La file d’attente était longue devant la Nouvelle Vague à Saint Malo en ce soir pluvieux du 28 novembre. Lorsque les portes s’ouvrent vers 20h, le public entre, puis patiente encore une grosse demi-heure au sec avant que les lumières de la salle ne s’éteignent. Si on a beaucoup attendu la prestation de Camille, on en attendait également beaucoup, et on aurait été un peu déçu que le concert ne fut pas à la hauteur vertigineuse de ce que l’on en espérait. Heureusement (attention : spoiler), on n’a pas été déçu. Lorsque la lumière vient peu à peu sur la scène, tout ce qui se trouve sur celle-ci est recouvert de grands draps bleus. De l’un d’eux, qui s’élève peu à peu sans dévoiler ce qu’il couvre, s’échappe la voix de Camille. Après cette entrée en matière, d’autres draps se soulèvent et révèlent des musiciens et leurs instruments, alors que les choristes font leur entrée en scène. Le concert démarre ensuite comme Ouï, le dernier album de Camille (dont, avec quelques mois de recul supplémentaires, on persiste à dire qu’il est l’un des meilleurs de l’année) : Sous le sable, Lasso, Fontaine de lait… Ce n’est qu’au bout de deux titres que la chanteuse se décide enfin à lever le voile et à se montrer au public.
Le line-up n’est pas très standard, mais Camille ne fait jamais rien comme tout le monde : deux percussionnistes, un clavier et trois chanteuses la secondent donc sur scène. La chanteuse revisite un certain nombre de titres de ses albums plus anciens : Pâle septembre, Ta douleur (de Le Fil), Home is where it hurts (de Music Hole), My man is married but not to me, Ilo veyou, Allez allez allez (de Ilo veyou) qu’elle mêle aux chansons de son dernier album : Twix, Je ne mâche pas mes mots, Les loups, Fille à papa, Seeds…
Si elle ne parle pas beaucoup entre deux chansons, Camille profite quand même de Les loups, reprise d’un morceau traditionnel, pour faire monter quelques personnes sur scène le temps de danser une bourrée à deux temps. Comme à son habitude, les arrangements (et la performance) sont réglés au millimètre, dans ce mélange de folie et de rigueur qui caractérise les concerts de la chanteuse. On pourrait dire la même chose de sa voix, qui peut à la fois partir dans d’improbables successions d’onomatopées tout en restant parfaitement maîtrisée, sautant avec facilité d’un timbre et d’une octave à l’autre. A plusieurs reprises, on se dit « ah, elle nous fait le bouquet final, c’est le dernier morceau »… et puis non, ce n’était qu’une apothéose parmi d’autres et le concert se poursuit. La partie de tambours de Seeds est ainsi l’occasion de descendre dans le public et de sillonner la fosse et les gradins en file indienne.
Camille termine sa prestation sous des applaudissements nourris et on ne peut plus mérités, avant de revenir sur scène le temps d’un rappel. Après avoir chanté un Joyeux anniversaire choral adressé à une certaine Audrey croisée un peu plus tôt dans le public, Camille se livre à un de ses exercices favoris : une séance d’improvisation vocale avec le public. Une dizaine de personnes de l’assistance la rejoignent sur scène, dont une voix de basse à la profondeur inhabituelle (présenté comme un spécialiste du chant diphonique, ce qui explique peut-être la petite incursion de Camille dans ce registre vocal un peu plus tôt dans le concert)
Le rappel se termine de manière intimiste : Camille, restée seule en scène, interprète a capella un dernier titre : Tout dit. Et effectivement, de ce superbe moment il n’y avait rien à redire.