L’association Kfuel concluait au Bar’Hic ce long et riche week-end de l’Ascension 2015 en ténébreuse beauté avec un somptueux combo composé des Rennais de The Enchanted Wood et du sulfureux King Dude de Seattle. Retour sur une soirée aussi démoniaque que chaleureuse.
L’amplitude des bruissements numériques de l’indy-qu’en-dira-t-on nous avait laissé supposer que la soirée organisée par Kfuel dimanche 17 mai au Bar’Hic attirerait un public conséquent. La venue sur Rennes de Thomas Jefferson Cowgill alias King Dude a effectivement aiguisé les appétits musicaux les plus divers. Même si nous arrivons tôt, le public est déjà conséquent et surtout il y a beaucoup de têtes nouvelles en plus des habitués des soirées de musiques indociles.
Tant mieux pour Michel Le Faou et Julien Chevalier qui incarnaient sur scène ce soir là le polymorphe The Enchanted Wood. Le set démarre donc devant un public nombreux, attentif et curieux. On débute en terrain connu avec l’orgue décharné et les trémolos mélancoliques de l’instrumental The Lady From Venice suivi du plus orageux Children of solitude et du fantomatique The Enchanted Wood. Nous reconnaîtrons également par la suite les très beaux Rise Of The Jellyfish et Sorrow River. Le temps d’un morceau intitulé Ling chi, le duo est même rejoint par Emilie (chanteuse également dans Février) sur lequel la complémentarité de ses deux voix très sensibles fait merveille. Nous étions assez curieux d’entendre les somptueuses et atmosphériques ballades du groupe en formule plus dépouillée qu’à l’accoutumée. Dénudés de leurs habituelles richesses instrumentales et de leur rythmique (à l’exception parfois d’une boîte à rythme très minimaliste), les morceaux se recentrent avec beaucoup de grâce sur les jeux très atmosphériques des guitares et bien sûr sur la voix à la fois chaude et sépulcrale de Michel Le Faou. Ce dernier et Julien ont aussi deux façons très différentes d’aborder leur 6 cordes (et leur clavier d’ailleurs) mais les deux se complètent avec beaucoup de bonheur. Un concert qui passera beaucoup trop vite et une petite pointe de frustration nous saisit à l’issue d’un ultime The Phantom Creeps . On espère donc bien les revoir rapidement dans le coin, dans la formule qu’ils voudront, nous serons preneurs.
En un temps d’installation record, Thomas Jefferson Cowgill AKA King Dude déplie son impressionnante carcasse sur la petite scène du Bar’Hic. La bar est bondé et l’attente à son comble pour le plus grand plaisir du monsieur. Il n’a même pas encore touché une des cordes de sa très belle folk amplifiée que le bonhomme irradie de charisme. Seul sur scène, silhouette imposante, épaules carrées, bras tatoués et cheveux gominés, il en impose d’emblée. Sentiment qui ne va faire que s’amplifier quand sa voix va envahir l’air surchauffé du lieu. Une voix de poussière et de ténèbres, aux graves sculptés au whisky et aux clopes qui sied parfaitement à la noirceur et au romantisme de cimetière de ses démoniaques ballades. Avec une assurance folle et devant un public conquis, il enchaîne les titres à une vitesse folle, prenant à peine le temps de recharger la jauge à bourbon. Il joue d’ailleurs sans setlist ce qu’il ne va pas manquer de faire remarquer lors d’une des nombreuses punchlines dont il rythme les (brefs) interludes entre deux morceaux. Les titres se suivent sur un train d’enfer et il se paye même le luxe de faire reprendre en chœur par la salle le refrain facétieux de Lucifer’s The Light of The World avant d’embrayer sur le délicatement funèbre Please Stay (In The Shadow Of The Grave). Au fil du concert, le King Dude se fait de plus en disert, devisant tour à tour des mérites comparés du bourbon et du whisky, de sa vie en tournée ou de l’étrangeté des gens qui le prennent en photo quand il accorde sa guitare ou qui continuent à le mitrailler même au bout de trois quart d’heure de concert. On avoue que si le bonhomme à un bagout assez réjouissant, on préfère pour notre part quand il en fait des tonnes sur sa musique plutôt qu’en stand-up. Pas bien grave, puisque qu’il nous remet les pendules à l’heure avec le somptueux Barbara Anne sur lequel sa voix d’outre tombe fait vibrer le Bar’Hic… et nous avec. Le temps d’apprécier tout autant son River Of Gold et c’est déjà la fin d’un set ultra-généreux et d’une densité remarquable pour un type jouant seul avec sa guitare. Le concert se conclura de façon surréaliste et abrupte par un spectaculaire lâchage de corde qui coupe sous le pied toute volonté de rappel.
Merci encore une fois à la team Kfuel pour ce chouette et atypique dimanche soir. On n’a toujours pas vraiment compris pourquoi exactement il fallait célébrer l’invention de l’ascenseur par M. Christ mais tant que ça nous donnera l’occasion de nous régaler de concert de cette tenue, nous serons preneur de ce genre de week-end à rallonge. Tellement à rallonge d’ailleurs, qu’il se prolongera de fort belle façon au Terminus le jour suivant. Mais ça c’est pour le prochain report.