Sianna @ La Nouvelle Vague : interview

Photo Sianna 1 crédit FifouPour ceux qui comme nous, ont manqué Sianna à l’Antipode MJC au printemps, l’occasion est offerte de se rattraper puisque la jeune rappeuse revient à la Nouvelle Vague à st Malo ce samedi 7 novembre.

Entre un premier ep bien accueilli, notamment grâce à un flow puissant et percussif, souvent parfaitement placé et un futur album qu’elle promet plus introspectif, Sianna grandit. La gamine qui brûlait les planches de Beauvais ne s’en laisse conter par personne et avance. Si on est moins emballé par ses influences r’nb (on ne se refait pas) ou même parfois un tantinet irrité par certains tics hip hop (on n’y connaît vraiment rien), la Miss nous épate en revanche par son flow rapide et énergique et la maîtrise qu’elle affiche, à 20 ans à peine. Alors bien sûr, tout ça a encore besoin de gagner en épaisseur, mais la fraîcheur et le talent de la jeune femme sont sacrément prometteurs et Sianna a toute notre confiance. On a donc profité de sa venue prochaine en terres bretonnes pour lui poser nos questions. Auxquelles elle a répondu avec une honnêteté et une fraîcheur bienvenues.

Alter1fo : Pour ceux qui ne te connaîtraient pas, est-ce que tu pourrais te présenter en quelques lignes ?
Sianna : Je suis Sianna. Une jeune artiste née à Bamako (Mali), j’ai grandi à Beauvais. J’ai commencé la musique à seulement 15 ans, en faisant quelques freestyles avec des amis. J’écrivais des poèmes et des textes dès l’âge de 12 ans. En 2010 on a créé un groupe avec 2 rappeurs de Beauvais intitulé « Crack House » avec lequel j’ai fait mes premiers pas sur scène.

Justement. Tu es toute jeune, mais tu as acquis un sacré sens scénique grâce à tes débuts avec Crack House. Est-ce que tu pourrais revenir un peu sur ces débuts et sur ce qu’à ton avis, ils t’ont apporté ?
C’est ce groupe qui m’a formée. Et je pense que sans Crack House je ne serais pas celle que je suis aujourd’hui. Pour tout vous dire, je ne sais même pas si j’aurais eu la passion et le courage de monter sur scène. Baryz, Soldat et Fanko me donnaient énormément confiance en moi, que ce soit en studio ou en concert. J’étais, et je suis toujours, très timide. Donc le fait d’avoir des grands frères autour de moi me donnait confiance en moi. On se donnait nos avis sur les textes, le choix des morceaux etc… C’était un vrai groupe. On était une petite famille qui passait tout son temps libre en studio ; jusqu’à s’endormir là-bas parfois. J’aimais beaucoup cette époque.

Ton premier ep est sorti en mars dernier. Quelles étaient tes envies avec cette première sortie ?
Je voulais qu’on voie que je sais faire autre chose que des freestyles, mais sans trop en dévoiler car j’attendais l’album pour ça. Du coup, j’ai essayé de résumer ce que je savais faire en 8 morceaux, c’est à dire : mettre du flow, des accélérations, mais aussi de l’émotion, ou encore raconter ma relation avec la musique, comme dans J’reste Quand Même. Pour faire simple, c’est un mini album avec mon savoir faire, pour les gens qui se demandent à quoi ça ressemble du Sianna.

Photo Sianna 2 crédit FifouÇa fait déjà quelques mois que le ep est sorti. Comment tu vis les retours après cette sortie ?
J’ai eu de très bons retours. Très peu de mauvais, voire pas du tout. Donc c’est super motivant pour la suite. L’album est différent, mais c’est une très bonne suite du EP Sianna je trouve, donc j’espère que les gens seront réceptifs et tout aussi enthousiastes.

Tes premiers titres montraient quelqu’un qui n’a pas peur de kicker, qui s’amuse à jouer sur l’egotrip. Pourtant le titre Incomprise définit une nouvelle orientation. Est-ce que tu peux nous parler de ce titre ?
Je pense que c’est un de mes morceaux préférés, car c’est un morceau que j’ai écrit alors que je ne savais même pas que j’allais en faire un son.

C’était un peu un état d’esprit dans lequel j’étais à cette période. Un soir je me suis mise à écrire « Solidaire mais solitaire car l’un empêche pas l’autre » car c’est exactement mon tempérament, puis j’ai écrit le texte d’un seul coup sans instrumental, sans rien. Je voyais un texte un peu parlé. Quelques jours plus tard j’avais une séance studio pour un autre morceau. Quand Mohand m’a fait écouter une instru de Djaresma, j’ai juste ajouté le refrain et voilà comment est né le titre Incomprise. Je voulais l’appeler États D’Esprits à la base quand je lisais les couplets.

Même la manière dont j’ai construit le son est quasi incompréhensible. J’étais partie pour écrire mon ressenti du moment…

Tu disais dans une interview qu’à l’avenir, tu aimerais continuer à creuser cette direction, parler honnêtement de ton vécu, mais que tu te trouvais dans une position délicate : ne pas tomber dans le misérabilisme/la victimisation et réussir à parler de ton expérience en restant toi-même. Dans Ainsi va la vie, même si tu ne parles pas de la même chose, tu dis  » Mais ma couleur est un handicap (…) Depuis tout petite, j’ai l’cul entre deux chaises/ Chez les çais-fran j’suis une renoi /Chez les renois j’suis une française / Donc j’vis une vie d’métisse » Est-ce que tu peux nous expliquer ça davantage, cette position délicate à tenir tout en restant toi-même ? C’est quelque chose que tu penses développer dans ton premier album ?
J’ai toujours été entre deux ‘camps’ depuis petite étant donné que je n’ai jamais renié mes origines, bien au contraire. Et je n’ai jamais nié avoir été adoptée bien au contraire aussi.

Mais maintenant, mon éducation principale a été occidentale, je ne parle pas ma langue d’origine, j’étais athée et je n’avais jamais été dans un pays africain. Quand j’allais chez mes potes, qui étaient de la même origine que moi, leur maman ne devinait pas que j’étais adoptée donc la première fois qu’elle me voyait, elle me parlait en dialecte africain… Sauf que je comprenais pas. Et à l’époque, j’avais honte. Et vice-versa, quand ma famille adoptive vient nous rendre visite, et que mes amis sont à la maison, ils ne voient que des métissages et eux non plus ne comprennent pas forcément. C’est pour ça que dans Ainsi Va La Vie je dis « depuis toute petite j’ai l’cul entre deux chaises : chez les céfran j’suis une renoi, chez les renois j’suis une française ». Car ce que j’ai expliqué finalement est toujours vrai maintenant.

Sauf qu’à 20 ans aujourd’hui, j’ai mes convictions, mes principes et mes croyances et c’est ce qui me permet de raconter mon histoire tout en restant moi même sans me victimiser car au contraire mon histoire est belle.

Tu as proposé plein de freestyles autour du concept autour du monde. Ça a vraiment bien pris. Est-ce que tu peux nous expliquer comment vous êtes arrivés à ce concept et est-ce que vous allez continuer ?
On avait des morceaux pour le EP qui étaient déjà enregistrés, mais il fallait qu’on crée un petit buzz sur internet afin que les gens s’intéressent au projet qu’on s’apprêtait à sortir. Un soir au studio, on était en train de réfléchir à un concept de freestyle, et Djingaling était déjà prêt (je crois). Du coup en réécoutant l’instru aux sonorités hindoues, Seven a eut l’idée des freestyles tour du monde. J’ai directement adhéré car personne ne l’avait fait.

Et étant donné que le public a été réceptif, on continue les freestyles. Certains sont déjà prêts, on attend juste le bon moment pour les balancer.

Tu as choisi Mac Tyer pour un featuring. Pourquoi ?
Mac Tyer est l’un des premiers rappeurs que j’ai rencontré dans le milieu (via mes managers). Au départ j’étais très impressionnée, car c’est quelqu’un qui a beaucoup de charisme. Puis je me souviens avoir passé quelques heures avec lui au studio, à lui expliquer mon histoire de A à Z, et bizarrement j’ai réussi à me confier sans vraiment me retenir, j’avais confiance et il essayait d’en savoir plus, de comprendre.

Par la suite, on lui rendait régulièrement visite à son studio (j’y ai même enregistré Siannachnikov). C’est un vrai feeling sincère et fraternel qui s’est créé entre nous. J’admire ce qu’il fait dans le Rap, le message qu’il apporte. Ensuite, lorsque j’ai commencé à me pencher sur ses interviews, j’ai compris pourquoi j’appréciais Socrate [son vrai nom]. Donc forcément pour le EP, quand il a fallut un feat, je n’ai même pas eu à réfléchir. Quand j’ai reçu la prod d’Appel Manqué, j’étais en voiture : j’ai appelé Mohand et je lui ai dit « y’a que Socrate qui peut tuer ce refrain » .

Est-ce que tu as commencé à écrire ton nouvel album ? Quelles sont tes envies avec ce premier long format ?
Bien sûr ! J’ai presque fini de l’écrire d’ailleurs.

Pour ce premier album, j’ai envie que les gens sachent avant tout que j’ai commencé la musique en m’amusant et qu’aujourd’hui j’essaye de pousser mon talent le plus loin possible, en m’essayant à des choses que j’aurais sûrement pensé ne jamais faire lorsque j’ai commencé à rapper, et ça, tout en restant dans l’amusement.

Sauf que dans ce premier album, j’ai été un peu plus introspective, en me dévoilant : ma manière de penser, mon histoire, ma génération. J’ai essayé d’être la plus honnête possible, et de refléter ce que je suis au maximum. La musique a évolué mais ma façon de voir le monde et la musique est toujours la même. Je suis fière de l’album car il y a 5 ans jamais je n’aurais pensé écrire et faire des morceaux comme ceux-là. Il y en aura pour tout le monde. C’est un album qu’on peut écouter à tout âge, en famille ou tout(e) seul(e). J’ai essayé de joindre tous les paramètres afin de me satisfaire de mon travail avant tout, et de satisfaire les gens qui l’attendent. J’ai hâte !

Musicalement, on dirait que tu mélanges des prods aux sonorités R’nB, du son plus dur plus influencé par le rap Us avec aussi quelques sonorités africaines. Est-ce que tu es d’accord ? Quelles sont les influences que tu revendiquerais de ton côté ?
C’est exactement ça. J’essaye d’être dans la tendance, sans la suivre. C’est assez compliqué, mais je pense que je me débrouille pas mal à ce niveau là. Mes influences sont celles que vous avez citées : R&B, Rap US, Soul et Africaine. Et aujourd’hui je rajouterai un peu de Pop (sourires)…

Trois disques sans lesquels tu ne pourrais pas vivre ?
(rires) Je pourrais quand même vivre sans. Mais les trois disques dont je ne me lasse pas vraiment ces derniers temps ce sont Testimony d’August Alsina, Paraplégique de Niro et Lunatic de Booba… Je suis obligée de rajouter Drake Thank Me Later. En fait ce sont 4 artistes dont je me lasse jamais, je peux les écouter à longueur de journée.

COVER EP lightCe samedi 7 novembre, tu seras en live à La nouvelle Vague à St Malo.Comment est-ce que tu envisages la scène, le fait de jouer en live ?
C’est toujours un plaisir d’être sur scène pour moi et mon équipe. C’est la deuxième fois qu’on va faire une première partie de Big Flo et Oli, mais on n’a jamais fait une première partie d’eux en province. Je pense qu’on va être surpris.

Question très anecdotique, mais est-ce que tu écoutes des filles comme Casey qui parviennent à faire des trucs très personnels avec de réelles qualités d’écriture ?
En tout honnêteté, dans ma vie je n’ai écouté qu’un son de Casey. Je me suis jamais penchée sur ce qu’elle faisait. Peut être qu’un jour je le ferais. Mais je mentirai si je disais que je connais des morceaux.

On ne peut que te le conseiller mais cette honnêteté t’honore. Pour finir, après cette date à st Malo, quels sont tes projets à venir ?
On continue les concerts, et la promo de l’album. Et moi je continue d’aller en studio, d’écrire des morceaux. C’est un éternel recommencement la musique ! (rires)

Merci !!

crédits photos : Fifou


Sianna sera en concert en concert avec Big Fo & Oli à la Nouvelle Vague (Rue des Acadiens à St Malo) le samedi 7 novembre 2015 à partir de 21h.

Tarifs : Abonnés -18 ans : 8€ / Abonnés : 12€ / Réduit : 15€ / Prévente : 18€ / Sur place : 20€

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