Mercredi après-midi, au Jardin Moderne, sur des chaises de jardin, au soleil des quasi premiers jours de printemps… Une belle manière d’évoquer l’arrivée des Embellies avec Amandine Aubry, chargée d’accompagnement artistique sur les Embellies et Stéphanie Cadeau, programmatrice du festival. Rencontre.
Alter1fo : On commence simplement. Est-ce que vous pouvez vous présenter et présenter les Embellies en quelques mots ?
Amandine Aubry : Amandine. Je suis chargée d’accompagnement artistique pour le festival et pour l’association Patchrock en général. C’est à dire que je m’occupe de la production, d’un peu de régie et des actions culturelles.
Stéphanie Cadeau : Stéphanie. Je suis la programmatrice du festival Les Embellies. Cette année, c’est la 16ème édition.
Alter1fo : Ça commence à faire !
Stéphanie : Les premières années, pour les gens qui seraient un peu perdus, on s’appelait Les Bar’baries. Depuis 2006, le festival s’appelle les Embellies.
Alter1fo : Et avec plusieurs changements de noms d’ailleurs : Les Embellies d’hiver, Les Embellies de printemps, et cette fois-ci Les Embellies tout court.
Stéphanie : Oui. On s’est beaucoup baladé dans les dates. Quand le festival a commencé, ça se passait en février et un peu en mars. Après, on a déplacé le festival en automne. On s’est déplacé de saisons en saisons. On trouvait ça intéressant et joli de baptiser le festival en fonction des saisons. Et puis on est revenu au printemps. On s’est rendu compte que les gens étaient un peu perturbés par ces changements. Ils ne savaient jamais quand le festival avait lieu. Ils pensaient même que ça avait lieu deux fois par an. En définitive, le printemps, c’est une très belle saison. C’est le moment du renouveau. Tout fleurit. Ce sont souvent les premiers soleils. On se sent bien au printemps. C’est pour cela que maintenant, on ne met plus la saison, afin que les gens ne soient plus perdus. Les Embellies c’est mars, et c’est le printemps. (rires)
Alter1fo : Au début le festival était davantage tourné vers la chanson française, maintenant il l’est beaucoup moins. On ne sait pas si on peut dire que le festival s’est « ouvert » mais en tout cas, il est allé vers d’autres choses. Pourquoi ça ?
Stéphanie : Oui. Sur les premières éditions, la programmation était clairement chanson française parce que dans l’asso, on en était tous archi fans. On a fait nos débuts grâce à des groupes comme Tête Raide ou La Tordue. Ils nous ont ouvert la porte, dans le sens où ce sont ces gens-là qui nous ont motivé au début pour créer l’association, pour organiser des concerts dans les salles, etc… Petit à petit, on a commencé à écouter d’autres choses, à rencontrer d’autres personnes. On a rencontré beaucoup de musiciens rennais. Et… Il n’y a pas beaucoup de chanson à Rennes finalement. Tu parlais d’ouverture. Moi je dirais qu’on a pris un virage. En plus, ça coïncide avec le moment où on a changé de nom pour les Embellies. On a pris ce virage plutôt pop-rock, folk. Je pense que le virage a été bien fait et que maintenant on est en droite ligne sur cette couleur musicale.
Alter1fo : Patchrock, l’association, ce n’est pas que le festival. C’est aussi d’autres choses à côté. Comment s’est faite l’articulation entre vos différentes activités ? Quelle est la genèse de l’association de ces différentes facettes ?
Stéphanie : Il faut vraiment revenir très loin en arrière. A La Tordue. Au début, on organisait principalement des concerts. Puis, on a mis en place le festival. On a alors rencontré le manager de La Tordue, Jeff Le Poul, quand ils sont tous venus s’installer à Rennes. Il faisait aussi du booking, notamment du groupe Le Garage Rigaud, ou de groupes comme ça… On a ainsi commencé par mettre un pied dans l’accompagnement d’artistes : c’est à dire organiser une tournée, faire des résidences de création de spectacles. A cette époque-là, j’ai rencontré une artiste qui s’appelle Charlotte, etc, une Parisienne. On a alors commencé à faire du booking nous-mêmes. C’est Jeff qui nous a un peu formés. C’est un aspect qu’on a laissé tomber, qu’on a repris à différentes occasions. Puis j’ai travaillé avec Gwenaëlle Troadec qui s’occupait de The Last Morning Soundtrack et de Ladylike Lily. Ces deux artistes sont donc arrivés chez Patchrock en booking. C’était en 2011-2012. Ensuite ça s’est arrêté. Puis ça a repris l’année dernière. Maintenant on travaille avec Ladylike Lily, avec Fragments…
Alter1fo : Dans lequel on retrouve Sylvain Texier de The Last Morning Soundtrack.
Stéphanie : Voilà ! Avec toutes les belles choses qui se passent pour eux en ce moment, avec les Inouïs du Printemps de Bourges et la sortie du nouvel ep. On travaille également avec Bumpkin Island. On a aussi ce côté un peu original dans l’association, puisqu’on travaille aussi avec Grand Géant qui est un collectif de décorateurs. Tout ça en plus du festival, avec des productions de disques, etc.
Alter1fo : En plus de tout ça, vous faites aussi de l’action culturelle. C’est une expression pas forcément connue de ceux qui ne travaillent pas dans le milieu culturel. Est-ce que vous pouvez nous expliquer cela plus précisément ?
Stéphanie : Les actions culturelles prennent diverses formes : rencontres avec les artistes sur les temps de résidences de création ; visites des salles de spectacles ; ateliers de pratiques artistiques proposés aux écoles (écriture d’une chanson avec Sylvain Texier à l’école des Boschaux à St Armel ou ateliers d’arts graphiques avec Yoann Buffeteau à l’école Duchesse Anne à Rennes) ; tenue du Blog du festival par les lycéens de Victor et Hélène Basch (http://lesembellies.tumblr.com) ; reportages sur le festival par les enfants de l’école Tregain de Maurepas encadrés par le GRPAS (retranscrits sous forme d’un petit journal ou sur Canal B dans l’émission de l’Armada Prods), etc…
Amandine : Le principe de la carte blanche à Lætitia Sheriff comprenait aussi toute un part d’action culturelle qu’elle, elle avait envie de mener avec nous. Elle voulait retravailler avec les partenaires qu’avait déjà le festival, c’est à dire le GRPAS, le lycée Victor & Hélène Basch. Et s’est ajoutée à cela une rencontre qu’elle a faite de son côté, avec Anne Héloïse Botrel, médiatrice culturelle à la la Ligue de l’enseignement 35. C’est un gros projet d’action culturelle avec trois publics.
Alter1fo : La prison, les enfants…
Amandine : Et les lycéens. Ce travail-là s’est fait avec trois plasticiens, sur l’importance de l’image dans la musique, sur tout ce qui est réalisation de pochettes, affiches, etc. Ce sont trois plasticiens avec lesquels Lætitia a déjà travaillé dans son boulot à elle.
Alter1fo : Ils ont fait des pochettes de disque pour elle, par exemple.
Amandine : Oui, c’est ça, des pochettes et des affiches. Ces trois plasticiens étaient Tonio Marinescu, Yoann Buffeteau et Eric Mahé. Le principe de l’action culturelle était de réaliser trois grandes affiches de 1m sur 1m50 pour faire un espèce de triptyque qui sera exposé au Jardin Moderne et qui servira de scénographie pour les deux premières soirées du festival.
Alter1fo : Et c’est en lien, je crois avec l’enfer, les étoiles et l’apaisement…
Amandine : Oui, c’est autour de son album Pandemonium, Solace and Stars...
Alter1fo : Pourquoi cette envie d’aller vers ces publics-là, les enfants, la prison… ?
Stéphanie : Les actions culturelles ont commencé à se mettre en place quand on a commencé les résidences de création. Les premières années, c’était à l’Ubu, puis à l’Antipode. Donc on travaillait avec leurs partenaires, puisque nous, on n’en avait jamais fait. Petit à petit, on a rencontré nos propres partenaires, c’est à dire ceux qu’a cités Amandine. Pourquoi ces actions là ? Je dirais qu’à la base, très pratiquement, les créations sont possibles parce qu’il y a des aides publiques. C’est un juste retour des choses, que nous, on propose diverses offres à différents publics. Ça commence comme ça.
Mais au final, c’est aussi parce qu’humainement c’est aussi quelque chose de très très fort. Que ce soit avec les petiots de Trégain, et même avec les lycéens, qui sont plus grands… C’est rigolo d’ailleurs parce que du coup, beaucoup de ces lycéens vont être bénévoles sur le festival. On en a sept ou huit, je crois. Ils adorent ça, se rapprocher de la musique. Ils font maintenant partie de l’association !
Les actions culturelles, ce sont vraiment de grosses rencontres humaines. Ce projet avec Lætitia a démarré en juillet l’année dernière : c’est une aventure incroyable, que ce soit la rencontre avec les plasticiens, et puis après, pour eux, de voir comment ça se passe avec les différents publics… Amandine était à la rencontre dans la prison des femmes et c’était hyper fort. Voilà : ces actions-là, c’est aussi pour vivre ces moments-là. Toute l’année on a la tête dans le guidon sur l’organisation du festival, la mise en place de tout, des tournées. On est tout le temps dans ce milieu des musiques actuelles, on n’en sort pas, on voit beaucoup de monde de ce milieu-là. Et les actions culturelles nous font sortir de ça aussi. Quand les enfants (que ce soient les tout petits ou les plus grands) viennent sur le festival, on est obligé de s’arrêter, de les accueillir, de leur présenter ce qu’il se passe. Ça fait du bien d’arrêter de se regarder le nombril et de regarder un peu ce qu’il se passe autour.
Alter1fo : Autre belle rencontre, c’est celle de Lætitia Sheriff justement… Même si on n’est plus vraiment dans la rencontre, maintenant (rires). Vous lui avez proposé deux soirées cartes blanches pour cette édition des Embellies. Pourquoi ça ? Qu’est-ce qu’il va se passer ?
Stéphanie : Lætitia, on l’avait accueillie sur le ciné-concert au Ciné TNB, je pense que tu étais là (on acquiesce).
Alter1fo : C’était très très très très bien…. [voir le compte-rendu là]
Stéphanie : Voilà. (rires) C’était magnifique. C’était la première fois qu’on travaillait avec elle. Là, on savait qu’elle préparait son nouvel album. L’année dernière, à la fin de l’édition précédente, on a commencé à lui parler de l’accueillir en résidence. On sait que Lætitia fait beaucoup de projets, que ce soit dans le théâtre ou ailleurs, qu’elle fait beaucoup d’action culturelle, et qu’elle ne se cantonne pas justement, à accueillir un public qui vient voir une répétition, poser deux-trois questions, etc. On savait que ce serait une résidence qui allait aller plus loin que les autres, sans dénigrer le travail précédent bien évidemment. D’où l’idée de la carte blanche. Au début, c’était une carte blanche musicale, afin qu’elle choisisse les artistes programmés avec nous. Finalement, elle les a choisis toute seule comme une grande, parce qu’on a quand même pas mal de goûts communs.
Alter1fo : Vous n’avez rien eu à dire alors ?
Stéphanie : Non, parce que c’était évident. Monstromery, on avait très envie de l’accueillir. C’est quelqu’un qu’elle connaît bien. Furie, c’est pareil. On a quand même des connaissances et des goûts musicaux en commun.
Alter1fo : Olivier Mellano aussi…
Stéphanie : Oui. Pour Romain Baudouin aka 1 Primate, ça s’est fait sur le fil, sur la fin. Elle l’a vu en tournée. On s’est revu après. Elle nous a dit : « oooh, je veux absolument le rajouter« . On a dit oui, évidement, parce que ce sont de super belles propositions. La carte blanche est donc ensuite devenue carte blanche sur l’action culturelle, sur son idée des trois plasticiens, le chiffre trois, les trois thèmes, etc. C’est magnifique. D’une idée de départ de résidence, on a ce beau projet, qui a pris une grosse ampleur. On est pressé de voir le résultat.
Alter1fo : Oui, nous aussi. On est tous pressé en fait ! (rires). Pour des gens qui ne sont pas familiers avec ces actions, est-ce que tu peux nous expliquer ce qu’est une résidence de création ? Qu’est-ce qu’on y fait ?
Stéphanie : Les artistes répètent plus ou moins toute l’année chez eux, en studio. Là, on est au Jardin Moderne donc il y a plein de locaux de répétition. La résidence, c’est vraiment le fait de s’enfermer dans un lieu. C’est à dire que les artistes arrivent pour plusieurs jours. Ils posent leurs instruments. Ils ne les démontent pas le soir. Ça ne bouge pas pendant plusieurs jours. Il y a ce confort déjà. Ils s’installent avec leur technicien son, leur technicien lumière. Des fois ça peut aller plus loin : il peut y avoir un metteur en scène qui vient, une création de décor, comme on a pu avoir avec Montgomery. On a eu des créations vidéo avec Florian Mona. Là, Lætitia s’est posée avec son sonorisateur, son éclairagiste. Une résidence, c’est être dans une bulle pendant plusieurs jours, pour que tout soit propice à la création.
Alter1fo : C’est Yoann Buffeteau qui participe également à l’action culturelle, qui a réalisé l’affiche. C’est vraiment une collaboration de longue date avec les Embellies…
Stéphanie : Oui. Ça commence à faire longtemps. (rires) Les premières années quand on s’appelait Les Bar’baries, Sébastien Thomazo était le graphiste des premières affiches. Il venait justement lui aussi de cet univers chanson. Ça collait vraiment à la programmation.
Puis on a rencontré Yoann. On a tout de suite énormément flashé sur son boulot de graphiste. On le connaît aussi parce qu’il est musicien de Montgomery et qu’on adooore ce qu’ils font (rires). On a commencé à travailler ensemble en 2007, au moment de ce virage. Tout est donc arrivé en même temps. A chaque fois, on est hyper fier de ce qu’il nous propose. Les gens pensent toujours qu’il nous fait plusieurs propositions. Mais à chaque fois, non, il ne nous propose qu’un dessin. J’aime bien dire que ça me fait penser au travail de Montgomery. Quand on entend Montgomery pour la première fois ou qu’on voit un dessin de Yoann pour la première fois, on se dit (elle fronce les yeux) « mais qu’est ce que c’est que ça ? Qu’est-ce qu’il nous propose ?! » Et en fait assez vite, on s’y attache énormément et on comprend ce qu’il veut nous dire. Je sais qu’en général, l’affiche plait bien et elle colle vraiment à l’image du festival. Ça nous donne vraiment une identité visuelle hyper forte.
Alter1fo : Cette année, vous avez encore choisi de travailler avec plusieurs salles rennaises, on en reparle d’ailleurs tout à l’heure. Mais vous avez aussi choisi d’aller au 6 par 4 à Laval. Pourquoi ? Pouvez-vous également nous parler de la programmation de ce vendredi 21 mars à Laval ?
Stéphanie : En fait le 6 par4 c’est aussi la salle et l’équipe qui gèrent le festival Les 3 éléphants. A Patchrock/Les Embellies, on fait partie du festival Les 3 éléphants depuis le début avec Jeff [Foulon], le programmateur à Laval. On se connaît depuis quasiment nos débuts à chacun. On travaille ensemble depuis toutes ces années-là. Chacun fait partie du conseil d’administration des deux associations, c’est à dire lui de la nôtre, et nous de la sienne. On travaille toute l’année ensemble de toute façon. Mais on n’avait jamais fait croiser les associations concrètement. A la base, c’est parti de Lætitia Sheriff, parce qu’à Laval, ils l’aiment beaucoup aussi.
Alter1fo : Je ne sais pas où on ne l’aime pas en fait. (rires)…
Stéphanie : Elle était donc en résidence au Jardin Moderne mais ça s’est passé aussi au 6 par 4, pendant quatre jours là-bas. Pour elle, c’est intéressant de travailler sur deux lieux. La collaboration a commencé de cette manière. On s’est alors dit « et pourquoi ne pas faire également un concert, dans le sens où on essaierait d’échanger les publics entre Laval et Rennes ? » Ce n’était pas vraiment voulu au départ, mais il se trouve que finalement la soirée du 21 mars au 6par4, ce sera avec trois artistes rennais : Fat Supper, Bumpkin Island et Monstromery.
C’est une programmation qu’on a construite ensemble avec Jeff du 6 par 4. Je crois qu’on est tous assez content…
Alter1fo : Surtout que vous travaillez aussi avec Bumpkin Island et que ça permet de les faire connaître à d’autres publics.
Stéphanie : Voilà exactement. On espère aussi que les Rennais vont aller voir la salle du 6 par 4, ceux qui ne la connaissent pas. Et que parallèlement, les Lavallois vont découvrir les Embellies par la même occasion.
Alter1fo : On conseille à tout le monde d’y aller. C’est une très chouette salle, à taille humaine, avec une belle programmation.
Comme promis, on continue avec les salles rennaises. On a déjà parlé du Jardin Moderne avec les deux soirées cartes blanches à Laetitia Sheriff les mercredi 26 mars et jeudi 27 mars. Vous avez également programmé deux soirées à l’Antipode MJC, le vendredi 28 mars et le samedi 29 mars, avec notamment des artistes qui sont déjà venus aux Embellies. Ce sont des histoires d’amitié ? C’est parce que ça tombe comme ça ?
Stéphanie : C’est vrai qu’on est assez fidèle. Quand on aime bien un groupe, on est capable de le faire rejouer deux ou trois ans après, à la sortie d’un premier disque ou d’un nouvel album. Le premier soir, le vendredi 28 à l’Antipode, ce sera une soirée plutôt rock. On accueille Sarah W. Papsun qu’on avait accueilli en 2012. Ils avaient joué à l’Étage avec Syd Matters. Les gens avaient trouvé ça surprenant parce que Syd Matters, c’est plutôt posé, folk. Tandis que Sarah W. Papsun, c’est plutôt math-rock avec des sons électro. J’avais bien aimé ce mariage. On est hyper content de les accueillir pour la sortie du premier album et super pressé de les revoir. Le set est assez intense, quand même ! Ils sont toujours sur cette même optique de faire le set d’un bloc, sans pause. Le même soir, on a Bombay Show Pig, un duo plutôt rock qu’on a vu aux Rockomotives. On a complètement craqué sur eux. On retrouvera également Samba de la Muerte qu’on aime beaucoup aussi.
Alter1fo : Première soirée plutôt rock, et la deuxième soirée alors ?
Stéphanie : Soirée plutôt (elle hésite) folk, je dirais. Une soirée avec Chris Garneau, qu’on est hyyyyper content d’accueillir. Je crois que je vais dire ça à chaque fois ! Mais il faut le dire, à la base, je suis plutôt très touchée par les artistes qui sont programmés. A chaque fois, ce sont soit des coups de cœur, soit des gens qu’on suit depuis longtemps. Chris Garneau, c’est un artiste qu’on suit depuis longtemps. Son dernier album était assez ancien. On guettait donc avec impatience la sortie du nouveau, pour avoir l’occasion de le voir débarquer en France.
Alter1fo : Ça tombe bien, c’est en mars !
Stéphanie : (rires) Disons que je harcèle un peu le tourneur. Tous les ans, je l’appelle, en lui disant : « alors c’est pour cette année, oui, non ? » Il est donc au courant qu’au mois de mars, à Rennes, s’il veut, c’est possible. Ça s’est fait assez facilement. L’album va sortir en avril, mais ça coïncide, on va dire (rires). On est hyper content de l’accueillir. Il sera tout seul au piano. J’allais dire que c’est dommage parce que l’album est assez riche, il y a beaucoup de sons, etc. Mais en même temps, l’écouter seul au piano… J’aime bien les solos aussi. Je pense que ça peut être un moment vraiment très fort.
Ensuite, on accueille Tunng qu’on est ravi de revoir avec ce nouvel album et Geysir, un projet instrumental. Geysir, c’est un couple à la scène et à la ville. C’est Lionel qui vient de Nestor is Bianca, je ne sais pas si tu connais [on acquiesce, on a même leur tout premier album, celui de 2000, à la maison]. Ils font un ciné-concert autour du film Le Voyage Fantastique de Richard Fleischer (1965) qu’on a essayé de faire au ciné-TNB. On a fait deux ciné-concerts déjà, le Montgomery et le Lætitia Sheriff. Ce sont des moments assez forts, surtout dans cette belle salle du TNB. Mais ça ne coïncidait pas par rapport au calendrier pour Le Voyage Fantastique. Donc, peut-être l’année prochaine. En attendant, on accueille leur concert « classique » à l’Antipode.
Alter1fo : Et on finit en douceur le lendemain à l’Ubu…
Stéphanie : Voilà. Parce que dimanche, ça va être difficile quand même (rires). On finit avec Liwine et Emily Jane White.
Alter1fo : Lidwine, c’est assez particulier dans l’instrumentation, déjà…
Stéphanie : Oui, c’est une harpiste. Elle utilise aussi un harmonium indien. Elle a une voix incroyable ! Ses influences se voient assez vite. On pense tout de suite à Björk. Elle chante aussi bien. On ne l’a jamais vue sur scène. On ne l’a vue que sur vidéo. Le tourneur nous a envoyé des liens. Tu vois, quand on parle de coup de coeur, c’est le genre de chose qui se passe : tu visionnes la vidéo une fois et tu craques tout de suite. Tu renvoies un mail immédiatement en disant « oui, c’est oui, direct. » Je suis assez pressée de la voir sur scène parce que ça a l’air vraiment très beau.
Et puis on finira le festival avec Emily Jane White qu’on n’a jamais accueillie aux Embellies. Ce sera une première. Je l’ai vue à l’Ubu il y a quelques années. A l’époque, elle était à la guitare sèche et au violoncelle. Depuis, ça s’est un peu électrifié. Maintenant il y a du piano, de l’orgue et des guitares électriques.
Alter1fo : Une belle façon de clore le festival… On se permet de revenir sur la programmation en général. Tu parlais de coups de cœur, j’imagine qu’il y a aussi des soucis de cohérence à l’intérieur d’une soirée, sur la durée du festival… Comment faites-vous pour définir une programmation ? C’est quand même surtout une histoire d’envies ?
Stéphanie : Je dirais qu’il y a des envies qui trainent, depuis des années parfois. Tu vois, quelqu’un comme Chris Garneau, par exemple… Donc il y a des noms comme ça, des gens que j’espère avoir l’opportunité un jour « d’attraper » … Tous les ans je réessaie. Je vérifie si ce sont des artistes étrangers, si ça coïncide ou non avec leur venue en France. Ce sont de petites victoires quand ça fonctionne ! Il y a également beaucoup de choses qu’on voit sur les autres festivals. On aime bien aller aux Rockomotives. C’est bien, c’est à l’automne. C’est à peu près parfait pour notre programmation pour confirmer des choses (rires) ! Et puis on est assez nombreux dans l’association : les bénévoles ont des envies, qu’ils n’hésitent pas à soumettre, etc… Mais à la base, on est fan de musique, on écoute beaucoup de choses et on se promène sur les festivals. Il y a aussi des tourneurs avec qui on travaille depuis déjà assez longtemps, qui nous connaissent, qui connaissent nos goûts et qui nous envoient des choses en disant « ça, je suis sûr que ça va te plaire » et souvent, ils mettent le doigt pile dessus.
Alter1fo : C’est l’avantage d’exister depuis 16 éditions.
Stéphanie : Le désavantage, c’est qu’on reçoit encore des choses très chanson française. (rires) Là on dit : « non, ce n’est plus possible. Il y a plein d’autres festivals qui peuvent le proposer, mais nous, non, le cœur n’est plus sur la chanson. » Le virage est fait.
Alter1fo : On finit avec l’expo de Gaëlle Evellin Squares, qui ne sera plus visible au moment de la parution de cet article, mais qui servait d’ouverture aux Embellies à la Bibliothèque Lucien Rose depuis le 25 février [voir l’interview de Gaëlle Evellin ici].
Stéphanie : Gaëlle, on la connaît grâce à l’Antipode, tout simplement. Comme on fait beaucoup de concerts à l’Antipode, on l’a beaucoup croisée là-bas. Elle a aussi beaucoup travaillé avec The Last Morning Soundtrack. Elle fait de beaux portraits aussi. Forcément, on a souvent eu l’œil attiré par ce qu’elle fait.
J’adore ses photos. Il y a une émotion qui passe. J’adore aussi ses films, les films qu’elle a faits pour Court-Circuit pour l’Antipode. Il y a des endroits où j’étais présente et l’image qu’elle en ressort fait que l’ambiance est toujours là. C’est vraiment beau.
L’idée, à la bibliothèque Lucien Rose, c’était à la fois de lui proposer une expo photo et vidéo, puisqu’ils sont équipés d’un super écran. Je crois qu’elle est assez contente du résultat. Peut-être même qu’elle aura d’autres opportunités puisqu’il y avait quelques personnes de galeries qui étaient là. C’est ce qu’on lui souhaite. Et puis de toute façon, elle viendra faire des photos sur les Embellies encore cette année. (rires)
Alter1fo : Juste pour vraiment finir, rien à voir avec le festival, mais on aimerait parler juste deux minutes de Fragments, de la sortie du ep…
Stéphanie : Le ep va sortir le 7 avril. Ça va coïncider avec quelques concerts à Rennes, dont la Chapelle du Conservatoire le 10 avril. Ils vont aller jouer à Paris, en Belgique aussi. Et puis au Printemps de Bourges puisqu’ils viennent d’être sélectionnés pour les Inouïs. Ça va être super important. On est très content parce qu’on l’a déjà vécu avec Ladylike Lily en 2011. C’est vrai que d’être programmé là-bas, c’est un super spot et c’est un bon moyen d’attirer l’attention des programmateurs et des professionnels. On s’était déplacé pour Ladylike Lily et j’étais assez épatée de voir que les pros venaient vraiment beaucoup sur les Inouïs. La salle était pleine, la moitié était composée de professionnels. De professionnels qui se déplacent vraiment pour écouter, qui restent là tout du long et qui sont attentifs.
Alter1fo : Fragments, ça risque de marcher.
Stéphanie : Quand on parle de coup de cœur par rapport à la programmation du festival, c’est pareil pour les artistes avec lesquels on travaille. On ne travaille pas avec beaucoup d’artistes. On essaie de faire les choses bien, donc on n’en prend pas beaucoup. Fragments, dès les premières écoutes (j’imagine que pour toi ça a été pareil), on a craqué tout de suite.
Alter1fo : On est beaucoup à avoir craqué tout de suite, je crois.
Stéphanie : C’est juste magnifique. En plus, ils ont adorables. C’est super facile de travailler avec eux. Ça va être chouette à Bourges. On espère qu’il va se passer plein de belles choses, qu’ils vont pouvoir trouver un label ou un éditeur, et surtout plein de concerts pour ce ep qui sort et peut-être même l’album dès la rentrée, à l’automne. Ce serait chouette.
Alter1fo : Merci beaucoup à toutes les deux. On a en tout cas très envie que le festival commence.
Stéphanie et Amandine : Merci à toi.
On pense alors s’éclipser. C’est sans compter sur l’irrésistible proposition de Stéphanie Cadeau d’aller jeter un œil sur le travail de Lætitia Sheriff et de ses complices dans le noir de la salle de concert du Jardin Moderne. Trois titres déroulés avec une classe indéniable plus tard, on est encore plus impatient que le festival commence.
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