Christophe entame sa nouvelle tournée avec son dernier album, Les vestiges du chaos. Il passait à la Nouvelle Vague samedi dernier pour un concert affichant complet. Sur scène, il déambule au rythme du premier titre de l’album. Définitivement fait office d’ouverture où il propose au public « d’ouvrir des choses, des choses avec [lui], sur de nouvelles voies ». Une heure durant, Christophe souffle un vent de modernité à l’intérieur de la Nouvelle Vague. Une partie du public est déconcertée, s’attendant à un concert plus calme, davantage proche de la variété. Si l’artiste est si passionnant, c’est parce qu’il réussit parfaitement à mélanger les genres et à digérer ses influences. Au milieu du concert, il s’arrête et invite le public à aller boire un verre avant de démarrer une seconde partie plus intimiste où l’artiste voyage dans le passé accompagné d’un piano et d’un musicien pour chaque titre. Il revient plus vite que prévu et propose aux spectateurs de choisir les chansons qu’il interprétera sur scène. Le public retrouve ses repères et chante avec Christophe. Si le chaos ressemble à cela, on veut bien y aller. On a pu le rencontrer à minuit après le concert pour une interview au bord du gouffre.
Alter1fo : L’album Les vestiges du chaos est disponible depuis le mois d’avril. Quel regard portez-vous dessus ?
Christophe : C’est un album qui compte, musicalement pas plus que les autres, mais qui compte pour le vécu. Il est très important pour moi. Il a eu un retard d’un an. Il y a eu la guerre à un moment avec l’équipe, les musiciens, le label. J’étais dans mon truc en intime et ils travaillaient sur mes maquettes avec tous les trucs, les audios… Et ce que je recevais ne ressemblait pas du tout à ce que je voulais. Je voulais des gens qui me surprennent plutôt que des gens qui partent ailleurs. J’ai arrêté puisque ça durait, ça durait… Ma maison de disque en a eu marre donc l’album a eu presque un an de retard. Au final donc, c’est un album que j’aime terriblement. Il marche différemment des autres. Entre les concerts que j’ai faits en solitaire… Quitte à revenir sur scène avec des gens, il y avait toute la matière sonore pour que cet album se fasse. Après, je repars dans mon côté intime et c’est là où je vois si je garde ce côté-là ou pas. C’est bien d’avoir des musiciens aussi. On est au troisième concert et on est en pleine étude.
C’est intéressant. On ressent une évolution au fil des concerts.
Pour l’instant, on est dans l’expérimental. Ce que j’aime bien dans la deuxième partie, c’est avoir des moments comme ce soir où je viens avec mon sax et je lui dis : « viens sans micro ». Je ne sais pas si tu as entendu.
C’était impressionnant. Pour E Justo, comment s’est faite la rencontre avec Anna Mouglalis ?
Elle est venue me chercher il y a deux ans pour faire un truc au moment où je faisais le concert pour Lagerfeld en juin, je ne sais plus quand. Elle me dit : « j’aimerais bien faire un hommage ». Ce jour-là, on a fait un truc très beau avec Anna Mouglalis. C’était bien. Après, comme je suis chez moi avec la matière sonore, je suis tombé par hasard sur le son d’E Justo. Je trouvais que la combinaison de la voix et de la matière sonore était belle. C’est comme ça qu’elle est dedans. Je ne travaille qu’à l’instant.
Venons-en au titre de l’album, Les vestiges du chaos, qui est aussi le titre d’une chanson composée avec Jean-Michel Jarre… Comment est venu ce titre qui correspond parfaitement à votre univers ?
Ça vient de lui. C’est Jean-Michel. Je lui ai demandé d’écrire quelque chose pour l’album. Il m’a amené ce titre vers la fin, un mois à peine avant qu’on le finisse. J’avais commencé à écrire les refrains et je calais sur les couplets. C’est encore une histoire de hasard. On est dans un état particulier quand on est en galère, quand on est têtu.
Vous sentiez qu’on voulait vous imposer des limites sur cet album ?
Ma maison de disque trouvait que c’était top mais moi, je n’arrivais pas à chanter dessus.
Au final, votre voix est très belle et ressort davantage que dans les précédents albums. La tournée Intime y est pour quelque chose ?
Bien sûr, je m’éclate beaucoup plus au synthé maintenant grâce à mes pianos. En fait, je suis allé au piano grâce à mes synthés. J’ai fait pas mal de concerts en deux ans donc j’ai découvert des choses. Comme je dis toujours, je ne serai jamais un virtuose mais ce n’est pas le propos. Ce qui compte, c’est faire du son. C’est vrai que je préfère jouer avec un Steinway ou un Fiazoli plutôt qu’avec celui de ce soir. Il sonnait bien ce piano ?
Il sonnait très bien.
Ah ouais, ça sonne un peu comme un Wurlitzer. C’est un piano qu’on nous a fait construire à Berlin. Comme la chaise à son, c’est pareil.
Vous avez composé plusieurs bandes originales de film, celle de Fils de d’HPG…
Ouais, celle du film d’HPG. J’ai fait celle du film de Sophie Fillières. Puis, un film qui s’appelle Par accident qui est un film de Fontaine. Comment c’est le prénom de Fontaine ? Merde…
Camille ?
Camille, voilà. Cette B.O est vraiment bien, quoi. Vois le film Par accident, il est pas mal. Je ne sais pas combien ce film a fait d’entrées mais j’ai fait une musique dedans qui déchire. Je suis fier de moi. J’ai vraiment donné à la meuf. Ouais.
Vous avez aussi joué dans des films, une petite apparition dans Quand j’étais chanteur, par exemple. On vous verra au cinéma bientôt ?
Non, je ne fais pas de cinéma. J’ai refusé quatre films : trois long-métrages et un court. J’ai failli faire un petit rôle parce que j’en avais envie mais ça tombait mal et c’était une semaine de tournage. Ça devait être dans un film de Brisseau. J’aime bien Brisseau, c’est un mec que j’aime bien, c’est un spécial. Avec lui, je serai allé. Mais c’était dans un film spécial.
Pour Tangerine, la chanson a beaucoup changé depuis le concert de 2012 : ce n’est plus du tout la même version.
Pas du tout, ouais. Ce n’était pas loin d’ailleurs, à Nantes. Ce n’était pas encore Tangerine puisque Tangerine a été complètement recréée. Je n’avais pas fait les couplets. Je chantais uniquement le truc de Vega [Alan]. Il n’y avait pas de mélodie et moi, j’aime les mélodies. Cet album est très mélodique. Par contre, il y a beaucoup d’effets sur le disque que je ne peux pas gérer ici avec le son. Alors que j’adorerai régler le son pendant que je chante. J’ai arrêté de faire des concerts en 1967 à cause de la technique. J’ai repris en 2001 puisque je pensais que la technique avait évolué. Elle a évolué, bien sûr mais il y a encore des trucs qui ne sont pas au point. Je suis quelqu’un qui mixe.
Et Jean-Michel Jarre, il ressent ça aussi ?
Je ne parle pas de ça avec Jean-Michel, on parle de mots. Je ne sais pas vraiment… La technique, c’est ce qui fait le charme de la scène mais il y a des choses que j’aimerais tenter mais que je ne peux pas encore, comme avoir deux micros, voire trois.
La version d’Aline que vous avez interprétée ce soir est absolument superbe. La première version, c’est de la variété. Là, ça tendait vers le blues.
Là, on ne l’a pas répétée, on l’a envoyée comme ça. Je ne voulais pas trop la faire parce que j’étais fatigué mais on y est allé. Les mecs n’ont pas peur, c’est ça le blues. Peut-être qu’on fera un LP avec (rires). Non, un petit deux titres avec cet accord qui n’est pas le bon. Les gens chantaient comme des dingues.
Vous aussi, Christophe, vous avez mis plus d’entrain que d’habitude. On passe d’une version au piano à une version plus rock.
Je viens de là de toute façon. Je suis dans le vague, ce qui change c’est l’évolution de la technologie. La technologie, c’est Noël pour moi.
Toujours curieux pour trouver de nouveaux instruments comme le piano de ce soir ?
Ouais, je suis content s’il sonnait bien. Par contre, Beau bizarre, je ne l’ai pas très bien faite ce soir mais on s’est fout, c’est cool. Le son va parfaitement. Il faudrait que j’aie des boites à côté pour faire de la saturation, du phasing.
Pour l’instant, ce n’est pas l’inspiration qui manque mais la technologie qui pose problème ?
J’ai encore de l’inspiration, heureusement. Mes blocages ne sont pas à ce niveau-là.
Il y a d’autres dates qui vont être rajoutées pour cette tournée ?
Je ne sais pas du tout. Je ne veux pas savoir. Je vais là où le vent me porte. La prochaine, je sais que c’est Rouen. Moi, je ne suis au courant de rien. Les fouilles à l’entrée, les dates, je ne suis pas au courant. Tu sais, je suis contre les interdits.