Au tribunal de l’Histoire, les discours sont bien souvent des pièces à conviction. Dans le cas de Nicolas Sarkozy, ils risquent de devenir de véritables éléments à charge. On se souvient du fameux discours de Dakar (« Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire », etc.), on devrait ne pas oublier celui de Grenoble prononcé lors de l’Eté 2010. SOS Racisme, pour ne pas oublier, a lancé une pétition. Rencontre avec Etienne Allay, jeune président de l’organisation en Ille-et-Vilaine.
Pierre Cornu, professeur d’histoire à l’Université de Clermont-2 déclarait que « le discours de Grenoble est une folie mais une folie assumée ». Petit rappel. Le 30 juillet 2010 suite aux affrontements qui se déroulèrent quelque temps auparavant dans le quartier de La Villeneuve à Grenoble, Nicolas Sarkozy annonça une suite de mesures qui se voulaient des réponses musclées à un climat d’insécurité qui nécessitait, selon le Président de la République, « une Guerre nationale » contre les trafiquants et les délinquants. La panoplie allait de la mise en service de 60000 nouvelles caméras de vidéosurveillance sur tout le territoire, du réexamen des règles de naturalisation ou de déchéance de la nationalité française, à la généralisation des peines planchers à toutes les formes de violence aggravée ou à la multiplication du port du bracelet électronique.
A cette occasion – comme le veut la théorie de la com’ politique ! – quelques phrases chocs furent également prononcées : « Les clandestins doivent être reconduits dans leur pays », « Je veux mettre un terme aux implantations sauvages des Roms » et puis le fameux « Nous subissons les conséquences de l’échec de 50 années d’immigration non régulée ». Ce discours de Grenoble fait écho à la Loi Besson (du nom de l’alors ministre de l’identité nationale, Eric Besson) destinée à renforcer la lutte contre l’immigration.
Déchéance de nationalité
Le principal article de cette loi devait permettre la déchéance de nationalité envers tout français d’origine étrangère s’étant attaqué aux forces de l’ordre, un article créant de fait « deux catégories de Français » retoqué par le Conseil Constitutionnel.
« Cette loi cachait beaucoup d’autres choses, explique Etienne Allay, président de SOS Racisme 35. Le temps de maintien d’un sans-papier en Centre de rétention administratif passe de 25 jours à 45 jours, créant ainsi des conséquences terribles pour lui. » Ces 45 jours raccourcissent en effet encore le délai accordé au demandeur d’asile débouté pour faire appel.
Le discours de Grenoble et la Loi Besson ont poussé SOS Racisme à lancer une opération d’alerte, « Touche pas à ma Nation », ainsi qu’une vaste pétition. Samedi 12 février, place de la mairie, les militants antiracistes informaient les Rennais sur la dangerosité d’une telle politique. « Nos actions n’ont pas été vaines, souligne, optimiste, Etienne Allay : au début du moi de février, l’amendement de la déchéance de nationalité a été repoussé par le Sénat. » Contre l’avis du Gouvernement. La loi est donc renvoyée à l’Assemblée Nationale pour un nouveau vote. « Rien n’est gagné mais nous sommes parvenus à alerter l’opinion publique. » La pétition de Touche pas à ma Nation a d’ores et déjà rassemblé près de 75 000 signataires. Des Rennais ont, eux aussi, signé.
Des signatures pour démentir un parfum diffus de xénophobie qu’exhale une certaine classe politique…