Le label rennais Range ta chambre avait carte blanche jeudi 3 février au Jardin Moderne. Range ta chambre, ce micro-label fondé en 2006, a su faire parler de lui au fil des années. D’abord, bien sûr, à cause de son génial patronyme, mais surtout grâce à ses très bonnes sorties. D’une part, les excellents albums de Santa Cruz (A Beautiful Life), de Trunks (Use Less) ou de We Only Said entre autres… D’autre part, des compilations aux titres et aux concepts absurdes et drôles. Le premier volume, Fais chanter tes copines, est sorti en 2006 et a été rapidement suivi par un nouveau volume collectif  Les Yeux dans l’eau en 2007. Pour ce second disque, les artistes devaient composer à partir d’une thématique unique : « L’Amour, l’Eté, les Poissons (même morts)… » Même principe pour la suivante, Les doigts dans la douille, bâtie autour du thème « Matin – ou soir » et devant réunir en trio « un(e) novice, un(e) musicien(ne) confirmé(e) et un(e) musicien/ne reconnu(e) » pour composer un morceau acoustique.

Une nouvelle idée de compilation collective a germé dans le cerveau du label, mais cette fois-ci autour du thème de la route. Le titre Je t’avais dit de tourner à gauche !!! s’annonce d’ores et déjà prometteur. Ce nouveau volume n’attend d’ailleurs que quelques souscriptions pour voir le jour, normalement en vinyle. C’est à l’occasion de la présentation de ce nouveau projet que le Jardin Moderne a décidé d’ouvrir ses portes au label.

Pour cette carte blanche, Range ta chambre a donc choisi d’inviter l’artiste Karosabutkiss et ses collages-dessins entre rêves dérangés et onirisme pour une exposition, mais aussi de donner la scène aux artistes du label. On commence sur la petite scène du Jardin avec la succession de duos, trios ou quatuors nés des collaborations diverses que le label a instaurées. On passe de duos basse guitare-voix, à des trios clavier-guitare-basse et voix, d’énergie rock à des mélanges électroniques, de flow inspiré du hip hop à des chants plus aériens. Mention spéciale au dernier quatuor qui arrive sur scène coiffé de casques de moto et de vélo. Leur costume entre en résonance parfaite avec l’image projetée sur le mur à côté d’eux (sûrement l’artwork de cette nouvelle compilation) avec une R5 rutilante…

Après cette première partie rafraîchissante, on est invité à rejoindre la grande scène du Jardin Moderne pour le concert de We only said. Florian Marzano avait d’abord un premier projet, I only said, nommé ainsi en référence à un morceau de My Bloody Valentine. Et puis il a rencontré d’autres musiciens. Certains ont joué sur un premier album, d’autres l’ont rejoint plus tard, certains sont partis. Et entre temps le groupe est devenu, forcément, We only said.

Ce premier album, sorti sur le label Range ta chambre fin 2009, a su séduire les critiques musicales d’ici et d’outre Atlantique mais aussi les oreilles de Bob Weston, le bassiste de Shellac qui a accepté de masteriser l’album. Entre post rock chanté, et pop indépendante d’obédience américaine, la musique de We only said rappelle les groupes de Chicago et de Louisville les plus calmes et les plus mélancoliques. En parallèle, le musicien fait aussi partie de Trunks et de Pink Iced Club (le projet à huit guitares mené par Olivier Mellano) mais We only said est son projet le plus « personnel » (retrouver l’interview de We Only Said ici).

Florian nous avait expliqué que la composition du groupe ayant beaucoup évolué,  « les titres ont énormément changé avec le temps et les apports des différents musiciens » . C’est en tout cas la première chose qui nous frappe en écoutant les premiers morceaux joués. On appréciait pourtant déjà vraiment beaucoup le disque, mais ce passage en live s’avère une réussite encore plus intéressante.

Le groupe tourne autour de trois guitares (dont celle de Florian Marzano qui assure aussi la voix lead) qui entremêlent leurs arpèges électriques, leurs soubresauts rythmiques mais aussi diverses trouvailles soniques crées par différentes pédales. Le groupe possède un vocabulaire étendu et le passage au live n’altère en rien la complexité des sons, bien au contraire.  En plus de cela, les compositions gagnent en énergie et en âpreté avec cette nouvelle formule. Un batteur à la fois subtil et puissant, rejoint pour quelques titres par un  second batteur, Laetitia Sheriff tout en finesse à la basse (sur Driving My Car, on a l’impression que ses notes deviennent liquides et  en même temps emportent tout sur leur passage -pardon pour cette métaphore pas vraiment claire !) et un groupe soudé par l’énergie. Le batteur et Laetita Sheriff assurent parfois les choeurs, ce qui donne davantage de relief à la voix de Florian Marzano.

On retiendra des virages, des montées qui dévient au dernier moment, des déflagrations tout en puissance et des passages plus calmes, tout en retenue. La montée lyrique d’Eighty-Sixed, véritable tourbillon mélodique se déploiera pour s’achever dans une tempête électrique renversante. Quand le set se termine, le public du Jardin en redemande. Le groupe s’excuse. Ils n’ont pas d’autres morceaux. Ils acceptent cependant de rejouer Driving my car et le public ne boude pas son plaisir.

Florian nous avait dit : « Le live n’a plus grand chose à voir avec le disque, ce sont pourtant les mêmes morceaux, mais des morceaux en mutation permanente. Rien n’est jamais vraiment figé.  » On aurait pourtant bien envie de garder trace sonore de cette énergie-là. On espère donc que le projet de We Only Said de « faire un concert filmé en studio avec la formation actuelle, pour garder une trace de ces nouvelles versions lives » pourra voir le jour. Et si en plus, cela pouvait être une nouvelle fois sur le label Range ta chambre…

Photos : Caro

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Myspace de Range ta chambre : http://www.myspace.com/rangetachambre

Myspace de We only said : http://www.myspace.com/weonlysaid

Les collages dessins dérangés et oniriques de Karosabutkiss : http://karosabutkiss.tumblr.com/