BD en mars : comme des envies d’ailleurs

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La saison étant à une grande foire à la peur de « l’autre » bien crapoteuse, il nous a semblé judicieux de vous proposer une petite sélection tournée vers l’extérieur. Ce mois-ci, on voyage donc, d’un Japon médiéval fantasmagorique à l’Afghanistan en passant par une étape au Kenya. Allons donc voir chez les autres, si nous y sommes.

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La première étape nous emmène à travers l’espace, le temps… et l’imagination. Le chien dans la vallée de Chambara d’Hugues Micol nous transporte dans un japon médiéval pour un conte cruel et splendide.
Le récit s’ouvre sur une partie de chasse fatale, où les trois voisins accompagnant la riche héritière d’un puissant clan, vont avoir l’occasion de lui ravir ses richesses au prix d’une sordide association.
On avait adoré les aventures muettes et débridées narrées en noir et blanc dans 3 et sa suite : Sequelles. Là il faut avouer que l’ajout de la couleur en met plein la vue. L’album arbore un format «en hauteur » inhabituel mais qui sied parfaitement aux superbes compositions de Micol. Le découpage est audacieux et ces personnages se détachant en grand format entre plusieurs vignettes sont un vrai régal. Visuellement c’est donc un bonheur total et l’on se prend à freiner sa lecture pour savourer encore plus certaines pages.
Cerise sur le sushi, ce récit de vengeance implacable est savoureusement pimenté par une grande mélancolie sous-jacente, des dialogues décalés, voire carrément anachroniques, et surtout par une fin aussi abrupte que parfaite.
Un étrange mélange donc, mais qui se révèle fort savoureux et surtout magnifié par un traitement graphique hors-norme.

Chez Futuropolis, janvier 2011, format 23 X 32,5 cm, 64 pages, 16 €

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Notre seconde escale nous mène en Afghanistan. Nous sommes fort heureux de voir que l’éditeur indépendant les Requins Marteaux n’a pas mis la clé sous la porte, malgré des difficultés financières à répétition. Plein de nouveaux titres fleurissent donc chez les féroces albigeois, dont : La première fleur du pays sans arbre écrit par Julien Lacombe et mis en images par Sarah Arnal.
En plus d’avoir un titre magnifique, le volumineux ouvrage nous propose un subtil portrait par petites touches d’un pays dont on a hélas des nouvelles que par l’actualité la plus mortifère. Julien Lacombe y raconte sa participation à un projet de développement rural financé par la Banque Mondiale en 2004. L’idée de base est d’inciter les villages à élire des conseils municipaux constitués de représentants de l’ensemble de la communauté, y compris des femmes. Le but est d’essayer de construire une structure de gouvernement au niveau régional.
On le suit donc à travers une série de courts chapitres où vont alterner : le récit de sa mission et de sa vie d’exilé, des portraits d’afghans et de nombreuses anecdotes entre réalités locales et péripéties du voyageur. Le tout finit par dresser un portrait remarquable de complexité de cette contrée. L’Afghanistan y apparaît dure, tiraillée de multiples contradictions mais aussi pleine d’un espoir surprenant pour l’occidental penché sur sa propre décrépitude.
Les dessins de Sarah Arnal, oscillants entre épure et instantanés plus détaillés, apportent une très belle sensibilité supplémentaire à un ouvrage qui n’en manque pourtant pas. L’idéal complément à l’indispensable Photographe de Guibert et Lefèvre.

Chez les requins Marteaux, février 2012, format 20 X 27 cm, 256 pages, 20€

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L’ultime destination de nos voyages, nous emmène enfin au Kenya. Cela fait un moment que nous suivons avec intérêt le travail de Benjamin Flao. Avec l’aide de Christophe Dabitch au scénario, il nous avait ravis par son trait vif et puissant dans La ligne de fuite puis Mauvais Garçons. On le retrouve aujourd’hui seul aux commandes avec le premier tome de Kililana Song. On peut dire que le bougre réussit brillamment son premier album en solo.
Naïm est un petit kényan de onze ans qui préfère amplement vadrouiller dans les ruelles de Lamu plutôt que d’aller se prendre des coups de cannes à l’école coranique. Ses errances, et ses courses poursuites avec son grand frère bien décidé à le remettre dans le droit chemin, vont l’amener à croiser toute une galerie de personnages. On y croisera bien sûr des locaux mais aussi des touristes pas seulement là pour la beauté des paysages, un vieux shaman et son arbre, un capitaine hollandais coincé par ses magouilles et fort en gueule… Tout ce petit monde, avec notre irrésistible Gavroche à bonnet en lien, construit un récit dense et faussement relâché, mais qui sait parfaitement où il va, et qui vous laissera à la dernière page bouillonnant d’impatience de lire la seconde partie.
Le dessin est, comme toujours avec Flao, une véritable splendeur. Le sens des corps et des expressions des personnages est un vrai feu d’artifice. Le bonhomme a aussi un sacré talent pour capturer la luminosité incroyable des lieux ou la texture des matières.
Rendez-vous est donc d’ores et déjà pris pour la suite. Cela ne devrait pas trop trainer mais l’on ne pouvait décemment pas attendre jusque là pour vous faire partager ce grand bonheur.

Chez Futuropolis, mars 2012, format 21,5 X 29 cm, 128 pages, 20

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