Ce &$#& de flegme britannique a au moins le mérite d’avoir aussi produit de splendides exemples de ce qui peut se faire de mieux en matière de hargne et de bargerie musicale. L’ATM nous en offre la preuve par deux en invitant lundi 22 mai à l’Ubu, le ravageur duo Sleaford Mods et le tout aussi superbement déglingué Mark Wynn. Preuve que les lads ont touché la corde sensible de la colère du temps, la date est complète depuis déjà un moment. On en cause quand même parce qu’on les adore et que les gars le méritent amplement.
Au fil d’une discographie aussi pléthorique que qualitative et d’un nombre de concerts assez ahurissants, les Sleaford Mods sont devenus les hérauts idéaux, quoique totalement non-revendiqués, de la rage noire et profonde minant la société anglaise. Deux boules de fureur balançant sans fard et avec une verve épatante toute la saloperie et la déliquescence de notre époque et qui, partis de la scène noise et expérimental flirtent désormais avec les tops des charts anglais.
Depuis ces débuts, la ligne des deux lascars n’a pas bougé d’un iota. Avec pour seules armes un laptop et un micro, les lads contestataires de Sleaford Mods crachent leur bile avec un aplomb et un humour noir irrésistible.
Jason Williamson, devant, au spoken word écorché, tendant l’oreille dans les pubs, les supermarchés et les files d’attentes des agences pour l’emploi avant de tremper sa plume acérée à l’acide sulfurique pour écrire des textes à la rage sourde et tranchante, dézinguant impitoyablement les injustices sociales, avec un flow entre hip hop rêche et Mark E.Smith (The Fall) -en mieux- (oui, c’est un avis tout personnel). Derrière lui, Andrew Fearn bière à la main se contente sur scène de lancer d’un doigt et avec un flegme goguenard les lignes hypnotiques et répétitives qui raclent là où ça fait mal, entre danse synthétique et hystérique, voire neurasthénique. Après 4 disques autoproduits, les deux gars de Nottingham (plus Robins urbains que shérifs, on l’aura compris) ont sorti quatre albums sur le label indus-noise-DIY Harbinger et sortent English Tapas, le tout récent dernier en date, chez Rough Trade. Leur style est aussi réjouissant qu’immuable. Entre post-punk et hip hop : ça clashe, éructe, rogne, sur fond de réalisme social avec toujours cette dérision et cet humour (noir forcément) qui agissent comme du sel sur les chairs à vif. Du festival Cable à Nantes à Glastonbury, en passant par un nombre incalculable de concerts dans les lieux les plus divers, le duo a fait un sacré bout de chemin. Leur relatif succès a même permis à Jason Williamson de récemment quitter son boulot de conseiller à l’impôt foncier.
Dans une interview, Lias Saoudi de The Fat White Family, explique la réussite du groupe par sa capacité à brillamment mettre en musique le langage des classes populaires anglaises.
L’autre facteur est sans doute leur incroyable capacité sur scène à en faire un maximum avec un minimum. Ils nous en avaient fait une brillante démonstration lors de la dernière édition de la Route du Rock en nous offrant un merveilleux moment de rage pure et d’humour ravageur. Nous sommes donc particulièrement heureux d’avoir l’occasion de se reprendre une nouvelle dose de postillons et de beats destructeurs dans un Ubu bondé. L’actualité récente devrait nous valoir de mémorables punchlines de l’impitoyable Williamson en guise d’interludes entre deux dérouillées.
La soirée sera idéalement complétée par un concert d’un autre illustre représentant de la déglingue version sauce à la menthe : Mark Wynn. Dans une autre vie, le gars connu un succès (modéré) avec son groupe Hijak Oscar et se tailla même la réputation d’être un des meilleurs guitaristes de la ville de York (sans le New) dans la Nord de l’Angleterre. Suite à une révélation (ou une dépression selon certain), il changea radicalement de style en se livrant à de détonantes performances à base de poésie punk et de riffs de guitare sèche bruts de décoffrage. Sur scène, le bonhomme semble coutumier d’une attitude borderline et provocatrice n’hésitant pas à se foutre à poil, se rouler par terre ou à passer un CD d’un groupe mainstream en hurlant par dessus en continu : « C’EST UNE REPRISE ! ». Quand le NME cita son nom dans sa liste des artistes à surveiller en 2015, il annonça illico arrêter définitivement la musique et se retirer en Ecosse. Il sera malgré tout à l’Ubu ce lundi et on compte fermement sur lui pour nous offrir un grand moment de classe (crasse?) anglaise.
Lundi 22 mai 2017 – Ubu, 1, rue Saint Hélier, Rennes – 20h – Complet !