Travelling 2009 – Rencontre avec Avi Mograbi

Il était inévitable pour ce festival travelling, d’aller à la rencontre du regard novateur d’Avi Mograbi, qui depuis plusieurs années, interroge la société israélienne. Documentaire novateur, parce qu’Avi Mograbi se met au cœur des contradictions et malaises de son pays, en se filmant lui même dans son salon et en se laissant questionner par la réalité qu’il filme caméra au poing.


C’est à travers deux films que nous avons pu le découvrir. Août avant l’explosion et Z32, en avant première hier.

Août avant l’explosion commence, gros plan sur le visage d’Avi Mograbi : « Je déteste le mois d’août en Israël ». Ce n’est pas sans ironie qu’il nous fait part de sa démarche, d’aller filmer la violence durant un mois. Mais à l’extérieur, ce n’est pas la violence spectaculaire qu’il trouve pour faire un bon film, mais une violence diffuse, verbale et quotidienne, en vers lui le premier, qui filme. Que se soit à un match de foot, à un passage piéton, aux abords d’un camp palestinien, à une manifestation de gauche contre l’occupation, toujours cette même question et ce même interdit : « Qui es tu? Pour qui tu travailles? » et « Arrêtes de filmer ». Le film devient l’histoire des difficultés à faire un film. Et c’est à travers les relations qu’il ne peut pas créer que se dessine la violence. Nous revenons sans cesse au salon, où Avi Mograbi incarne tour à tour sa femme, son producteur et lui même. Ces scènes parodiques, raconte aussi les impossibilités à faire le film tel qu’il avait imaginé ou tel qu’on lui avait demander.

« Quand on fait un film, on a quelques idées très vagues, puis on commence à travailler, des choses surviennent, et il faut les intégrer »

Le film est plus fort que le concept. Ce sont les questions morales et artistiques qui arrivent durant le tournage qui font le film.

Quelques heures plus tard, nous retrouvons le même salon pour un autre film, Z32. Avi Mograbi, un collant noir sur la tête, raconte comment on devrait représenter le témoignage du soldat, Z32. Tentative avortée, il retire son masque comme il jetterait le cliché de l’assassin.

C’est Z32 qui va raconter sa propre histoire, mais en exigeant de préserver son identité, il pose une première contrainte esthétique au film. Un masque virtuel qui évolue durant le film, laisse apparaître les yeux et la bouche. Cette contrainte emmène le témoignage au delà du conflit Israëlio-Palestinien et devient la parabole d’autres guerres. « Le masque est arrivé à la fin du tournage, quand nous l’avons eu, nous avions quelque chose qui était presque de la tragédie Grec ». Mograbi va plus loin dans la distanciation et intercale au témoignage une chanson qu’il interprète dans son salon avec un orchestre. Il devient alors le chœur désespéré qui questionne la valeur morale de l’acte du soldat.

En 2004, alors qu’Avi Mograbi décrypte des témoignages d’anciens soldats il tombe sur l’histoire de Z32. « L’intérêt de Z32 est qu’il est tué quelqu’un pendant une opération de représailles : un soldat envoyé dans une mission où intentionnellement, on décide de tuer des innocents. Mais la particularité du témoignage est que Z32 raconte comment il a pris plaisir à tuer, ce qui est rare pour une confession.»

Z32 cherche son pardon, Avi Mograbi l’humanise. Un malaise traverse la salle, car nous sommes face à la réalité de la guerre, quand nous préférons l’éloigner de nous, en diabolisant ceux qu’on dit mauvais…

Ce soldat pourrait être le fils de n’importe qui… C’est devant nos propres responsabilités face à la violence que les films d’Avi Mograbi nous questionnent et ne cessent d’en pointer les contradictions.

Par Pauline et Solène.

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