Festival Les Emancipées à Vannes : Claire Chazal prête sa voix à Nina Bouraoui

A Vannes, le 23 mars, dans le cadre du Festival Les Émancipées, Claire Chazal prêtera sa voix à Nina Bouraoui et à son roman Tous les hommes désirent naturellement savoir pour une lecture.

Tous les Hommes désirent naturellement savoir est un chant qui s’est écrit à Rennes, sous la plume de Nina Bouraoui, puis en Algérie, trouvant un écho dans son enfance algérienne. Le chant de Nina s’est disloqué dans les rues de Paris. Un chant, entre deux mondes parfois si proches mais séparés par une mer, séparés par l’exil.

Un récit émouvant comme un chant qui oscille entre l’intime et l’universel. C’est un long poème, où l’encre dessine les creux et les silences, esquisse les vides, où le passé « étreint les autres, ceux dont l’histoire se propage à Nina Bouraoui ».

C’est un assemblage de textes, plus exactement d’humeurs, de pauses et de soupirs qui s’imbriquent dans un récit, qui retourne toujours à la mer. Ce récit “Tous les hommes désirent naturellement savoir” est une sorte de sentier initiatique où la mère de Nina est celle qui protège mais aussi celle qui porte les secrets de toute la famille, les failles et les fantômes que la jeune fille peu à peu déplie.

La narration est peut être un livre de psaumes, où il n’y pas de Dieu, mais quelque chose qui procède de l’amour. Il se vit comme une suite de chants, qui vous installe dans une méditation, une atmosphère de solitude végétative, trouble, que seule les femmes ont le droit de respirer, jusqu’à la suffocation. Nina parle de la voix d’Ely : « C‘est à sa voix si spéciale, que je la reconnais dans la nuit, cette forêt de femmes parmi lesquelles je me fraye un chemin pour la retrouver.« 

Une vie de nomades

Cette mosaïque de mots parle de son enfance, chahutée par les multiples va-et-vient de ses parents. Lui est algérien, elle est bretonne, ils se sont mariés à Rennes. Mais ils ne s’y sont pas installés. La narratrice retrace le parcours de ses parents. Elle ne trouvera aucune empreinte, car ils ne leur restent que des souvenirs, souvent flous ; les photos de la famille sont rares, ces rues obscures de son enfance pourraient même suggérer un couple en fuite ou du moins, un couple qui cherche à passer inaperçu.

Dans ses souvenirs, elle évoque page ses peurs ; dans les années 90, c’est la mort d’un médecin psychiatre qui marque le début de la « terreur algérienne. » C’est la peur encore qu’elle associe à cette femme si belle, l’épouse du Docteur, car dit-elle, « Sa femme française portait des jupes à plis, des chemisiers si fins qu’il laissait voir sa peau parsemée de taches de rousseur ; chacune d’entre elles était l’impact d’un baiser donné, un baiser du Docteur G. »

Une quête d’amour

On pourrait dire aussi que ces textes fusionnent des chants d’amour, la quête inlassable de l’amour, celui que la jeune fille désire mais qu’elle a tant de mal à exprimer, à expliciter. C’est une crevasse qui s’ouvre sous elle, quand aucune de ses rencontres ne lui permet de trouver une passerelle entre son corps et ses désirs, ses désirs d’amour, son besoin d’être aimée. La fréquentation du Katmandou, club pour femmes homosexuelles, est une sorte de provocation, une présence semblable à celle que suggère le brouillard.

Le chemin qu’elle trace, est celui de son adolescence, l’affirmation de ce qu’elle savait sans se l’avouer, son homosexualité, et le chemin est long, depuis la honte qu’elle éprouve, une forme de honte sociale, aux premiers émois entre les bras d’une jeune femme qui l’aime sans savoir vraiment jusqu’au ira son premier amour. Elle souligne :  » je dois quitter mon enfance pour exister. »

Savoir, on aimerait savoir, tout savoir de l’amour, et même l’amour de l’amour. Nina Bouraoui nous laisse quelques parcelles de ce savoir quand elle écrit : « Je désire maintenant et je suis désirée, je suis sans passé sans avenir et sans témoins, je pourrais disparaître entre ses mains et pourtant je renais. » Le chant envoûtant d’une jeune femme dévissant sur les fissures de l’âme.

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Le livre : Nina Bouraoui, Tous les hommes désirent naturellement savoir, Lattès, 2018.

Le Festival : Les Emancipées : https://www.festival-lesemancipees.bzh/
Festival Littérature, Chanson et autres libertés (du 18 au 24 mars 2019 à Vannes et Arradon)

Le spectacle : Tous les hommes désirent naturellement savoir de Nina Bouraoui : Lecture par Claire Chazal – 20h au Palais des Arts (Vannes), Salle Lesage – Tarifs : 5€ et 10€

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