Abandonné en 2019 après des années de bras de fer judiciaire et de mobilisations citoyennes, le projet Open Sky, méga-complexe de 40 000 m² prévu à Pacé, semblait enterré pour de bon. Pourtant, la quasi-totalité de ces surfaces commerciales s’apprête à ressurgir ailleurs, répartie sur plusieurs Zones d’Aménagement Commercial (ZACom) de la Métropole. Une redistribution qui suscite certaines inquiétudes et critiques : impact environnemental, fragilisation du commerce de centre-ville, incohérences urbanistiques. Une enquête publique est ouverte sur le sujet, mais peine à engager le débat. Au moment où nous rédigeons ces lignes, aucune contribution n’a encore été enregistrée.

Il était une fois dans l’ouest…
Le gargantuesque projet Open Sky à Pacé, porté par la Compagnie de Phalsbourg, avec Blot Immobilier, prévoyait sur 9 hectares de terres agricoles la création d’un complexe X(XXX)L de 40.000 m² dont 27 000 m² de commerces, et 1400 places de parking. Pour mieux visualiser, 40 000 m², c’est presque l’équivalent de six terrains de football. Et les 1 400 places de stationnement représentent à elles seules deux parkings relais comme celui de Saint-Jacques-Gaité (730 places).
Face aux nombreux recours judiciaires et devant une opposition tenace de la part de collectifs de citoyen·nes et d’associations écologistes, le Conseil d’État a sifflé la fin de la récréation, et a validé le projet en décembre 2018. Fin de l’histoire ? Ben non. Malgré l’encre encore humide du tampon officiel de la plus haute juridiction administrative, quelques semaines seulement après la cession des terrains par la SPL Territoires, le projet est abandonné. Zou, à la poubelle ! Emmanuel Couet, alors président de Rennes Métropole, justifiait ce revirement à 180° en invoquant l’évolution des modes de consommation et les exigences environnementales : « Même si la présentation du projet a parfois été caricaturale, certaines inquiétudes m’apparaissent fondées et légitimes. Ce concept semble dépassé », déclarait-il du bout des lèvres. Histoire d’éviter l’étape devant les tribunaux, une conséquente indemnisation (5,5 millions d’euros pour le remboursement des frais engagés, additionné aux 4,5 millions d’euros correspondant aux hectares achetés, NDLR) avait ensuite été versée aux promoteurs à la suite d’un accord trouvé entre les différentes parties. Malgré tout, pour beaucoup, l’abandon d’Open Sky représentait une victoire contre l’étalement commercial. « Cette délibération acte la fin d’un projet daté d’une époque qui doit désormais être révolue. Une époque où des hectares de terres agricoles étaient sacrifiés pour des m2 de surface commerciale. » se félicitait le groupe métropolitain écologiste.
Mais contrairement à l’idée que nous avions jusqu’alors, l’enterrement d’Open Sky, même six pieds sous terre agricole, ne signifiait pas l’abandon total et définitif des surfaces engagées. Que nenni ! Il fallait lire entre les lignes… Même si elles étaient plutôt explicites ! En effet, la troisième modification du SCoT en cours entérine désormais la réallocation des droits à construire des surfaces de vente, soit 22 000 m² des 27 046 m² de surface de vente initiale. Ces dizaines de milliers de m2 se répartissent ainsi :
- + 7 000 m² pour la ZACom de Cleunay Rennes ; (on copie-colle la Délibération du 15 mai 2025 Conseil métropolitain du 15 mai 2025)
il est proposé de réallouer 7 000 m² de droits à construire de nouvelles surfaces de vente permettant la modernisation et le développement du site commercial existant, dans le cadre d’un projet urbain mixte d’ensemble assurant une insertion urbaine, paysagère, environnementale cohérente au cadre urbain d’entrée de ville et de proximité avec la Vilaine. La requalification de l’entrée de ville, la connexion à la ligne b du métro et la future ligne du Trambus, la mixité fonctionnelle ainsi que l’ouverture du site commercial sur le quartier Cleunay sont autant d’enjeux dont la composante commerciale constitue un levier déterminant de transformation urbaine.
La frange sud de la ZACom de Cleunay n’est pas impactée par cette procédure, restant identifiée comme un secteur en mutation. À ce titre, des réflexions sont actuellement en cours pour y faire émerger un projet d’intensification urbaine au sud de l’avenue Jules Vallès. Celui-ci intégrerait une programmation mixte avec des bureaux, des logements, la reconstitution de l’activité hôtelière existante ainsi qu’une relocalisation en rez-de-chaussée d’immeuble du commerce alimentaire déjà existant, dans une logique de sobriété foncière et de reconstruction de la ville sur elle-même. À ce titre, Rennes Métropole souhaite accompagner la réalisation de ce projet de renouvellement urbain comprenant la relocalisation du commerce existant, en s’assurant que le secteur de mutation identifié au projet de modification du SCoT le permette.
- + 5 000 m² pour la ZACom Nord Rocade/Rennes Saint Grégoire ; (on copie-colle la Délibération Conseil métropolitain du 15 mai 2025)
il est proposé de réallouer 5 000 m² de droits à construire de nouvelles surfaces de vente, permettant d’engager la transformation de la ZACom dans le cadre d’un projet de renouvellement urbain mixte se développant à grande échelle sur les deux communes. Ce projet s’inscrit dans une dynamique d’intensification de la ville qui vise à transformer cette partie du territoire en quartiers de ville mixtes proposant un ensemble de services, commerces et équipements nécessaires aux besoins des nouveaux habitants qui s’y installeront. Il répond également aux enjeux de requalification d’entrée de ville, d’ouverture à la mixité fonctionnelle, de développement de mobilités durables, de renaturation et de densification autour notamment de deux futures lignes de Trambus. Au terme du processus de transformation du secteur Nord Rocade, du fait de la suppression de certaines surfaces de vente, le projet intégrera au final un plancher commercial à géométrie constante avec une opération mixte en entrée de ville centrée sur le secteur Centre Leclerc et la recomposition du commerce de part et d’autre de l’axe Chesnay-Beauregard.
- + 8000 m² maintenus pour la ZACom Rive Ouest : (on copie-colle la Délibération Conseil métropolitain du 15 mai 2025)
il est proposé de maintenir 8 000 m² de droits à construire de nouvelles surfaces de vente afin de conforter ce site majeur, en s’appuyant sur la dynamique d’Ikéa. Il s’agit de contribuer au rayonnement commercial en complémentarité avec les sites majeurs existants sur le territoire. Suite au retrait du projet Opensky, un projet économique alternatif est proposé avec pour objectif de continuer à accueillir des activités et des emplois avec trois composantes : des activités artisanales et industrielles, un pôle centré autour de l’économie circulaire et enfin des activités commerciales non alimentaires. Ces dernières sont développées sur un site commercial majeur et dans une proportion contenue avec un projet intégrant la mutation du commerce, mais également la dynamique démographique et économique du pôle structurant de bassin de vie de Pacé et de sa zone de chalandise. Le périmètre de la ZACom est réduit en conséquence de 8 hectares.
- + 2000 m² pour la ZACom CapMalo/Route du meuble.

Notre avis compte peu, mais comme nous, ce redéploiement de surfaces commerciales alarme certain·es internautes. « Consommer, consommer… l’humanité court à sa perte et y va en courant ? » s’indigne P.B. ; « Ils n’arrivent déjà plus à louer toutes les cellules, ça mettra peut-être le coup final à Cap Malo déjà mal en point. » explique Q.L. « Quant a l’agrandissement quel est l’intérêt !?! » se questionne D.M. « J’ai cru lire quelque part que le modèle des grands centres commerciaux s’épuise. J’ai mal lu ? » s’étonne X.L.C.
Sur le plan urbanistique, même si cela va dans le bon sens, les ambitions de mixité fonctionnelle, hashtag la ville-quart-d’heure, hashtag la ville-archipel, sont jugées trop peu contraignantes par certains acteurs économiques et institutionnels. En effet, si le site de Nord Rocade prévoit de réserver une part aux activités mixtes, aucun engagement n’encadre les autres zones. Cette lacune fait craindre un développement monofonctionnel, peu compatible avec les objectifs de transition écologique. De plus, la (sur)densification prévue du côté de Cleunay et Nord Rocade risque de saturer davantage les axes de circulation, malgré les investissements annoncés dans les transports en commun. Là encore, les évaluations d’impact de la modification du Scot n°3 semblent incomplètes.
Malgré tout, la modification du SCot a été largement approuvée par le conseil métropolitain (92 voix pour, 16 abstentions) qui donne son aval, à l’exception notable des deux élu·es de Pacé. La commune reste en effet marquée par l’abandon du projet Open Sky, dont elle espérait tirer environ 250 000 € de recettes fiscales annuelles. Par ailleurs, la chambre d’agriculture de Bretagne a salué l’effort de réduction des surfaces commerciales à hauteur de 5 046 m², soit 18 % des surfaces initialement prévues, tout en regrettant l’absence d’explication sur l’impossibilité d’aller plus loin dans cette réduction.
Officiellement, l’enquête publique est ouverte. Mais à ce jour, aucune contribution n’a été enregistrée (voir ici). Faut-il y voir un désintérêt, une résignation ou un défaut d’information ? Dans un contexte d’urgence écologique et sociale, où chaque mètre carré urbanisé questionne nos choix collectifs, cette réaffectation aussi discrète mériterait sans doute un débat public à la hauteur des enjeux.
Enquete publique : https://www.registre-numerique.fr/modif3-scot-pays-de-rennes/documents