Alter1fo vous propose de (re)découvrir la scène musicale rennaise à travers une chronique, hebdomadaire le plus souvent. Des talents émergent, d’autres confirment sur la scène locale. Certains les soutiennent, sortent leurs disques, d’autres leur proposent des lieux de concert, de répétition… Alter1fo donne un coup de projecteur à ces artistes, labels, lieux ou assos qui œuvrent d’arrache-pied pour que la scène locale existe. Permettre aux acteurs et aux publics de se rencontrer, donner la parole à ceux qui font la vie rennaise, tels sont nos buts avoués. Chaque semaine, vous retrouverez donc un ou plusieurs focus sur l’un de ces acteurs…
Florian Marzano avait d’abord un premier projet, I only said, nommé ainsi en référence à un morceau de My Bloody Valentine. Et puis il a rencontré d’autres musiciens. Certains ont joué sur un premier album, d’autres l’ont rejoint plus tard, certains sont partis. Et entre temps le groupe est devenu, forcément, We only said. Ce premier album, sorti sur le label Range ta chambre fin 2009, a su séduire les critiques musicales d’ici et d’outre Atlantique mais aussi les oreilles de Bob Weston, le bassiste de Shellac qui a accepté de masteriser l’album. Entre post rock chanté, et pop indépendante d’obédience américaine, la musique de We only said rappelle les groupes de Chicago et de Louisville les plus calmes et les plus mélancoliques. En parallèle, le musicien fait aussi partie de Trunks et de Pink Iced Club (le projet à huit guitares mené par Olivier Mellano) mais We only said est son projet le plus « personnel ». A l’occasion de leur concert lors de la carte blanche du label Range ta Chambre au Jardin Moderne le 3 février, Alter1fo a rencontré Florian pour en savoir plus sur ce premier album ou la tournée à venir…
Alter1fo : Si vous deviez vous présenter en quelques mots ou quelques lignes, que diriez-vous ?
Florian Marzano/We only said : Florian Marzano, né à Rennes en 1974, guitariste dans diverses formations depuis une quinzaine d’années.
Je joue actuellement dans We Only Said, mon projet plus personnel et aussi dans Trunks, projet plus collectif avec lequel nous venons de terminer l’enregistrement du deuxième album, le premier auquel je participe.
Quand on lit les chroniques qui ont accompagné la sortie de votre premier disque, on se rend compte que pour certains vous êtes avant tout un groupe d’indie pop et pour d’autres, une formation post rock. Comment vous situez-vous de votre côté ?
A vrai dire, je n’ai jamais trop su moi-même où nous situer. Peut-être parce que nous ne cherchons pas à nous enfermer dans un certain style, mais au contraire à nous ouvrir de plus en plus, à avoir un champ d’action toujours plus grand. Ce qui nous motive, c’est de se faire plaisir avant tout. On ne s’est jamais dit : « Tiens, on va monter un groupe de post-rock ». Les morceaux en sont venus naturellement à quelque chose qui s’en approche, mais pas complètement, car il y a beaucoup de mélodies de voix alors que le mouvement post-rock est plutôt instrumental. Alors indie-pop ou autre, pourquoi pas, ? Les gens mettent l’étiquette qu’ils veulent. On a dit de nous une fois qu’on faisait du « grammatical rock », une sorte de nouvelle branche du math-rock, c’était plutôt bien vu ! Mais je n’ai jamais compris les classements par genre dans les magasins de disques ou dans les journaux, c’est bien trop subjectif. Un disque n’est jamais le même pour personne.
Quelles sont les influences que vous revendiqueriez ?
De mon côté, beaucoup de musique indé des années 90 : toute la scène post-rock de Chicago, du shoegaze, de la pop, de la noise… la meilleure décennie de musique pour moi, haut la main. Alors oui, forcément, ça déteint sur ce que je fais. Mais je suis quand même assez ouvert, je suis bien au courant de ce qui sort aujourd’hui et je rattrape mon retard petit à petit sur les décennies passées où j’avais de sacrées lacunes. Mais il y a tellement de belle musique, partout, c’est un puits sans fond, et plus encore depuis l’arrivée du net où n’importe quel type peut faire écouter au monde entier ce qu’il fait dans sa chambre. Et c’est souvent ce qu’il y a de plus beau.
Si vous deviez citer trois disques sans lesquels vous ne pourriez vivre ?
Trois, c’est juste impossible. Je ne pourrai pas vivre sans ces dix-là, et encore, il m’en faudrait mille de plus, sans rire.
Pale Saints « The Confort of Madness » / Slint « Spiderland » / The Notwist « Shrink » / Shellac « At Action Park » / Minus Story « No Rest for Ghosts » / Ride « Nowhere » / Serge Gainsbourg « Histoire de Melody Nelson » / Table « S/T » / Tortoise « TNT » / June of 44 « Engine takes to the water »
Il y a beaucoup de changements, d’arrivées, de départs, au sein de We only said, un peu comme si c’était un projet qui se voulait avant tout ouvert, mouvant. Les musiciens qui ont enregistré le premier album ne sont plus tous là et ce sont de nouveaux membres qui jouent désormais en live. Comment est-ce que cela se passe ? De quelle manière chacun arrive à se réapproprier les morceaux ? Les titres ont-ils beaucoup évolués dans cette formule live ?
We Only Said est un projet solo à la base, qui s’est vite transformé en terrain de jeu idéal avec l’arrivée de nouveaux membres. Nous sommes cinq aujourd’hui et ça commence tout juste à se stabiliser. Il n’y a pas de règle définie quant à la forme, le groupe évolue et se transforme avec le temps, selon les rencontres, les besoins et les envies. J’ai eu de grandes déceptions par le passé quand un de mes groupes s’arrêtait avec le départ de tel ou tel membre. C’est pour ça que j’ai monté ce projet assez ouvert qui gravite autour de moi, de cette façon je peux construire sur le long terme.
Je connais à peu près toutes les parties de chacun, alors quand un nouveau membre arrive il a le droit à une petite leçon particulière sur les bases et les structures. Ensuite, à lui de s’approprier les morceaux et de me proposer sa propre vision.
Du coup, les titres ont énormément changé avec le temps et les apports des différents musiciens. C’est aussi ça qui est enrichissant et qui empêche toute forme de routine. Le live n’a plus grand chose à voir avec le disque, ce sont pourtant les mêmes morceaux, mais des morceaux en mutation permanente. Rien n’est jamais vraiment figé.
Sur le premier album, tu as composé tous les morceaux (même si les arrangements sont le fait de tout le groupe). Dans une autre interview tu disais vouloir travailler avec les autres et non plus tout seul. Comment est ce que vous composez maintenant alors ? Chacun amène ses idées ? Vous improvisez ensemble ?
Nous avons passé tellement de temps à monter cette formule live qu’on n’a pas encore vraiment abordé de nouvelles compos depuis le premier album. On a quand même improvisé quelques nouvelles parties qu’on intègre régulièrement en concert.
Mais après la prochaine tournée, on va se pencher sérieusement sur la suite. Je ne sais pas encore à quoi ressemblera ce deuxième disque, mais il sera radicalement différent dans sa conception. J’ai envie de quelque chose de plus live justement, de plus brut, de plus partagé. Mais je pense que ça restera la plupart du temps mes morceaux à la base afin de maintenir une cohésion, un fil conducteur dans l’identité du groupe.
Pour quelles raisons avoir confié l’écriture des paroles à l’écrivain Nathalie Burel sur ce premier album ?
Je n’ai pas vraiment l’âme d’un auteur, je suis musicien avant tout. Alors plutôt que d’écrire des paroles bâclées, j’ai demandé un jour à Nathalie, qui est une très bonne amie et dont j’admire le travail, si elle voulait bien écrire des textes pour moi. Et j’ai adoré ce qu’elle a fait, je m’y suis tout de suite reconnu, comme si c’était moi qui les avait écrits. J’ai eu aussi la chance de pouvoir en faire ce que je voulais, les transformer, les couper, les mélanger afin qu’ils collent parfaitement à ma musique. Ca a été un immense soulagement et surtout ça m’a donné envie de chanter de plus en plus car j’avais enfin la matière pour le faire.
Quelles étaient vos envies avec l’enregistrement de ce premier album ?
Tout simplement faire le plus beau disque possible mais sans prétention aucune, quelque chose de presque intemporel, hors des courants actuels, qui se découvre sur la longueur, qui dévoile quelque chose de nouveau à chaque écoute, qui ne nous lasse pas nous-même à force de le réécouter. On voulait faire ce disque comme si c’était notre dernier.
Alors avec Erik Orthuon, l’ingénieur du son, on a passé un temps fou à le mixer, à essayer toutes les possibilités de trouvailles sonores, de combinaisons d’arrangements, d’harmonies de voix, de structures possibles et imaginables, jusqu’à arriver à ce qu’on considérait comme étant le mieux qu’on puisse faire. On s’est enfermé tous les deux dans notre bulle pendant des mois pour ne se concentrer que sur ce disque et sur rien d’autre. Heureusement qu’on avait une deadline, sinon on y serait toujours !
Comment vous est venue l’idée de l’artwork du disque ?
L’objectif était d’avoir un bel objet dans les mains avant tout, qui sortirait de la norme. Ca ne nous a pas coûté plus cher de le faire comme ça que de le sortir avec un boîtier en plastique tout moche. Il a juste fallu plus de temps et pas mal de main d’oeuvre ! On a tout plié, collé, étiqueté, tamponné sur du papier cartonné avec un format carré, légèrement plus grand que la normale. C’est clairement de la nostalgie des pochettes vinyles, l’arrivée du CD a fait beaucoup de mal à l’artwork en général.
Concernant la voiture sur la pochette de l’album, je savais depuis des années qu’elle serait en couverture de mon premier disque. J’ai tout de suite aimé cette photo que Nathalie Burel (encore elle) avait prise il y a longtemps. Et pour le reste, la conception, la réalisation, les autres photos, je me suis entouré d’amis avec du talent et de bonnes idées.
Comment cela se passe pour faire masteriser son disque par Bob Weston (Ndlr : bassiste de Shellac) ? C’est quelqu’un dont vous étiez fan ?
Oui, je suis un grand admirateur de Shellac et surtout du boulot d’ingé-son de Bob Weston depuis des années. Il a quasiment enregistré la moitié de mes disques préférés. Alors quand j’ai su qu’il montait une boîte de mastering à Chicago, je l’ai directement contacté par mail. Il a écouté et a dit oui assez rapidement alors qu’on en était encore au stade des démos. Ensuite on s’est tout simplement échangé nos fichiers par internet, et le tour était joué. C’est évidemment quelqu’un avec qui on retravaillera à l’avenir, il est d’une efficacité rare et précieuse.
Sur la scène rennaise, comment vous situez-vous ? Êtes-vous en contact avec d’autres artistes rennais ? Desquels vous sentez vous proches ?
On est assez au courant de ce qui se passe à Rennes et connaissons beaucoup de monde dans le milieu de la musique depuis des années, à force de traîner au Jardin Moderne et dans d’autres lieux. La plupart de mes amis sont musiciens, issus de formations diverses. Le label Range ta Chambre m’a aussi permis de rencontrer d’autres artistes en participant à de sublimes compilations collectives ludiques et déjantées.
Donc oui, on est proche des Montgomery, Bikini Machine, La Terre Tremble !!!, Del Cielo, Psykick Lyrikah, Major Dolby, Olivier Mellano avec qui je joue dans son projet à 8 guitares du Pink Iced Club, les géniaux Moller Plesset et bien d’autres encore… Je joue aussi parallèlement dans Trunks avec Laetitia Shériff et des membres de Chien Vert, de Cabine et Daniel Paboeuf Unity… Donc oui, on connaît bien quelques gens du coin !
Vous jouez ce jeudi 3 février au Jardin Moderne pour une carte blanche du label Range ta Chambre qui a sorti votre album. Comment s’est passée votre rencontre avec le label ?
Je connaissais les gens du label depuis longtemps, ce sont des amis avant tout. Sans eux, je n’aurai jamais sorti cet album, ils m’ont fait confiance les yeux fermés depuis le début et m’ont poussé à aller au bout de mes envies, coûte que coûte.
En y repensant, ce qui est assez paradoxal, c’est que We Only Said est mon projet solo mais il ne pourrait pas exister sans l’apport de toutes les personnes qui m’entourent.
Après cette carte blanche, vous partez en tournée, avec plusieurs dates avec Laetitia Sheriff. Pouvez vous nous en dire plus ?
On organise nous-même pour la deuxième fois une tournée commune avec Laetitia Shériff en solo, une douzaine de dates consécutives en France. C’est venu d’une envie de partager la scène avec elle, de proposer un plateau commun plutôt original et encore une fois de se faire plaisir. D’ailleurs, pour cette tournée elle prendra aussi la basse dans We Only Said, parce que la place était libre et qu’on voulait proposer quelque chose d’unique pour cette série de dates.
On est totalement hors du circuit traditionnel, on essaie de rester autonomes le plus possible pour garder le maximum de contrôle et de liberté sur ce qu’on fait. On verra combien de temps on pourra tenir, car ça demande tout de même beaucoup de temps, d’investissement et une dépense d’énergie qu’on pourrait mettre ailleurs. Mais nous ne travaillerons toujours qu’avec des gens qui auront la même philosophie que nous et qui nous laisseront libres de nos choix.
En plus de cette tournée, quels sont vos projets à venir ?
On a en ligne de mire le deuxième album, c’est le plus important, mais ça prendra du temps pour bien le faire, peut-être un an ou deux. Alors en attendant, on va déjà sortir un 45 tours avec nos amis vendômois du label Thoré Single Club pour le printemps. On a aussi le projet de faire un concert filmé en studio avec la formation actuelle, pour garder une trace de ces nouvelles versions lives qui nous tiennent à coeur.
Autrement, il va falloir penser à la prochaine tournée, sûrement à l’étranger cette fois. On a envie de jouer en Angleterre, forcément. Et n’importe où ailleurs, aussi.
Merci !!
Mais pas de quoi, merci à toi !
Retrouvez toutes nos interviews-focus sur la scène rennaise ici
(Santa Cruz, La Terre Tremble !!!, Lady Jane, Fago.Sepia, Band of Ghosts, le pôle musiques actuelles du CRIJB, Manceau, Nola’s noise, Wesson Maespro, Get Flavor Records, Idwet, les Disques Normal, Mekah, Dj Netik, La Corda, Eat your toys, Théo Gravil, Simba, Shtok, Spash Wave, Monkey & Bear, Mess Zero, Regïs Boulard, Le Bocal, We only said, Deejay Ober, Makassy, Skap’1, I&A, The Last Morning Soundtrack, Alee, Garbo, Russian Sextoys, Ladylike Lily, Missing Girl, Zaïba…)
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We only said sera en concert au Jardin Moderne le jeudi 3 février lors de la Carte Blanche réservée au label Range ta chambre.
A partir de 19h, gratuit. Le Jardin Moderne, 11 rue du Manoir de Servigné – Rennes.
Myspace de We Only Said : http://www.myspace.com/weonlysaid