Le label Beast Records en interview, @ Mondo Bizarro le vendredi 06 janvier

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Sur le site du label rennais Beast Records, on annonce tout de suite la couleur : « Only the best on Beast Records. Wild great records and wild great shows. That’s what we do ! ».

Et effectivement, le label ne se contente pas de produire des disques. Il les vend (Rockin’ Bones), avec un soin particulier dans le choix du support, de nombreuses sorties s’effectuant sur vinyle.

Le label suit aussi ses artistes en organisant des tournées, notamment en France, en mélangeant artistes rennais, américains, anglais, australiens…

Le mois d’octobre était très Beast, puisqu’après avoir investi le Mondo Bizarro et le Sambre, ils se sont emparés de l’Ubu pour une excellente soirée regroupant 5 concerts entre blues, rock et punk (à lire, le report de cette Night of The Beast ici).

En attendant les Hits prévus au Mondo Bizarro début mai, le label investira les lieux pour une soirée regroupant Head On, Slim Wild Boar, Beg Borrow Steal, Cris Martini et Mama Strat ce vendredi 06 janvier. L’occasion pour nous de revenir sur l’interview que le patron du label nous avait donnée, quelques jours après la mémorable soirée de l’Ubu. Seb nous parle notamment de son attachement pour les artistes australiens, mais aussi du groupe Head On dans lequel il chante. Rencontre.

Beast Records

Alter1fo : Comment est né le label Beast Records ?

Seb de Beast Recordsd : C’était en 2003 avec Born in Flames : quitte à sortir un album autoproduit, autant démarrer un label. Le nom Beast vient des Beast of Bourbon, parce que c’est mon groupe préféré, et puis le côté bestial du truc me branchait. On a démarré avec la référence 69, un peu à cause des Stooges, et les trois-quarts des membres du groupe sont nés en 69. Et puis ça faisait comme si on avait déjà 69 références, c’était marrant !
Ça s’est enchainé avec un groupe breton et australien, The Outside. Puisque tu as déjà un nom de label, autant utiliser le tien pour gonfler ton catalogue, ça te fera deux références ! (rires)
Il y a eu ensuite Orville Brody, un super artiste qui a vendu pas mal de cd. Je me suis pris au jeu et j’ai fait ça plus professionnellement.
Quand les Digger and the Pussycats sont venus en Europe, on me les a proposés parce qu’on savait que j’aimais beaucoup la musique australienne. Ça a fait ni une ni deux, on est devenu vraiment potes. Andy, le batteur, m’a alors dit :
« – Je te ramenerai Spencer P. Jones.
– C’est une plaisanterie, t’as que 25 ans, il en a 50 !
– Oui, mais je joue avec lui ».

La dernière fois que je l’avais vu, c’était salle de la Cité dans les années 80, avec les Johnnys, il y avait 2000 personnes en train d’hurler devant lui. Lui, c’est mon putain de héros : et il est revenu à Rennes. J’ai commencé à connaître beaucoup de monde en Australie, et j’ai donc fait pas mal de disques d’artistes australiens.

2003 la naissance du label et professionnellement à partir de quand ?

Le coup de maître, ça a été Six Ft Hick. Ils pouvaient être sur n’importe quel label : j’avais, sans prétention, une bonne réputation, celle de ne pas être un label très professionnel, mais d’avoir un bon gros système D.
On accueille les groupes, on les loge. Le lendemain, ils ne se cassent pas sur la route comme ça, on discute devant un petit déj’. Je les ai hébergés, aidés à faire toutes leurs premières tournées, et ils se sont dit, pourquoi aller sur un label plus gros ? Il y aura toujours quelque chose avec nous.
Je leur ai pourtant proposé d’aller sur un plus gros label, parce que l’idée de mon label est de mettre le pied à l’étrier pour les groupes français, et de faire découvrir ici les groupes australiens qui sont énormes dans leur pays. C’est assez bizarre, mais c’est comme ça : depuis 20 ans, il y a une coupure entre le business australien et l’Europe. Il y a des artistes énormes dans des salles de 2000 personnes en Australie, et tu les retrouves ici au Sambre ou au Mondo.

Qui compose l’équipe de Beast Records ?

Ça peut paraître assez peu démocratique, mais ça fonctionne pas mal comme ça : je fais souvent le choix des artistes seul, mais généralement on va tous dans le même sens. Franck s’est beaucoup investit au début, alors qu’il n’avait pas beaucoup de moyens, ça m’a touché, et on s’est dit, toi tu restes dans l’équipe. Il fait les entrées, il s’occupe de choses qui ne sont pas toujours évidentes à gérer. Et Romain, c’est The Brain, c’est lui qui fait les pochettes, le design. Quand je parle dans un micro, il retranscrit sur le net, il s’occupe de la messagerie du label. Je réponds aussi mais j’ai un côté plus direct avec les gens, je suis très old school (rires).

Comment se font les rencontres avec les artistes du label ? Je pense par exemple à Hipbone Slim qui est passé de Voodoo sur Beast.

Hipbone Slim & The Kneetremblers

Hipbone Slim, ça a été bizarre. Je l’avais déjà vu en concert grâce aux Banana Juice. Ils sont venus à Rennes, mais Baldy est hyper exigeant, il demande plein de choses. Les deux autres sont vraiment cool, mais Baldy est quelqu’un d’un peu « sportif », il lui faut une chambre tout seul par exemple. Les Banana Juice l’ont donc logé chez moi un soir où ils organisaient un concert. Il était très content d’être chez moi, et on a gardé contact. Il m’a ensuite proposé une première compilation d’Hipbone Slim, mais avec d’autres groupes. Comme il a vu que le boulot était bien fait, que ça fonctionnait assez rapidement, et que Romain était assez doué pour l’artwork, ça s’est fait naturellement.

L’histoire avec Voodoo Rythm, c’est pour une histoire financière : le label a failli s’arrêter. Ils ne se sont pas du tout pris la tête et sont venus sur Beast Records. On a pressé beaucoup plus, on fait habituellement 500 vinyles et 1000 cd, et là on a commencé par 1000 vinyles, et ils sont pratiquement tous partis.

Pour les sorties de disques, pourquoi le choix du vinyle ?

Parce que le cd va disparaître. Je suis disquaire, et j’avais déjà tout mis sur le vinyle parce que je préfère vraiment l’objet. Je ne suis pas contre le cd, mais toute la production des années 60, 70, 80, en cd, je trouve que ça n’a jamais sonné. Quelqu’un qui écoute Hendrix en cd… Pour les audiophiles, il y a des presses qui coûtent plus chères, mais pour les produits communs, c’est une grosse erreur. Le vinyle, avec le mp3, vont rester pour les quinze prochaines années au moins, c’est une certitude.
Et les artistes qu’on a sur Beast veulent faire du vinyle. Pour les australiens par exemple, c’est simple, il n’y a plus de presse vinyle en Australie. Il en reste une qui fait de très mauvais produits donc ils font des 45, parce qu’avec la vitesse, tu te rends moins compte du côté pourri. Mais le 33 n’existe plus là-bas. Quand ils font des vinyles, ils les font généralement aux États-Unis, et ils payent autant en frais de ports qu’en production.
Donc quand ils viennent en Europe, ils savent que les Européens sont friands de vinyles, comme les Espagnols et les Allemands, beaucoup plus que les Français. Pour leur tournée, je leur sers de relais pour faire du vinyle.

Hier au Sambre, il y avait des artistes australiens comme Ben Corbett, comment expliques-tu qu’il y ait autant d’artistes australiens sur le label ?

Rockin bones

Si tu avais vu ma collection de disques avant de débuter le label, tu l’aurais tout de suite compris ! Parce que j’ai toujours été fan, et dans plusieurs directions. Simplement, je te retourne la question : comment expliques-tu qu’un pays qui fait seulement la moitié de la population française a pu avoir AC/DC, Nick Cave, dans la pop, INXS, Midnight Oil, ou dans la dance, Kylie Minogue ? Comment un si petit pays a pu générer autant d’artistes, par exemple dans le cinéma ? Là, je t’ai cité des groupes connus, mais il y en a un paquet là-bas.

Ce que j’aime surtout, c’est leur créativité. Je n’aimais pas par exemple une partie de la scène punk-rock en France, quand je les voyais avec leurs cravates : si jouer un style de musique, c’est forcément surfer sur une vague… Ce qui est marrant, c’est que ces disques-là ne restent jamais ! Si tu prends par exemple les TV Killers qui ont vraiment lancé le truc : dans le début des années 90, c’étaient vraiment les premiers à avoir un look punk-rock, mais le genre est devenu super caricatural après.

Pour nous c’est bien d’avoir cette mise en avant de la scène australienne, ça nous permet de découvrir pas mal de choses. D’où vous est venu l’idée d’un gros projet comme The Night of The Beast à l’Ubu ? C’était quand même un gros pari avec sûrement pas mal de craintes au départ.

Je dois être assez naïf ! C’est Jean-Louis Brossard qui m’a proposé de faire la soirée, et tout ce qui va avec, la paperasse, etc… Ça m’a pris la tête mais je suis assez têtu, et avec Romain, on s’est dit qu’on allait le faire quand même. J’ai su dès le départ que ça allait être très compliqué. Ça ne l’était pas si j’avais émis un billet entre quinze et dix-sept euros, mais les concerts les plus chers qu’on avait faits, c’était dix euros. Donc on a rajouté un euro symbolique, je préfère comme ça : les gens étaient contents et je trouve que le prix était abordable.

Il y avait beaucoup de monde !

Oui, les gens ont répondu présents, ils sont venus de partout, ça faisait plaisir de voir des gens de Brest, de Lorient, de Lannion. Parfois tu as des salles blindées, mais tu as des tensions, des gens qui gueulent, des gens complètement bourrés. Je félicite notre public qui vient, parce qu’à chaque fois tout le monde a le sourire, il y a des gens qui discutent, d’autres qui sont devant le concert pour se prendre une claque musicale… On a un très bon public, et j’ai d’ailleurs demandé à Romain de remercier tout le monde via facebook parce que les gens étaient très chouettes.

Seb de Beast Records

Ce qui nous a surpris, c’est qu’il y avait assez peu de monde au bar pendant les concerts, et le public était vraiment devant le concert.

C’est vrai ! C’est le signe que les groupes étaient bons.

Le mois d’octobre était Beast Records. Il y a eu des concerts au Mondo, au Sambre, à l’Ubu. C’est le hasard des tournées ?

Complètement. D’habitude, c’est plutôt le mois de mai. Quand on me demande pour tourner, je leur dis quand vous voulez, mais pas en mai. A chaque fois, il y a des groupes partout, il y a plein de concerts. Je ne sais pas ce qui s’est passé en octobre, mais je ne pouvais pas refuser. Ça a été hyper compliqué. Ce matin avec Marion, on a fait 24 galettes complètes, on avait les Kill Devil Hills à 8, Kim Salmon à 2, Gentle Ben à 4, leurs femmes, des potes, etc…
C’était vraiment le hasard. Mais Kill Devil Hills, ça ne se refuse pas. Avec Gentle Ben, c’est plus que des liens musicaux.
On a fait aussi les Black Diamond Heavies : on connait John depuis un moment, on a notamment fait pas mal de concerts ensemble. Il nous avait proposé de jouer de l’orgue avec lui sur le prochain album d’Head On, résultat : on accepte le concert.
Il y avait les Spoils : tu peux nous trouver trois-quatre concerts ? Je les trouve. The Holy Soul viennent aussi, tiens je vais faire jouer les deux en même temps…
Çaa été le fruit du hasard, mais je suis content que ça soit fini ! (rires)

Quelles sont justement les prochaines dates du label dans la région ?

Je crois que je ne vais pas faire grand-chose dans les trois mois à venir. On a besoin de mettre le label à l’abri financièrement, on a fait beaucoup de sorties par rapport à nos rentrées. Il va plutôt falloir penser à vendre, contacter des gens.
Il faut aussi qu’on pense à nous, à notre groupe, Head On. On a besoin de finir l’album, mais les week-ends sont toujours remplis parce qu’on a booké des concerts.
Objectif : finir l’album, puis il y a quelques dates avec Head On, mais ce sera dans le nord de la France.
Et le prochain gros truc, ça sera les Hits en mai 2012. Il y aura peut-être d’autres australiens en mars, Buried Horses, un peu comme les Drones. C’est très très sombre, les Australiens m’ont dit que c’était complètement givré sur scène, à la Birthday Party.
D’ici là, il peut se passer pas mal de choses.

Peux-tu nous parler des sorties récentes ou à venir d’albums ?

Ben Corbett

Le dernier, c’est Kill Devil Hills, un single, puisqu’ils ont un contrat avec Bang Records en Espagne. Il y a l’album d’Hipbone Slim qui vient de finir son contrat avec Voodoo Rythm. Je suis super content parce qu’il a une image assez universelle depuis le temps : Bruce Brand, ça parle à pas mal de monde, donc ça me permet de vendre très rapidement ses disques.

Et puis le dernier album de Gentle Ben and his Sensitive Side : si les gens ne comprennent pas les textes, ça a beaucoup moins d’intérêt. Ben, comme son frère Geoff, travaille dans un centre de toxicomanes de moins de 14 ans. Donc il se met un peu en situation comme sur un titre où il se met à la place d’un ado suicidaire. C’est toujours des histoires assez sordides. Sur l’album, tu as vraiment des morceaux glauques au piano. D’après certains chroniqueurs sur le web, personne n’avait écrit un album aussi dense et aussi fort, aussi intense que lui. Il a une écriture très personnelle.

Il est hyper attentif, il écoute tout le temps les gens. Par exemple, sur le dernier album On The Rocks, il a écouté pas mal d’histoires de marins au Galion, et hop, il les a replacées dans ses textes ! Cet album, je l’adore, il est moins facile d’accès que les deux premiers, mais je comprends que les chroniques trouvent que c’est son meilleur album. Entre la consistance des textes et la musique comme support de l’émotion, c »est un album très personnel. C’est probablement quelque chose qu’il avait envie de sortir, ce qu’il voit tous les jours au boulot.

C’est Magnetic Island. Il est déjà sorti en cd en Australie, et il sort en vinyle ici.

Le vinyle est une co-production avec Spooky Records, justement à cause de l’absence de fabrication là-bas. Spooky Records ont eu tous les meilleurs artistes, c’est un vivier bis. En Australie, tout le monde se moque d’eux parce qu’ils ont perdu énormément d’argent : un gros label a voulu signer les Drones et Spooky a accepté pour 10 000 euros, j’aurais fait pareil ! Mais les Drones actuellement vendent plus que Nick Cave ou AC/DC, en Australie, c’est vraiment énorme en ce moment. C’est un contrat qui aurait pu avoir un zéro de plus…
Sur Spooky, ils ont tout ce que j’aime, il y a Spencer P. Jones, Six Foot Hick, Gentle Ben… pour moi c’est Le label australien. C’est un vrai révélateur du talent de Melbourne, de Brisbane et autres.

Head On

Est-ce que tu peux nous parler du projet qui te tient à coeur, Head On ? Il y a eu un 45 qui est sorti, le premier album prochainement ?

Oui, s’il n’y a pas d’imprévus ! Je joue avec Franck et Christophe depuis à peu près vingt ans, on a eu un premier projet rock’n’roll stoogien. Le deuxième groupe avait un côté punk-rock avec une touche new-yorkaise. Puis le bassiste s’est barré et on s’est dit que c’était peut-être le moment de passer à autre chose.

On a été rejoint par Marco et Romain qui jouaient dans les Speedo Racers, ils ont apporté beaucoup de fraicheur, une nouvelle écoute, une nouvelle façon de bosser. Je joue comme une patate, mais c’est la première fois que je compose deux ou trois morceaux. On a travaillé différemment et le résultat est beaucoup plus lent, mais plus dense et plus intéressant.

Merci beaucoup Seb !

Merci à vous !

Un grand merci à Seb et Romain pour leur accueil et leur disponibilité !

Support Beast Records, vendredi 06 janvier à 21h au Mondo Bizarro, prix libre.

Site de Beast Records

Pour dénicher les albums Beast Records : Rockin’Bones, 7 rue de la Motte Fablet, Rennes

Photos : Solène

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