Pour les 15 ans de leur indispensable émission de radio, le Jardin Moderne a invité Kfuel à enregistrer Kerozène in situ et a offert en cadeau un quatuor de concerts plus que prometteurs. On a pu savourer une soirée tout simplement généreuse et exceptionnelle. De la noise la plus rageuse, à la pop la plus solaire, l’éclectisme était de rigueur. Pourtant un esprit commun de complicité a fait le lien entre des groupes radicalement différents mais tous aussi électrifiants.
A notre tardive arrivée sur les lieux, nous sommes sottement persuadés d’avoir loupé le premier concert. C’était compter sans le méridien particulier du Jardin, qui fera que nous pourrons assister intégralement à la prestation de My Sleeping Doll. Cette charmante rennaise joue seule sur la petite scène en face du bar, avec pour seules armes sa voix et sa guitare. Même si elle avoue rapidement que «C’est son 2ème concert», la demoiselle offre une prestation de fort belle tenue. La jeunesse se fait un peu sentir sur les enchainements et les fins de morceaux, mais la miss a des atouts, et particulièrement une splendide voix habitée et envoutante. La salle lui réserve un accueil chaleureux, amplement mérité.
Grâce à l’utilisation des deux scènes, la suite de la soirée va s’enchainer sur un rythme soutenu. C’est d’abord l’épatant couple helvético-canadien Peter Kernel qui enchaine, toujours sur la scène du bar, accompagné par un batteur que, malgré moults cogitations nous n’arriverons pas à identifier, mais qui pourtant sera impeccable de bout en bout.
En live, leurs imparables tueries indy-rock font instantanément mouche et le public tangue avec bonheur sur cette musique simple, directe et furieuse. D’autant plus que Barbara et Aris jouent à merveille de leur complicité. Entre private joke sur leurs origines ou leur label African Tape, chamailleries et french-kiss, le duo livre un set fougueux et vivifiant comme une claque sur la fesse.
Quel bonheur d’avoir pu hurler à plein poumons en leur compagnie le This is love de leur Panico.
C’est donc remontés comme des pendules que nous prenons la direction de la salle annexe où Mermonte a installé son matériel. On a beau savoir qu’ils seront dix, le bazar sur scène est diablement intriguant, avec en point d’orgue deux batteries entremêlées amoureusement en milieu de scène. Le public se densifie de façon spectaculaire. La formation initiée par Ghislain Fracapane de Fago Sépia, ayant affolé tous les radars du milieu pop-rock avec ses trois merveilles déposées sur leur bandcamp, la tension est palpable quand la bande s’installe. Le peu de doute qui subsistait encore, vole en éclat dès le premier morceau. L’énergie dégagée par les puissants jeux de polyrythmie du duo de batteurs nous saisit d’emblée et ne nous lâchera plus. Leur pop symphonique réussit avec un bonheur euphorisant l’alliance périlleuse d’une certaine sophistication de structure, héritée d’influences math-rock ou musiques savantes, et de l’énergie limpide de la pop orchestrale de la Sainte Alliance Beatles/Beach Boys. Pour un premier concert, la bande fait preuve d’une maturité étonnante et surtout les liens entre tous les musiciens est d’une évidence réconfortante. La résidence de quelques jours au Jardin et les coups d’œil fréquents imposés par la complexité et les chausse-trappes des morceaux y sont surement pour quelque chose mais il y a sûrement autre chose que de la technique qui passe entre ces gens ce soir là. On assiste à ça, béat d’admiration, enchanté par la richesse et la classe des compositions. La salle est totalement conquise et quand le groupe finit par avoir donné tout ce qu’il pouvait, public et musiciens affichent le sourire ravi de ceux qui viennent de participer à un moment magique où quelque chose de beau et d’essentiel vient d’éclore.
Plus qu’une seule solution maintenant pour tenir jusqu’à la sortie de l’album le 9 mai, retourner les voir à l’Antipode le 21 avril où ils joueront pour le tremplin des Jeunes Charrues.
Forcément, après ça on est un peu sur un nuage. On se dirige doucement côté bar oscillant encore entre béatitude et euphorie. Mais la soirée nous réserve une ultime déflagration tout aussi mémorable. Les popeux sont partis se coucher. Tant pis pour eux.
Cela faisait 7 ans que l’association Kfuel voulait entendre le groupe basque espagnol Lisabö à Rennes. On va vite comprendre pourquoi. Sur la petite scène, on retrouve encore un duo de batteurs qui n’ont pas l’air d’être là pour plaisanter, encadré par un bassiste et trois guitaristes. Après les harmonies célestes de Mermonte, le changement de ton est radical. Leur rock noise rageur explose dans un déluge de larsens furieux et ravageurs. Les six Basques se donnent à fond et sans réserve. La section rythmique déploie une puissance stupéfiante qui ne mollira pas d’un bout à l’autre. Les guitares furibardes et incisives savent se faire plus subtiles et nuancées quand les ambiance évoluent. Quand aux deux chanteurs, ils sont tout simplement stupéfiants. Ces deux gars-là ne font pas semblant, ne prennent pas la pose, ils vivent leur musique. Ça hurle, ça grince, ça râle avec un talent fou. Les esprits des grands anciens (Fugazzi, Shellac, Jesus Lizard) planent au dessus de la scène mais on les oublie vite tant la personnalité et la cohésion du groupe sont impressionnantes. Face à autant de classe et de générosité, on n’a plus qu’à s’incliner et à savourer un set généreux suivi avec ferveur par un public, certes un peu plus clairsemé mais visiblement conquis.
La soirée est terminée. Il est 1h du matin et tout le monde bosse le vendredi, mais on s’en cogne. On reste un peu hébété et incrédule d’avoir assister à un truc aussi fabuleux mais quel bonheur. Merci encore au Jardin Moderne pour les concerts de ce soir, ainsi qu’à Kfuel pour les concerts passés et pour ceux à venir.
Photos : Yann, Mr B.
Putain, quelle soirée !!!!
Si Isa sort les grossièretés, c’est que c’était vraiment une %#@$ de soirée.