où on lui commanderait des arangements, on l’écrirait avec lui… Parce que Director’s Cut, ce sont des arrangements sur des morceaux déjà existants. Ce n’est pas la même chose qu’une véritable création.
On trouve qu’il y a un côté cinématographique dans les titres de l’album. Il y a d’ailleurs une vidéo officieuse d’On My Way Back par Jo-River. Vous avez déjà pensé à la mise en images de vos titres ?
Oui, ça nous paraît évident que ça colle à plein de choses. On est plutôt dans la position d’être contacté pour ça. Par exemple, on a déjà pensé faire un ciné-concert, notre musique irait sur plein de choses, mais on n’a pas vraiment creusé.
Notre musique à déjà été acheté par un réalisateur de documentaires : toute la musique était tirée d’After Supper. Il avait pris plein de morceaux mais sans les voix, juste les instrumentaux.
Ca nous intéresserait de travailler sur un film, il y aurait un intérêt et un enjeu. Un court ou un long-métrage, sur lequel on a vraiment à apporter, en collaboration avec un réalisateur : ça nous botterait vraiment, parce qu’on maitrise assez bien les ambiances, je pense.
Vous avez des dates électriques mais aussi de plus en plus de dates acoustiques. Vous avez d’ailleurs fait récemment une captation vidéo au Campement Dromesko. Tu parlais « d’une expérience plus intime, qui dénature moins le son ». Il y a une volonté d’aller de plus en plus vers l’acoustique ?
C’est une formule parmi les autres, mais il se trouve qu’en ce moment, on joue beaucoup en acoustique, parce que les programmateurs nous la demandent. Parce que ça répond à une demande du public. Le groupe joue en rond, et le public est tout autour du groupe, et les enceintes sont situées aux quatre coins de la salle : le public et le groupe ont le même son, et c’est très important. C’est une expérience qui n’est pas fréquente pour un spectateur. C’est beaucoup plus intime : le retour du public est étonnant, car il ressent la musique plus intensément. Il y a quelque chose que nous-mêmes ne maîtrisons pas : une proximité, un chaleur qui se dégage. Ca va au-delà de ce qu’on joue, la configuration met le public dans une écoute et une attention différente. En ce moment, c’est cette formule qu’on nous demande, ça doit répondre à un besoin d’autrement.
Pour l’avoir vécu au festival Réveillons-nous en décembre 2011, c’est assez déstabilisant, on est assis à un mètre, c’est un peu troublant au départ. On se sent acteur du moment, alors qu’on est habituellement planqué dans la foule.
Effectivement, dans cette formule-là, personne ne peut tricher. Ni le groupe, ni le public. Si l’attention retombe, ça ne fonctionne plus. S’il y a une attention particulière, ça crée un climat qu’on ne vit pas souvent lorsqu’on va à un concert. Et pour nous, c’est un pied total.
Au niveau musical, plusieurs spectateurs nous ont dit prendre plaisir à écouter notre musique sans filtre ni artifice. Tout ce qui va dénaturer le son : de l’ampli électrique jusqu’aux pédales de guitares et aux enceintes qui font trois mètres de haut, et qui changent le son. On n’a pas une voix qui crache 20 000 watts (rires). Tous ces filtres changent la musique : je n’avais pas pensé à ça au début de la formule acoustique, mais c’est quelque chose qui revient souvent chez les gens. Entendre la musique brute, sans filtre ni artifice de production. Il y a des artifices, puisque ce sont des compositions arrangées, il y a plusieurs intruments… Mais il y a ce sentiment d’être au coeur de la musique.
Ca fait penser au côté privilégié du concert en appartement, cette impression de n’être que quelques spectateurs.
Effectivement, il peut y avoir 300 spectateurs autour du groupe, on a quand même l’impression d’être peu nombreux, d’être privilégiés.
On remercie Claude Guinard de nous avoir proposé ce projet en 2009 aux Tombées de la nuit, parce qu’on prend un pied immense. Depuis, on l’a fait dans des bars, au milieu de la salle de la Cité, en festival. Et tout récemment dans un gymnase au festival Ilôphone à Ouessant : au départ, on s’est dit que ça allait être un peu glauqhe, mais une fois que les lumières s’éteignent et que le public s’installe autour de nous, les gens ne sont plus du tout dans le même espace. Ils ont l’impression d’être dans un lieu beaucoup plus confiné et à la fin du concert, quand les lumières se rallument, ils ont l’impression de se réveiller. Au bout de cinq minutes, on avait tous oublié où l’on se trouvait. Ce soir-là, Miossec nous a rejoint pour faire trois morceaux à lui en acoustique, c’était magique, très touchant.
Comme on tourne de plus en plus avec la formule acoustique, on a décidé de faire un album acoustique, qu’on a enregistré à Rochefort-en-Terre en mai dernier, et qui devrait sortir au printemps prochain. Et on a donc fait une captation vidéo il y a quelques jours, pour permettre aux programmateurs d’avoir de l’image, pour pouvoir se projeter. Parce que lorsqu’on leur dit qu’on peut jouer partout, sauf sur scène, c’est un peu perturbant (rires). Ils peuvent investir des lieux très variés, un hall, une chapelle, tout est possible. Ca peut être partout, sauf sur scène. Enfin si, mais si le public est avec nous sur scène : ce qu’on va faire prochainement à Rochefort, dans un théâtre à l’italienne. On sera au mileu de la grande scène et le public sera sur scène, tout autour de nous.
Il reste beaucoup d’endroits à explorer ! Vous risquez de vous retrouver dans des lieux improbables…
C’est le but ! (rires)
Santa Cruz, Live in Circle, filmé et réalisé par Christian Beuchet
Pour en revenir à la soirée In My Bed : Elvis in Acapulco est sorti sur les Disques Normal, et In My Bed a sorti votre single en vinyle. Comment s’est passée la rencontre avec le label ?
C’est avant tout la rencontre avec Mathieu et Jeremy, qui ont monté le label. Je connaissais bien Mathieu : quand on a sorti le nouvel album, il l’a écouté, ça lui a plu, et il nous a proposé de sortir un 45 tours sur le label. On était content parce qu’on n’avait encore jamais sorti de vinyle. Et puis le faire avec Mathieu et Jérémy nous a fait plaisir, pour plusieurs raisons : c’est un label qui produit des vinyls, de la bd indépendante avec une esthétique affirmée, dans une démarche DIY qui me plait beaucoup. C’est cohérent artistiquement. Je suis amoureux des gens qui font les choses pour la peau. Se lancer dans l’inutile, c’est vraiment essentiel (rires).
En montant une soirée improbable avec 13 groupes !
Bon, on ne va pas jouer une heure et demi ! (rires) L’idée est géniale : au niveau organisation, c’est compliqué, parce qu’on n’est pas tous de Rennes. On ne sera pas au complet, mais on sera là !
Vous avez des liens avec les autres groupes présents sur la compilation ?
Oui, j’en connais beaucoup : Moller Plesset, Mistress Bomb H, Laetitia Sheriff, Mathias avec Saïtam, j’adore Formica, j’en oublie… Je crois qu’on se connait quasiment tous. Il y a aussi des gens avec lesquels j’ai joué. Mathieu a d’ailleurs fait les choeurs sur Sad and Lonely. Je crois d’ailleurs qu’il a participé à quasiment tous les morceaux de la compil’. Il n’est pas crédité parce qu’il est modeste, mais il a effectivement fait les choeurs sur le refrain du titre, c’était impeccable.
Sad and Lonely, c’est un titre que tu avais dans les cartons, ou bien il a été spécialement composé à l’occasion ?
C’est un titre que j’ai proposé la veille, on l’a répété dans la foulée. Et on l’a enregistré le lendemain. J’avais déjà le texte et j’ai écrit sur place le petit laïus de la fin, avec la voix radio.
On a du mal à imaginer le passage de l’acoustique à la version finale en si peu de temps, quand on entend la richesse des arrangements.
Les arrangements c’est je crois le point fort de Santa Cruz. On apporte tous notre grain de sel en étant très respectueux des chansons. Et puis le studio est toujours très inspirant. Par exemple, on a trouvé les choeurs du refrain au moment de les enregistrer. C’est difficile à froid de les imaginer : ils viennent lorsqu’on a les casques sur les oreilles, qu’on entend les instruments qui se répondent.
Je ne suis pas capable d’inventer seul tous ces arrangements dans ma tête. Et puis je n’essaye même pas, parce que j’adore entendre des arrangements auxquels je n’aurais jamais pensé.
Il y a un certain nombre de concerts acoustiques d’ici le 26 octobre. Peux-tu nous parler des projets de concerts après la soirée au Jardin Moderne ?
On joue en novembre au festival Génériq, un festival de découvertes sur 3 jours dans l’est de la France, Belfort, Montbéliar, Dijon, Mulhouse. Et on joue dans 3 villes, en acoustique, dans des lieux pas forcément attendus.
Il y a deux, trois dates en janvier-février, mais on va surtout bosser sur la sortie de l’album acoustique. Et on essayera d’enchainer avec des concerts en acoustique au printemps.
Pour finir, la dernière fois que l’on s’était rencontré, à la question des 3 albums sans lequels tu ne pourrais pas vivre, tu avais préféré donner 3 albums que tu écoutais à l’époque. Qu’est-ce que tu écoutes en ce moment ?
J’ai acheté le dernier Junip. Le dernier Bill Callahan que je trouve magnifique. Aussi Mac Demarco, un album qui s’appelle 2, et puis le dernier album de The Baptist General qui est parfait.
Ah si, il y a un album que j’écoute beaucoup, c’est celui de Jacco Gardner. Tous les morceaux sont vraiment bons. Bon, c’est clairement « Bienvenue chez Syd Barrett » (rires), mais il n’y a pas que l’esthétique datée qui est réussie, les compos sont vraiment bien foutues : c’est ce qui permet à l’album de sortir du lot.
Merci beaucoup
Merci à toi
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Événement de la soirée du 26/10 au Jardin
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