[Report] Grand Parc et Perfume Genius @ l’Antipode MJC

Perfume Genius n’était programmé que sur deux dates en France. On est sacrément chanceux que l’Antipode MJC ait été l’une d’elle. Et avec nous, le public de l’Antipode de ce mercredi 29 novembre. Sans oublier la découverte (pour nous) de Grand Parc. On vous raconte.

Grand Parc

Une chouette bonne surprise que Grand Parc, qui ouvre la soirée. On les avait manqués aux Transmusicales en 2016 et on est plutôt content d’avoir eu ce soir une chance de se rattraper. Accompagnés notamment auparavant par Charles-Antoine Hurel à la batterie (Jésus Christ Fashion Barbe) et Jean-Baptiste Julien à la basse et au clavier (Fiodor Dream Dog, Katel, Alex Baupain) ou Tatiana Mladenovitch à la batterie (Fiodor Dream Dog – c’est elle aussi avec Bertrand Belin), c’est en duo que se présentent Nicolas Marsanne et Annie Langlois sur la scène de l’Antipode. Tout aussi sympathiques que talentueux, les deux musiciens alternent guitares (jaguar vs telecaster ?) et claviers, voire machines et boucles enregistrées. Et se partagent le chant pareillement. Et quitte à varier encore davantage les propositions, se collent tout autant à l’anglais qu’au français.

Si la version duo efface un peu la dimension math des compos des musiciens d’Hérouville St Clair, les morceaux sont loin de filer tout droit, ou tout doux. Le duo se permet les accalmies tout comme les montées en tension, les moments plus enlevés comme des déambulations contemplatives. Des parties enveloppantes côtoient des breaks plus arides, des boucles sinueuses enveniment encore des basses sournoises et retorses. D’ailleurs, si les deux jouent live guitares ou claviers, l’attention portée à la qualité des boucles, tant dans leur variété que dans leur richesse, épaissit encore cette pop fichtrement bien troussée.

Pas monolithique pour deux sous, donc, Grand Parc s’autorise en effet des compos libres qui concassent les sous-genres de la pop et rayonnent large. Et se permettent avec un culot salvateur, le temps des développements. Bref, une bien belle surprise que la salle en son entier semble partager, promettant dans un chouette dialogue avec les musiciens, de les suivre désormais.

Perfume Genius

Si Grand Parc était une découverte, on est beaucoup plus familier avec les disques de Mike Hadreas, aka Perfume Genius, qu’on écoute depuis Put Your Back N 2 It (début 2012) (avant une plongée à rebours dans l’à-vif et dépouillé Learning -2010), mélange de paroles très intimes, douloureusement émotionnelles et de pop rongée à l’os. Depuis, le garçon a sorti No Shape, son quatrième album, en mai 2017 chez Matador, encore plus brillant et abouti que l’électronique et glam Too Bright (2014), troisième long format qui ouvrait pourtant la voie à une musique plus flamboyante (et accessible). C’est d’ailleurs avec le premier titre de No Shape que le garçon de Seattle (il vit maintenant à Tacoma) ouvre le concert : sur les arpèges au piano joués par son compagnon Alan Wyffels, Mike Hadreas, en pantalon satiné, débardeur blanc collant sur le torse et petites bottines vernies, chante, fragile et gracile, sa voix s’élevant au-dessus du public telle une prière. Mais une prière diablement sexy. Les yeux de la salle étant irrémédiablement captivés par les déhanchements queer du garçon.

L’explosion soudaine à l’arrivée de la batterie et de la basse, soulignée par les lumières stroboscopiques, cueille la foule et  catapulte à deux reprises le morceau sur des sommets électriques bienvenus, avant un final a capella à deux voix. A peine le temps de se pâmer que l’électronique et enlevé Longpip relance aussitôt la machine et les mouvements gracieux de Mike Hadreas élèvent encore la température dans la salle sur un Fool diablement sexy. A chaque fin de morceau, les applaudissements retentissent, fort, et le public en redemande. Ça tombe bien puisque les Américains ont une setlist sacrément bien fournie, qui pioche d’abord allègrement dans le dernier album en date (la super pop Wreath d’une efficacité redoutable, un Just like love langoureux marqué par la très belle voix de Perfume Genius, Go ahead à peine plus abrupt ou le très réussi Valley).

Les titres qui suivent, issus de Put Your Back N 2 It, sont tout aussi appréciés, notamment le délicat et émouvant Normal Song avec ses arpèges à la guitare quasi chuchotés, suivi de l’hyper mélodique Dark Parts (au piano cette fois) et d’un All Waters envoûtant. Avec la reprise de Mary Margaret O’Hara Body’s In Trouble, Mike Hadreas enflamme à nouveau le public avec une danse encore plus sensuelle à quelques centimètres des premiers spectateurs. Le garçon crie, sort de scène, chevauche le tabouret de son piano, enroule le fil du micro autour de son épaule ou se meut entre ses camarades en pas glissés. Sur Grid, pareillement, ses déhanchements accompagnent cris et basse ronde. L’Américain, que d’aucuns ont pu entendre sur le Jonathan de Christine & the Queens, danse, accroupi, à genoux, marquant chaque pulsation rythmique d’un glissement vers l’avant, d’un balancement d’épaule saccadé. Classe, sensuel. Le moite My body, avec sa basse addictive, se transforme alors en garage électronique tonitruant : sa fin abrupte produit son effet et la foule applaudit comme un seul homme.

La voix haute de Die 4 you et son instrumentation épurée viennent alors offrir un contrepoint parfait aux décharges électriques précédentes, tandis que Run me through renoue avec la chaloupe. C’est également avec un titre de son dernier album que le quatuor choisit de finir son set : la bombinette pop Slip away se révèle irrésistible et les sourires marquent les visages. Pour autant après cette bonne première quinzaine de morceaux et un set particulièrement généreux, Perfume Genius ne boude pas son public et revient pour 6 nouveaux titres.

D’abord seul au piano, pour deux morceaux, dont le tendre Alan, Mike Hadreas est ensuite rejoint par Alan Wyffels pour un morceau à quatre mains, le très ancien Learning, particulièrement émouvant ce soir. Le batteur et le bassiste rejoignent ensuite la scène pour le tout aussi vieux, mais doucement sautillant Mr. Peterson. Avant d’enchaîner sur un Hood aussi pop que touchant qui prépare parfaitement l’explosion de joie qui court dans les premiers rangs aux premières notes de Queen, qui achève le set. Question sourires et applaudissements, c’est carton plein : Perfume Genius a mis ses paillettes plein nos yeux. Entre charisme naturel, classe insolente et intégrité, en funambule entre exigence musicale et flamboyance fédératrice, le garçon et ses musiciens n’ont rien de moins offert ce soir qu’empathie, espoir et fierté. Pride, glisserait-on même.

 


 

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