Reconfinées mais pas mortes, les scènes musicales rennaises continuent de vivre malgré la morosité ambiante et les autorisations de sorties. Histoire de soutenir celles et ceux qui se se bagarrent pour continuer de défendre une vision frondeuse et indépendante de la musique, nous vous proposons quelques chroniques de disques plus ou moins locaux à découvrir dans le respect des gestes barrières. Second rendez-vous avec la lumière sombre mais sublime de Lux, second album du groupe rennais Silencio.
Derrière le projet Silencio, on retrouve trois artistes locaux dont nous suivons très attentivement les aventures depuis déjà quelques temps. Le trio est ainsi composé de Johan Le Velly (à la voix, guitare, basse et claviers), de Sandreen (à la voix, guitare et claviers) et d’Oscar Philéas (à la batterie, percussions, basse). On avait déjà adoré leur projet Profondo Rosso ou My Sleeping Doll et la combinaison des deux formations avait donc toutes les chances de nous ravir les oreilles. Après quelques titres hautement prometteurs, leur premier album Digital sorti en septembre 2018 nous avait effectivement envouté avec ses compositions rêveuses et fantomatiques. Nous avions pour l’occasion interviewé Johan Le Velly pour en savoir un peu plus sur cette fructueuse rencontre.
Annoncé depuis cet été, Lux, leur second album toujours autoproduit avec beaucoup de talent et d’huile de coude, est sorti digitalement fin septembre 2020. Sur ce nouveau disque Matthieu Pons apporte en plus sa contribution aux percussions. Les dix nouveaux morceaux prolongent de façon très cohérente l’univers développé dans le premier opus. Ils naviguent donc de nouveau sur des mers brumeuses aux flots chargés de mélancolie. Johan Le Veily nous expliquait que l’idée du précédent disque était « de faire un album avec des influences de musique anglaise (new wave, trip hop) chanté en français ». Ce second disque poursuit le chemin tracé précédemment avec, peut-être, quelques parcimonieux rayons de lumière qui percent le ciel plombé et un côté encore plus épuré. Cette aridité de surface fait peut être que l’album ne vous semblera pas forcément accessible d’emblée. Ici, pas de gimmicks accrocheurs qui vous prennent dans le sens du poil de l’oreille, pas d’accélération rythmique pour faire monter l’adrénaline. La musique de Silencio est à mèche lente, à petit feu. Elle s’insinue d’autant plus profondément et durablement chez l’auditeur qui prendra le temps d’en écouter et de savourer les subtilités et les finesses.
Sur Digital, l’écriture des paroles était répartie entre les trois membres par souci de cohérence thématique. C’est Sandreen cette fois qui a écrit la presque intégralité des textes et l’osmose semble désormais parfaite tant le disque garde une cohésion de la première à la dernière note.
Le groupe a de nouveau fait appel aux découpages de Gilles Trotin de Møller Plesset pour les visuels de l’album. C’est là encore une réussite parfaite tant son kaléidoscope baroque sied impeccablement aux humeurs labyrinthiques et chargées de mystère de ces compositions. Autre plaisir non négligeable dans notre amour pour le groupe, on retrouve de nouveau des références cinématographiques de fort bon goût. Après Le Grand Silence de Sergio Corbucci, pour le patronyme, c’est cette fois le fascinant Le Cercle Rouge de Melville qui est convoqué le temps d’un morceau. Pour notre part, l’association du mot Silencio et de leur musique continuera de nous évoquer les vertiges troubles du Mulholland Drive de David Lynch.
Nous vous invitons donc très chaleureusement à découvrir l’univers singulier et délicieusement trouble de cette formation encore trop méconnue même dans notre bonne ville. On croise les doigts pour que cette collaboration continue d’être aussi fructueuse et, qu’un jour plus ou moins lointain, nous ayons enfin le bonheur d’entendre cette musique jouée sur scène.
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