[Rennes Métropole] : Un tourisme urbain sous influence

Oh ben tiens, ça faisait longtemps… La société publique locale (SPL) Destination Rennes, qui exerce des missions d’Office de Tourisme, a une nouvelle lubie. Après avoir vainement tenté d’installer un énième écran géant numérique sur l’esplanade du centre commercial qui fait office de gare (lire ici sur alter1fo, NDLR), la voici en train de lorgner du côté des influenceurs et des influenceuses, comme le montre cet extrait du marché public qu’elle a lancé en janvier dernier.

CCTP : Suivi des relations presse pour la SPL Destination Rennes

Destination Rennes souhaite donc créer des partenariats avec des gens capables de vanter tout et n’importe quoi, pourvu que cela serve leur intérêt (financier de préférence) ou leur image. On se souvient encore des vidéos promotionnelles sur le Service national universel ou sur la politique de Macron. Faut-il voir ici la signature de la nouvelle directrice de la SPL, Véronique Rousseau, ex-directrice marketing de Yves Rocher qui succède à Jean-François Kerroc’h ? Faut-il entrevoir une nouvelle phase dans la stratégie de Destination Rennes ? P’t-être bien que oui, p’t-être bien que non. Cela n’a pas vraiment pas d’importance, en fait.  Seule certitude, huit années après sa création, le gloubi-boulga qu’est Destination Rennes poursuit inlassablement son ambition de « renforcer l’attractivité de la métropole rennaise » et de vouloir « faire destination ». À tout prix. Par tous les moyens.

Flux touristique, par AUDIAR

Autrefois Rennes brillait, modestement certes, par ses maisons à pans-de-bois, sa rue de la soif et ses soirées étudiantes qui se finissaient à l’aube généralement par une galette saucisse encore brûlante prise sur le marché des Lices. Ce n’était pas suffisant. Dorénavant, il faut truster les parts de marché des weekends prolongés pour personnes friquées, capables de poser des RTT et de prendre l’avion ou la LGV. Mais en face, la concurrence est rude : Marseille, Lyon, Strasbourg sont des métropoles déjà bien implantées dans le tourisme urbain.

CCTP : Suivi des relations presse pour la SPL Destination Rennes

Par conséquent, il faut communiquer. Empiler les stories (des images qui disparaissent en quelques heures, NDLR) pour faire oublier cette réputation pittoresque de Rennes, capitale de punks à chiens et de babos en sarouel ; une image d’Épinal qui lui colle à la peau tel le sparadrap du capitaine haddock. Destination Rennes a justement déjà payé utilisé invité des blogueurs et blogueuses à venir visiter la ville en rêvant bien fort d’articles élogieux en retour. Comme un échange de bons procédés. Le rapport d’activité de la SPL de 2019 cite quelques exemples. On note la venue de blogueurs marseillais, la réalisation de vidéos et de photos par le blogueur Rafael Peréz du blog Kameléon, et aussi l’escapade de deux blogueuses lors du festival Les Bouffes Rennaises. La liste n’est pas exhaustive : on retrouve sur le net d’autres blogueurs et blogueuses remerciant nommément Destination Rennes de leur invitation dans leurs articles (voir ci-dessous).

Rapport d’activité SPL Destination Rennes – 2019
Copie écran https://www.annieanywhere.com
Copie écran https://lesaventureuses.com/visiter-rennes-street-art-architecture/
Copie écran http://www.juliettekitsch.com/

Rien n’est trop beau pour faire chauffer les réseaux sociaux. Cette année, par exemple, Destination Rennes est capable de lâcher 200 000 € pour la mise en œuvre d’un plan média visant à assurer la mise en avant de la prochaine exposition estivale. Une partie de cette somme sera dédiée aux « campagnes d’influence » (voir ci-dessous, NDLR). Pourquoi s’en priver ? Une enquête de L’argus de la Presse montre que de 75 % des internautes ont déjà acheté un produit après le post d’un influenceur. Tant qu’il y a du contenu et de l’hashtag #rennesquonaime, on ne regarde pas à la dépense. Quoique, ça commence à se voir. Des élu·e·s écologistes métropolitains ont dénoncé en conseil métropolitain l’année dernière l’opacité de certaines subventions supplémentaires demandées par la SPL. « Ces subventions complémentaires proposées aujourd’hui nous questionnent toujours et encore […]  dans un climat financier très tendu. », déclarait Morvan Le Gentil, en mars 2021.

Achats d’espace Exposition Pas sommeil – été 2022

Finalement, faire appel aux influenceurs et aux influences n’est que la suite logique de ce qui a été entrepris depuis la création de Destination Rennes. Elle accompagne la gentrification galopante de la ville. Rennes est devenue une marque, un produit de consommation comme un autre. On n’informe plus, on influence. Business is business. Peut-être verrons-nous un jour une vidéo de ©McFly_et_Carlito sur le toit du couvent des jacobins jouant au jeu des anecdotes, ou bien celle d’©Enjoy_Phoenix depuis le roof-top de l’hôtel grand luxe de la place des Lices. Qui sait ? Cela provoquera sans doute des likes et des pouces bleus en l’air.

En attendant, ce sont les habitants et habitantes historiques qui trinquent, et qui se voient déposséder de leur quartier, où finalement, plus grand-chose n’est fait pour elles/eux. Pire, certain·es se voient contraint·e·s de le quitter à cause de l’explosion des loyers, actant définitivement la domination des CSP+ [1]  et des city-breakers. « Proposons une autre destination à « Destination Rennes ». Réinterrogeons-nous sur ce que nous voulons et réinterrogeons les habitant·e·s de la métropole sur ce qu’ils veulent ! » proposait Michel Caillard au nom du groupe écologiste et citoyen. Chiche ! Hashtag #Rennesquonaimeplustroptrop.



[1] Municipales 2020 : et si on parlait de la gentrification ?

« Plage urbaine », « phare dans la ville », « trame verte »… parlez-vous le marketing territorial ?

Expo Pinault, simple fric ?

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