2014 fut une année blanche pour les chroniques BD sur alter1fo. Pour vaguement rattraper le coup, nous vous offrons un survol rapide de ce nous avons lu d’épatant cette année avec en cadeau bonus une petite annonce pour 2015.
Parce que ça nous a manqué et parce qu’au moins deux personnes nous l’ont malicieusement ou gentiment demandé, voici notre petite liste des Bandes Dessinées de 2014 que nous avons trouvées les plus chouettes. C’est également l’occasion de vous annoncer que nos chroniques reviendront l’année prochaine. Ce sera, on l’espère, sur un rythme mensuel et sous la forme d’un podcast. Rendez-vous fin janvier sous forme d’un complément à cette sélection.
Comme les podiums ne sont pas vraiment ce qui nous font vibrer le plus et que nous pensons que les profs qui rendent leurs copies par ordre décroissant mériteraient d’être emmurés vivants avec Nadine Morano, notre liste est tout simplement rangée par ordre alphabétique.
Avec Tu seras merveilleuse ma fille, la 4ème et ultime tome de sa série Aâma, Frederik Peeters conclut brillamment ce qui va sans doute rester comme une des plus belles séries de Science Fiction des années 2010. La boucle se boucle dès les 10 premières pages et l’auteur peut à loisir se laisser librement dériver pour un final aussi spectaculaire qu’intimement personnel.
Chez Gallimard, novembre 2014, format 23 x 31 cm, 104 pages, 18,50 €
Nous avions adoré danser le Mambo avec Claire Braud. Nous étions donc très impatients de lire son Alma. On a retrouvé avec un grand plaisir sa folle troupe de personnages dont les trajectoires se percutent joyeusement dans un splendide bordel narratif. Du roi aztèque se voyant pour la première fois dans un miroir et se trouvant trop laid, à la furie dévastatrice d’Alma Knöll, agricultrice volcanique dont les bœufs ont été confisqués par des militaires, Braud dérive un peu moins que sur son précédent opus mais garde la folle énergie qui nous avait tant séduit.
Chez L’Association, mai 2014, format 22 x 29 cm, 120 pages, 19 €
En 2009 dans Alpha : Directions, l’allemand Jens Harder nous racontait rien de moins que l’histoire de notre Terre, du Big Bang jusqu’à l’apparition de l’homme dans un brillant et très imposant premier volume. Ce n’était pourtant que la première partie d’une trilogie. Dans Beta… Civilisations (volume I), il s’attaque à l’histoire de l’humanité. Ce premier tome couvre 30 000 ans d’histoire des civilisations humaines, jusqu’au début de l’ère chrétienne. Dans un bluffant et subtil kaléidoscope où se mêlent imageries scientifiques, artistiques, religieuses… l’auteur réédite son exploit d’être à la fois didactique, malicieux, iconoclaste et vertigineux. Vivement la seconde partie qui traitera de nos deux derniers millénaires et la dernière qui imaginera notre futur.
Chez Editions de l’An 2, Janvier 2014, format 19,5 x 30 cm, 368 pages en bichromie, 38,50 €
Vu l’importance de l’objet, nous vous avions parlé du monumental Building Stories de Chris Ware dès sa sortie aux États-Unis en octobre 2012. Il aura fallu à Delcourt pas moins de deux ans de travail pour traduire la bête strictement à l’identique. Voici donc dans la langue de Georges Pérec, la superbe boîte et ses 14 « livres » aux formats les plus variés. Ware réussit un prodigieux tour de force, pousser un médium dans ses retranchements tout en conservant une charge émotionnelle rare. Le voyage narratif est totalement indispensable à tous ceux qui s’intéressent de près ou de loin au 9ième art… et aux autres aussi d’ailleurs.
Chez Delcourt, octobre 2014, formats très variés
contenus dans une boîte de 30 x 42 cm, 260 pages en tout, 69,95 €
Autre série dont nous attendions avec une impatience fébrile la conclusion, la trilogie de l’américain Charles Burns se termine brillamment avec Calavera. La puissance chromatique des dessins et le vertigineux enchâssement des récits vénéneux apportent à l’ouvrage une force de fascination inquiète que l’on ne croise pas derrière n’importe quelle couverture.
Chez Cornélius, septembre 2014, format 22 x 29 cm, 64 pages, 21,50 €
Petit récit parfait, chouettement réédité chez l’excellent label InMyBed et redessiné depuis sa première parution dans l’ouvrage collectif Nous sommes Motörhead en 2009, Emmyl du rennais Sébastien Lumineau nous rappelle en 32 pages somptueusement carrées à quel point la musique tient une place vitale dans notre adolescence. Ou comment être sauvé (ou pas) par Ace of Spade.
Chez InMyBed, décembre 2014, format 19 x 26 cm, 32 pages, 9 €
Après La Saison des Billes sorti l’année dernière, voilà que, mine de rien, Gilbert Hernandez vient nous enchaîner un second chef-d’œuvre avec son Julio. Du noir du premier cri à celui du dernier râle, l’ouvrage raconte donc la vie de Julio. Avec une science sidérante de l’ellipse et du récit en creux, Hernandez trace en 100 pages pour 100 années d’une vie, le portrait d’un homme, d’une communauté, d’un siècle. Sublime et bouleversant.
Chez Atrabile, février 2014, format 21 x 28 cm, 112 pages, 19 €
Retour à l’autobiographie pour Riad Sattouf avec le premier tome de L’Arabe du futur #1. Entre Libye et Syrie, avec quelques passages bretons à peine moins folkloriques, Sattouf narre avec une acuité mordante mais aussi une tendresse flottante sa pas banale jeunesse. Le livre trouve une juste distance et restitue à merveille l’état d’ébahissement avec lequel Riad, du haut de ses 5 ans, découvre un monde totalement incompréhensible. Un livre qui est aussi (et surtout ?) le portrait d’un père, synthèse à lui seul des espoirs et des profondes contradictions du monde arabe des 70’s.
Chez Allary, mai 2014, format 17 x 24 cm, 60 pages, 20,90 €
La Fille Maudite du Capitaine Pirate de Jeremy A. Bastian est tout simplement une pure merveille. Ces aventures follement picaresques d’une jeune fille en quête d’un père dont elle sait seulement qu’il est l’un des cinq capitaines pirates voguant sur les fantasques mers d’Omerta sont servies par un dessin hors-normes entre la puissance d’un Arthur Rackham, la précision d’un Gustave Doré, la folie baroque d’un Gary Gianni et l’onirisme hyper détaillé d’un Tony Millionaire. Notre gros coup de cœur de ces derniers mois dont on vous reparlera sûrement prochainement.
Chez La Cerise, Avril 2014, format 20,5 x 30 cm, 128 pages, 19 €
Les voleurs de Carthage d’Appolo et Hervé Tanquerelle commence comme un antique épisode pieds nickelés où deux filous se voient proposer par la donzelle à qui ils allaient faire subir les derniers outrages le casse du siècle : le pillage du temple de Baal dans une Carthage au bord de sa destruction par l’armée romaine. Ça démarre donc comme un péplum-spaghetti enlevé, aussi amusant que méchant comme une teigne. Sauf qu’au fil du récit, le ton s’oriente vers des détours assez inattendus. Deux tomes très puissants, servis par les dessins vifs et amples d’un Tanquerelle une fois de plus très inspiré.
Chez Dargaud, octobre 2014, format 24 x 32 cm, 54 pages, 13,99 €
Opus du japonais Satoshi Kon est bien sorti en 2013. Cependant, c’est une de nos lectures les plus marquantes de cette année et puis sinon ça faisait 13 BD et franchement ça ne le fait pas. Le regretté réalisateur de Perfect Blue, Millenium Actress ou Paprika nous livre deux tomes éblouissants où un mangaka se retrouve propulsé dans ses propres pages. Il réussit même l’exploit de tirer parti de l’arrêt brutal de la série publiée initialement en épisodes dans un magazine pour boucler avec une grande classe cet échevelé et délicieux récit pirandellien.
Chez IMHO, 2 tomes, novembre 2013, format 14,7 x 21 cm, 184 pages, 14 €
Nous nous offrons une petite coquetterie avec une série pas encore traduite par chez nous mais ça ne saurait sans doute tarder vu la pluie de prix qu’elle va remporter. Sex Criminals est écrite par Matt Fraction et dessinée par Chip Zdarsky. Ce comics mensuel part d’un pitch assez peu séduisant au départ : Suzie et John se rencontrent, se plaisent et découvrent que l’un comme l’autre ont le pouvoir de « geler le temps » quand ils ont un orgasme. A partir de cette improbable base, les auteurs ont réussi l’exploit de construire une série drôle, enlevée et touchante qui parle avec une justesse épatante de notre époque, de la vie de couple en général et de sexualité en particulier. On guette la version française et on vous en reparle très vite.
Chez Image Comics, Avril 2014, format 16,5 x 25,4 cm, 128 pages, 9,99 $
Un autre comics épatant mais lui par contre dûment traduit, Trillium de Jeff Lemire marque le retour en grâce d’un auteur qui nous avait un peu refroidis après ses excellents Essex County et Sweet Tooth. Trillium est une magnifique histoire d’amour. Celle qui va réunir la botaniste Nika Temsmith et l’explorateur anglais William Pik. Sauf que la première vit en 3797 aux confins de l’espace au milieu d’une humanité dévastée et chassée par une terrifiante épidémie et que lui tente de revivre après avoir survécu aux tranchées de la guerre 14-18. Cette surprenante romance nous est narrée avec une inventivité rare où l’auteur n’hésite pas à faire basculer le sens de lecture. Sauf que le plus fort, c’est que les tours de passe-passe de basculement d’un récit à l’autre trouvés pour chaque nouvel épisode servent totalement et renforcent encore là le sentiment de communion des deux personnages, ici la douleur de leur séparation. Un tour de force hautement poétique qui ravira autant les sensibles que les amateurs d’expérimentations formelles. Nous, on s’en fiche, nous sommes les deux.
Chez Urban Comics, octobre 2014, format 16,5 x 25,4 cm, 216 pages, 19 €
On termine par un impressionnant manga en trois tomes. Dans Wet Moon, Kaneko Atsushi délaisse un peu l’ultra violence débridée de ses précédentes séries pour s’aventurer dans les eaux plus troubles du polar onirique à la David Lynch. Dans une station balnéaire du Japon des sixties, l’enquête sur le meurtre d’un ingénieur du jeune inspecteur Sata l’amène à poursuivre une secrétaire en fuite. Il perd connaissance pendant la poursuite et se réveille avec un éclat métallique logé dans le crâne. Le mystérieux objet va vite lui provoquer pertes de mémoire et hallucinations qui vont l’amener vers des territoires de plus en plus inquiétants. Mené de main de maître et dessiné dans un superbe noir & blanc hautement influencé par Charles Burns ou Paul Pope, cet haletant récit à la savante étrangeté risque bien de vous provoquer de délicieuses sueurs froides.
Chez Casterman, 3 tomes, septembre 2014, format 19 x 26 cm, 330 pages, 9,50 €
je peux refaire ma wishlist de noël.
Et vivement les podcasts !