– Pour l’élaboration de votre dernier album, vous avez fait l’acquisition de machines, sont-ce celles que vous utilisez sur scène, avez-vous adapté la manière de vous en servir pour la scène ? Ces machines, sur le plateau, sont-elles source de contraintes ou d’une plus grande liberté ?
En solo, oui, j’ai utilisé certaines des boites à rythmes et des synthés de l’album, mais pas tous, loin de là, puisque c’était surtout des versions guitares, qui reste mon instrument scénique de prédilection. En groupe, on utilise certains des sons de l’album, mais pas de manière absolument fidèle : ce sont des versions, je déteste l’idée d’être bridé par la pseudo nécessité de retrouver un type de son à tout prix ; on peut s’en approcher, mais sans obligation de reproduire à tout prix ce qui n’est parfois que le fruit d’une idée momentanée en studio.
– Vous souhaitiez pour cet album un son plus « rugueux », est-ce quelque chose que vous avez travaillé aussi pour la tournée ? Comment avez-vous abordé les morceaux des autres albums intégrés à la set list ?
Le son est plus électrique, puisque plus axé sur les guitares que l’album, et comme on aime tous dans le groupe les sons un peu tordus, la rugosité va de soi, pourrait on dire. Pour les autres morceaux, l’idée était de reprendre des titres emblématiques, et pas forcément de dénicher telle ou telle rareté, et on les a abordés comme les autres, avec le même type de traitement sonore.
– La mélancolie est omniprésente sur l’ensemble de vos disques et pourtant sur scène vous avez une présence très solaire, comment expliquez-vous cette bipolarité ?
Je ne peux pas l’expliquer, je ne peux que m’en réjouir. Peut être la mélancolie n’est elle pas si noire qu’on le dit, et n’est elle recevable que pour la part de lumière qui se niche en elle.
– Vous êtes nominé pour le prix Constantin qui doit être remis le 9 novembre prochain, quel est votre regard sur votre participation à ce prix qui selon sa propre définition couronne la révélation de l’année ?
Passée l’incrédulité première après 17 ans de bons ( ?) et loyaux (??) services, je me réjouis d’être toujours considéré comme étant toujours de première fraîcheur.
– Vous parlez de vous en ces termes : « chanteur du milieu », est-ce une situation enviable, durable ?
Oui, c’est enviable, dans la mesure où ça n’engendre pas d’aigreur quant à la relativité de son succès. Et à ce niveau là, personne n’est à l’abri.
– Vous avez sorti un opus bis à la Musique : la Matière ; le disque carte blanche « Song over troubled water » est en vente depuis le 20 octobre dernier ; pendant cette tournée vous proposez en vente le 4 titres Kick Peplum autour de La Musique exclusivement sur les lieus de concert, que sont ces autres « objets », qu’est ce qui motive leur diffusion ?
« La matière » est le versant expérimental, pour employer un gros mot de « La musique », et qui ne devait à la base être qu’un complément pour le net, mais la maison de disques a émis le désir qu’on aille plus loin avec ces chansons. La compil est une demande de la Fnac, et comme j’aime à faire connaître mes sources, c’était un plaisir d’en élaborer le tracklisting. Quant à « Kick Peplum », c’était l’occasion de justifier l’existence d’un stand pour vendre des disques de main à la main à la fin des concerts, et produire un objet un peu à part, parce que c’est une idée qui m’est chère : écrire, enregistrer pour produire un objet artistique, au sens matériel du terme. J’aime l’idée du tirage limité, le rapport privilégié qu’on a avec lui, et que cette période de téléchargement sauvage, permet paradoxalement de cultiver.
– Cette semaine le Conseil Constitutionnel validait la loi Hadopi 2, quelle est votre position sur le téléchargement illégal, quel est votre point de vue sur l’avenir du disque ?
On n’empêchera jamais les gens de se procurer pour rien ce qu’on leur a vendu trop cher pendant des années. Quant à l’avenir du disque, il est dans les tirages limités, et les éditions de luxe. L’avenir de la musique, ça, c’est autre chose et je ne suis pas Nostradamus.
– Enfin pour terminer, une question rituelle : quels sont les disques et les lectures qui vous accompagnent en ce moment, vos coups de coeur ?
En musique, « La superbe », de Biolay, sans doute appelé à devenir le « Fantaisie militaire » de cette décennie, « Actor » de Saint Vincent, et « Prince of truth », d’Evangelista. Au niveau bouquins, le superbe manga de Kamimura « Lorsque nous étions ensemble », graphiquement splendide et habité, « La vie meurtière » de Félix Valloton, un roman très noir daté des années 20 sur l’histoire d’un homme qui porte en lui un principe de mort et provoque malgré lui le décès des gens autour de lui, un récit palpitant.
Merde, Biolay va mourir dans quelques années.